Prix No'Bell - Elisabeth Bouchaud © Pascal Gély
© Pascal Gely

“Prix No’Bell” rend à Jocelyn Bell ce qui lui appartient

Au Théâtre de la Reine Blanche, Élisabeth Bouchaud poursuit le feuilleton théâtral des "Fabuleuses", autour de femmes scientifiques qui ont changé la face du monde et que la société patriarcale a voulu jeter dans l'oubli. Ce deuxième volet met en lumière l’astrophysicienne Jocelyne Bell.

Qu’ont en commun Lise Meitner, Jocelyn Bell et Rosalind Franklin ? Une, d’être de brillantes scientifiques. Deux, de s’être vu voler leurs découvertes par des hommes. Ces derniers, après s’en être approprié la paternité, ont pu recevoir les honneurs à leur place. Ainsi était le monde ! Après le passionnant, Exil intérieur sur Lise Meitner (et la découverte de la fission nucléaire), Élisabeth Bouchaud présente Prix No’Bell sur Jocelyn Bell, à l’origine de la découverte des pulsars. Le troisième volet, sur Rosalind Franklin (l’ADN) arrivera en mai. Soyons clairs : pas besoin d’avoir de bonnes connaissances scientifiques pour savourer ces pièces. Toutes tracent aussi de beaux portraits de femmes dans le paysage de leur époque.

Prix No'Bell - Elisabeth Bouchaud © Pascal Gély
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Nous sommes à la fin des années 1960 en Angleterre. La société change. Les jupes se raccourcissent chez les filles et les cheveux s’allongent chez les garçons. On revendique le « faites l’amour mais pas la guerre ». Les jeunes femmes sortent enfin des carcans sociétaux et patriarcaux pour accéder enfin plus facilement aux bancs des universités. Mais le chemin à parcourir est encore long. Jocelyn Bell en sait quelque chose. Elle a vingt ans, elle est brillante et souffre du “syndrome de l’imposteur“ ou de celui du “vilain petit canard”. Pas facile de trouver sa place à Cambridge, lorsque l’on est femme, scientifique et de surcroît Irlandaise du Nord. Elle va donc en faire plus que les autres et revenir sans cesse sur son ouvrage, une thèse en astrophysique sur les quasars — les fameux trous noirs.

Sous la direction d’Anthony Hewish, et avec quelques autres, Jocelyn travaille à la construction d’un radiotélescope. Un jour, en examinant les enregistrements, la jeune étudiante remarque un signal différent qui revient différemment. Comme nous sommes en plein boom des œuvres de science-fiction et des petits bonshommes verts, son directeur de thèse va d’abord se moquer d’elle, avant de prendre aux sérieux ses observations. Elle vient de découvrir les pulsars. C’est un peu compliqué à saisir pour les néophytes que nous sommes, mais assez bien expliqué pour en saisir l’importance. À la suite de cela, en 1974, son cher mentor va recevoir le prix Nobel pour ses travaux, et prendra bien soin de ne pas la mentionner.

Prix No'Bell - Elisabeth Bouchaud © Pascal Gély
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L’autrice Élisabeth Bouchaud met la focale sur le parcours de cette jeune fille en passe de devenir une figure féminine admirable. En filigrane, l’autrice raconte comment, ainsi que le disait de Beauvoir, on « devient » femme. Face à la scientifique, un personnage imaginaire nommé Janet nourrit un dialogue autour des sujets de sociétés de l’époque et des questionnements intimes. Ce procédé judicieux permet à la pièce d’aborder ses axes universels : la condition féminine et la construction de l’être dans ce cadre. Les années 1970 nous sont suffisamment proches pour en comprendre encore tous les enjeux d’aujourd’hui.

La mise en scène de Marie Steen est admirable. Comme dans Exil intérieur, elle s’appuie sur la scénographie de Luca Antonucci et les lumières de Philippe Sazerat. On ne change pas une équipe qui gagne ! Au son des tubes des Beatles, l’action gravite autour des piquets du télescope, créant ainsi un espace mobile qui donne une circulation gracieuse à l’histoire. Celle-ci est portée brillamment par Clémentine Lebocey dans le rôle de Jocelyn Bell. La comédienne, que l’on avait découverte dans Anquetil tout seul, Le chat noir ! et plus récemment, le superbe T.C.H.E.K.H.O.V., fait merveilleusement sonner la belle personnalité de Bell. Dans le personnage de la précieuse amie Janet, entre autres, Roxane Driay est formidable. Et dans la peau du peu fréquentable Anthony Hewish, Benoît Di Marco (Exil Intérieur, Giordano Bruno, Répliques) est épatant, comme toujours. Il y a de quoi s’enchanter.


Prix No’Bell d’Élisabeth Bouchaud.
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis passage Ruelle
75018 Pari
s
Du 27 mars au 25 avril 2024
Durée 1h15

Mise en scène de Marie Steen
Avec Clémentine Lebocey, Roxane Driay et Benoît Di Marco
Scénographie de Luca Antonucci
Costumes de Muriel Delamotte assistée de Marie Le Garrec
Vidéo de Guillaume Junot
Lumières de Philippe Sazerat
Son de Stéphanie Gibert
Composition d’Anne Germanique

Bande annonce Prix No’Bell © Reine Blanche production
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