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L’onirique odyssée initiatique de Pierre Notte

Dix ans après sa création, Pierre Notte remonte Les couteaux dans le dos aux Déchargeurs.

Dix après sa création, Pierre Notte remonte une de ses pièces emblématiques, Les couteaux dans le dos. Jouant sur les mots, les entremêlant en une folle farandole, il rend un hommage poétique à Ibsen et Strindberg, que vient souligner l’interprétation fougueuse et virtuose de cinq comédiennes épatantes.

Toutes, habillées de noir, elles s’installent en ringuette sur des chaises placées en fond de scène. Toutes différentes, elles scrutent l’horizon dans l’attente d’un non-évènement. L’une d’elle (radieuse Kim Schwarck) se lève. Cheveux en pétard, voix grave, tonitruante, c’est la narratrice. En quelques phrases, elle présente les principaux protagonistes de cet homérique récit, de cette quête vers un ailleurs que l’on espère différent, pas forcément meilleur. Il y a Marie (éblouissante Paola Valentin), une jeune fille quelque peu désespérée, ses parents (hilarante Caroline Marchetti et inénarrable Amandine Sroussi) qui s’engueulent à tout bout de champ et les représentants dépassés de l’autorité (désopilante Muriel Gaudin).

Couteaux_metz_déchargeurs-513-© Ifou pole media_@loeiloliv

Très vite, la situation dérape. L’absurde prend le pas sur le réel. Fuyant le foyer de son enfance, dont elle ne supporte plus l’ambiance électrique, délétère, Marie erre dans la nuit, traverse d’étranges contrées, faites des rencontres bien étranges. Une ombre plane, la mort rode. Pas si simple de vivre, quand le monde paraît hostile, singulier, quand le regard des autres blesse. Cherchant à travers un long périple, un sens à son existence, puisant dans le théâtre des inspirations dans les destins fabuleux des grandes héroïnes, elle finit par trouver un peu de quiétude de paix, auprès de son âme sœur, un frère de désespérance, un jeune gardien de phare, dont le mal-être est tout aussi criant que le sien. La fin est proche. Faut-il vivre ou mourir ? Faut-il laisser les couteaux dans le dos se transformer en aile d’ange ?

Fasciné par les grandes épopées d’Ibsen, de Strindberg, Pierre Notte suit leur trace et esquisse avec peu, juste des mots s’enchaînant avec une grâce furieuse, indomptable, une fable douce-amère, où nostalgie d’un monde désuet et mélancolie tempèrent un comique burlesque et facétieux des plus mordants. S’amusant des formes verbales, jouant avec un vocabulaire très imagé, il invite à prendre la route, à suivre notre jeune héroïne dans son parcours initiatique autant vain, qu’inespéré.

Quelques longueurs, redites par-ci par-là, si l’on veut chipoter, ergoter. Mais la verve de Pierre Notte s’illumine toujours grâce aux choix judicieux de ses interprètes. Ici, notre quintet de comédiennes, toutes habituées à la musicalité de cette écriture si particulière, font magistralement résonner la poésie très rock, l’apparente légèreté de ce conte noir où elles interprètent pas moins d’une quarantaine de personnages différents. De Paola Valentin à Amandine Sroussi, de Muriel Gaudin, à Kim Schwarck, en passant par Caroline Marchetti, qui était déjà dans la distribution de 2009, toutes, vibrantes, étonnantes, irradient la scène. Du rire aux larmes, elles plantent avec délice ses joyeusement tristes couteaux dans le dos.

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


AFF_COUTEAUX 2019_Déchargeurs_@loeildoliv

Les couteaux dans le dos de Pierre Notte
Les déchargeurs – salle vicky messica
3 rue des déchargeurs
75001 Paris
Du 12 février au 7 mars 2019
Du mardi au samedi à 21h30
Durée 1h30

Mise en scène de Pierre Notte assisté de Caroline Marchetti
Avec Muriel Gaudin, Caroline Marchetti, Kim Schwarck, Amandine Sroussi & Paola Valentin
Lumières d’Antonio de Carvalho
Costumes de Christian Gasc

Crédit Photos © iFou pour le Pôle Média

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