Le huitième ciel - Daguerre - Pernel - © Grégoire Matzneff

Florence Pernel embrase Le Huitième Ciel de Daguerre

Au Théâtre Actuel La Bruyère, Florence Pernel est magnifique dans la nouvelle pièce de Jean-Philippe Daguerre, Le huitième ciel.

Le huitième ciel - Daguerre - Pernel - © Grégoire Matzneff

La nouvelle pièce de Jean-Philippe Daguerre, Le Huitième ciel, esquisse un beau portrait de femme en reconstruction et offre ainsi à Florence Pernel un rôle à la mesure de son talent.

© Grégoire Matzneff

Nous avons découvert ce spectacle au Festival Off d’Avignon, cet été, au Théâtre Actuel. Nous étions sortis de la salle émus, mais surtout revigorés pour aborder l’avenir. Dans cette belle pièce, Daguerre nous raconte comment une femme, qui a vu son ordinaire dérangé, par une retraite anticipée, l’éloignement de sa fille à l’étranger, le départ de son mari, et l’arrivée chez elle d’un couple de migrants géorgiens, va devoir réapprendre à vivre.

Comme une sœur pour nous
Le huitième ciel - Daguerre - Pernel - © Grégoire Matzneff
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Le personnage d’Agnès est magnifique. Par son biais, Daguerre explore ce passage singulier dans la vie d’une femme, où du jour au lendemain, on lui dit qu’elle n’est plus dans le coup. Pas aisé dans cette société de dépasser la cinquantaine. Un âge où bien des femmes s’apprêtent à entrer dans ce fameux tunnel d’invisibilité. Qu’y aura-t-il au bout ? Agnès est une bâtisseuse de gratte-ciel, reconnue par ses pairs.

Elle a pris sa retraite anticipée pour devancer un licenciement annoncé. Elle en a les moyens. « J’ai gravi tous les étages de la réussite sociale pendant toutes ces années, et il a suffi de quelques semaines pour que je dégringole… » À force d’avoir fait passer son travail avant tout, c’est-à-dire la famille et les autres, elle a perdu une certaine humanité, qu’il est nécessaire, primordial qu’elle retrouve. C’est ce beau chemin que l’auteur, sur un ton à la fois léger et grave, nous fait découvrir. il offre ainsi une très belle réflexion sur le sens de la vie et surtout l’acceptation de l’autre.

Une troupe à l’unisson portée par une Florence Pernel éblouissante
Le huitième ciel - Daguerre - Pernel - © Grégoire Matzneff
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La comédienne possède un talent rare qui la fait passer avec une belle aisance du registre comique à celui de l’émotion, sans jamais forcer le trait. Que cela soit dans Le jour du kiwi, Comment ça va ?Suite française, cette grande dame ne cesse de nous surprendre. Le rôle d’Agnès lui va magnifiquement. Jouant des ruptures avec dextérité, elle fait vibrer toutes les intentions de son personnage. Elle évite les pièges de la facilité qui en feraient une caricature. Cette bourgeoise, qui ne pouvant changer le monde va tenter de sauver le sien, nous apparaît comme une femme rayonnante et terriblement humaine.

Daguerre sait choisir ses comédiennes et comédiens. Il a entouré Pernel d’une distribution parfaite. Dans le rôle du mari, ex-professeur de faculté, intellectuel au plus haut point, homme patient, attentif, compréhensif mais pas pour tout, Bernard Malaka est comme toujours excellent. On a une grande admiration pour cet acteur qui sait donner de l’étoffe et de belles nuances à ses personnages. Charlotte Matzneff incarne à la fois Jeanne, la fille d’Agnès et Anna, la jeune géorgienne. Dans ces deux rôles diamétralement opposés de caractère et en charge émotionnelle, l’actrice se montre brillante. Marc Siemiatycki incarne tour à tour, sans démériter, Robert, le jardinier au cœur d’or, et l’avocat. Dans le personnage de Lasha, celui qui a tout perdu et ne veut pas perdre plus, Antoine Guiraud est magnifique. On n’oubliera pas de citer Tristan Vrignault, en jeune loup qui se casse les dents.

Du rythme et de la poésie

Dans la veine de ses autres pièces, Adieu, Monsieur Haffmann, La famille Ortiz, Le petit coiffeur, Le voyage de Molière, La chambre des merveilles, cette pièce chorale est mise en scène par Daguerre avec une belle efficacité scénique. S’appuyant sur la scénographie de Juliette Azzopardi et Jean-Benoît Thibaud, les lumières de Moïse Hill, les costumes d’Alain Blanchot, la musique d’Hervé Haine, instaurant à la fois de beaux tableaux et une ambiance, il fait circuler l’histoire et ses protagonistes sans anicroche. Voilà, encore, une belle réussite.

Marie-Céline Nivière

Le huitième ciel texte et mise en scène de Jean-Philippe Daguerre.
Théâtre Actuel La Bruyère
5 rue La Bruyère
75009 Paris.
Du 12 septembre au 17 novembre 2023.
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 16h30.
Durée 1h30.

Avec Florence Pernel, Bernard Malaka, Charlotte Matzneff, Marc Siemiatycki, Antoine Guiraud, Tanguy Vrignault.
Décors de Juliette Azzopardi et Jean-Benoît Thibaud.

Costumes d’Alain Blanchot.
Lumières de Moïse Hill.
Création musique et assistant mise en scène Hervé Haine.

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