Le jour du Kiwi © Cyril Bruneau

Le jour du kiwi, c’est bon pour la santé  !

Au Théâtre Edouard VII, Le jour du Kiwi de Laetitia Colombani, mis en scène par Ladislas Cholat, réunit joyeusement les Jugnot père et fils.

Le jour du Kiwi © Cyril Bruneau

Portant la promesse d’une joyeuse soirée théâtrale, ce Jour du kiwi était l’événement attendu de cette saison. Réunissant pour la première fois, Jugnot père et fils, cette comédie de Laetitia Colombani, mise en scène par Ladislas Chollat, gagne sur tous les fronts.

© Cyril Bruneau

Laetitia Colombani possède plusieurs cordes à son arc. Elle est réalisatrice, comédienne, autrice à succès d’un délicieux roman, La Tresse. Avec Le jour du kiwi, elle en rajoute une de plus, autrice de théâtre. Comme elle sait viser juste, elle atteint sa cible avec cette comédie formidable. La jeune femme s’est inspirée d’un fait divers, qui a eu lieu au Japon. Un homme ordinaire, sans histoire, vivant dans une routine implacable, s’est aperçu que des choses disparaissaient de son réfrigérateur. Il a mené sa petite enquête et découvert l’origine. Ce n’est pas la première fois que cette histoire originale sert. L’auteur Éric Faye en a tiré une nouvelle, Nagasaki, adaptée récemment au théâtre par Olivier Cuvellier.

À la recherche du yaourt disparu
Le jour du Kiwi © Cyril Bruneau
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Il faut souligner que l’autrice est juste partie du point de départ du fait divers pour tricoter son histoire et en modifier bien des aspects. Nous sommes en France, chez Barnabé Leroux. Plus déprimant que cet homme, ce n’est pas possible ! Ce comptable pointilleux, est spécialisé dans la lettre de réclamation. Depuis la mort de sa femme, il vit dans une solitude absolue. Détestant ses voisins qui le lui rendent bien, il vit dans une routine monotone réglée par ses petites manies. Et qu’elle n’est pas sa stupeur, lorsqu’il se rend compte qu’il manque un yaourt au Kiwi dans son frigo ! S’il n’y avait que ça ! Déjà obsessionnel sur bien des points, il n’aura qu’un nouveau but, trouver la raison de ces disparitions. Et cela va changer sa vie.

Un immense clown

Ce rôle de ronchon mal à l’aise dans le quotidien va comme un gant à Gérard Jugnot. Son interprétation est formidable. Il ne va jamais chercher à le rendre complètement antipathique et encore moins à nous faire rire à ses dépens. Le comédien a nourri de failles cet homme devenu ordinaire par nécessité. Celle de vivre dans un monde où il n’est pas à son aise. Il fait passer par un trait d’esprit, un sens parfait du phrasé et des ruptures, tout le comique des situations dans lesquels se retrouve empêtré son personnage. Son évolution en homme de cœur se suit avec une grande joie. On se régale tant sa partition est finement maîtrisée.

Bon sang ne saurait mentir
Le jour du Kiwi © Cyril Bruneau
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Barnabé Leroux a un fils, qu’il voit très rarement. Ce que l’on comprend aisément. Cela ne doit pas être facile de supporter un tel paternel. Mais l’amour filial est quand même là, tenant à un fil fragile que cette histoire de yaourt va finir par renforcer. Le jeune homme s’inquiète d’abord de la santé mentale du vieux. Ce qui l’oblige à admettre que l’on ne peut échapper au naufrage de la vieillesse et à sa finalité, la mort. Alors, il va être plus présent, essayer de renouer le dialogue pour resserrer les liens. C’est ce qui va lui permettre de grandir, de prendre un envol dans sa vie. Arthur Jugnot est parfait dans ce rôle d’adulescent qui, arrive difficilement pas à se poser, court après le temps. S’appuyant sur une belle connivence, portée par des accents de sincérité, le duo, père et fils, fonctionne merveilleusement bien.

Une psy délirante

La belle astuce de l’autrice est d’avoir inventé le personnage de la psy. Elle représente le seul véritable contact avec le monde extérieur. Pour rien au monde, il manquerait son rendez-vous hebdomadaire. Plus il lui développe son obsession de comprendre pourquoi des denrées disparaissent de ses placards, plus la psychiatre se demande si ce n’est pas elle qui perd pied ! La thérapeute laisse tomber les barrières et se libère dans des accès de lâcher-prise hilarants. Regardez bien ses costumes avec ces couleurs assorties ! Absolument géniale dans ce rôle de foldingue, possédant la vis comica, Florence Pernel déclenche, chez les spectateurs, de beaux éclats de rire.

La vie n’est pas un fleuve tranquille
Le jour du Kiwi © Cyril Bruneau
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Il ne faudrait pas oublier le personnage discret et néanmoins nécessaire de celle qui a mangé le fameux yaourt au Kiwi. C’est l’électron qui va permettre à tous les protagonistes de trouver un sens à leur vie. Elsa Rozenknop, découverte en ado rebelle, en 2016, dans Sur les cendres de Pierre Notte, donne à ce personnage de jeune femme jetée à la rue de belles nuances.

Une mise en scène étonnante

La mise en scène de Ladislas Chollat est un véritable feu d’artifice visuels ! Utilisant astucieusement la tournette du plateau de l’Édouard VII, il fait tourner le décor qui s’ouvre ainsi sur les différentes pièces de l’appartement de Barnabé et le cabinet de la psychiatre. Le fauteuil de cette dernière se promène sur la scène, telle une voiture télécommandée. Les mouvements et intentions des personnages, jamais gratuits, sont fluides. Ayant le sens du rythme nécessaire à mener à bien une comédie, le metteur en scène nous laisse juste le temps de souffler entre le rire et l’émotion. Bravo !

Marie-Céline Nivière

Le jour du Kiwi de Laetitia Colombani.
Théâtre Édouard VII
10 place Édouard VII
75009 Paris.
Jusqu’au 15 avril 2023.
Du mardi au samedi à 20h45, matinée le samedi à 16h30 et le dimanche à 16h.
Durée 1h30.

Mise en scène de LadislasChollat.
Avec Gérard Jugnot, Arthur Jugnot, Florence Pernel, ElsaRozenknop.
Assistant à la mise en scène ÉricSupply.
Musique originale de Frédéric Norel.
Costumes de Jean-Daniel Vuillermoz.
Lumière de Madjid Hakimi.
Décors d’Emmanuelle Roy.
Accessoires de Marie Hervé.

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