Vive de Joséphine Chaffin, mise en scène par Joséphine Chaffin et Clément Carabédian © Julie Cherki
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« Vive » de Joséphine Chaffin, le parcours judiciaire d’un inceste

Immergeant le public dans le ring d’un tribunal, l’autrice, en collaboration avec le comédien et metteur en scène Clément Carabédian, remonte le fil de l’indicible du crime à la résilience. 

Dans un espace quadri-frontal, Anaïs (Hermine Dos Santos) brise le silence et libère une parole trop longtemps tue. Née dans une famille de la gastronomie étoilée, ayant des prédispositions pour les métiers de bouche, comme on dit au grand dam de la plaignante, elle est la petite dernière d’une fratrie de trois, la bichette chérie à son papa. Sur la photo du clan, tout semble parfait. Un grand père (Patrick Palmero) gâteau, pâtissier hors pair ce qui ne gâche rien, une mère (Estelle Clément-Bealem) aimante peu encline à la tendresse, un frère et une sœur à peine présents, un père (Clément Carabédian) très exigeant qui prend plaisir à passer du temps avec sa cadette. Rien que du très ordinaire. 

Sous le beau vernis des apparences, la peinture craque. Au fil d’un récit fragmenté, qui se construit façon puzzle sous les yeux des spectateurs, une autre vérité apparaît, celle d’une enfance volée, d’une famille qui minimise le crime pour éviter le scandale, d’un père rongé par ses démons qu’il ne peut réfréner, son besoin de possession. Se plaçant du point de vue de la défense, telle une enquêtrice, Joséphine Chaffin dévoile petit à petit, à partir de bribes de souvenirs, l’envers du décor. Plus pédagogique qu’émotionnelle, sa plume invite à plonger dans les coulisses d’un procès, dans ce duel judiciaire entre parole et silence qui permet à la victime d’être reconnue comme telle pour enfin pouvoir se reconstruire. 

Vive de Joséphine Chaffin, mise en scène par Joséphine Chaffin et Clément Carabédian © Julie Cherki
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Avec la complicité du comédien Clément Carabédian, l’autrice signe une mise en scène rythmée et tourbillonnante, où autour d’Hermine Dos Santos, remarquable, un trio d’excellents comédiens, donnent vie aux différents protagonistes de l’histoire, les membres de la famille vivants dans le déni, les magistrats et avocats qui tentent de démêler le vrai du faux, les témoins apportant leur éclairage sur ce drame trop banal – un français sur 10 est victime d’inceste selon D’après un sondage Ipsos réalisé pour l’association Face à l’inceste en 2020. 

Conjuguant réalité des faits et poésie des mots, Vive, présenté à la Comédie de Reims avant de s’installer au théâtre du Train Bleu à Avignon, cet été, est de belle facture, mais manque un peu de chair et de profondeur pour totalement séduire un public adulte. Mais comme Joséphine Chaffin l’a imaginé comme une fable contemporaine adressée à la jeunesse, le spectacle touche parfaitement sa cible et permet d’aborder avec les adolescents et les scolaires, ce sujet tabou de manière directe sans pour autant tomber dans le pathos ou le graveleux. 


Vive de Joséphine Chaffin
Créé le 28 mars 2024 au Toboggan de Décines 
Présenté le 11& 12 avril 2024 aux Atelier de la Comédie de Reims dans le cadre du festival méli’môme

Durée 1h30 

Tournée
27 au 31 mai 2024 Le Théâtre, Scène nationale de Mâcon hors-les-murs (collèges) 
3 au 21 juillet 2024 au Théâtre du Train Bleu, Festival OFF d’Avignon

Mise en scène de Clément Carabédian & Joséphine Chaffin assistés de Bastien Guiraudou
Avec Clément Carabédian, Estelle Clément-Bealem, Hermine Dos Santos & Patrick Palmero
Création son Et musique de Théo Rodriguez-Noury
Création Lumières de Mathilde Domarle
Régie Lumières de Nicolas Zajkowski
Création Costumes d’Agathe Trotignon
Chorégraphie
 de Nina Vallon

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