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Olivier de Sagazan © DR
Olivier de Sagazan © DR

Olivier de Sagazan : De l’argile, de la peinture et des gestes

Cet été à Avignon, le plasticien et performeur présente à La Manufacture son emblématique Transfiguration et Il nous est arrivé quelque chose, création vertigineuse sur le langage. Cet automne, il créera Toujours, jamais ! au CDN de Rouen-Normandie. En parallèle, il expose ses nouvelles œuvres à la galerie Loo & Lou, à Paris. Des toiles en haut-relief, où le corps jaillit de la matière pour faire vaciller notre regard.

Dans la galerie Loo & Lou, où il prépare sa prochaine exposition parisienne, les toiles, en cours d’accrochage, ne se laissent pas simplement regarder. Elles vous fixent. Elles vous attendent. Des corps surgissent des cadres, des visages déformés jaillissent du mur comme s’ils tentaient de traverser la matière. Visages entre Bacon et Ensor, torses disloqués, cris figés dans la glaise. Le geste est toujours le même, frayer un chemin vers l’invisible. « D’habitude, c’est la peinture qui influence mon travail scénique, confie Olivier de Sagazan. Mais là, c’est l’inverse. Mon nouveau spectacle a contaminé mes tableaux. »

Installé sur un banc en bois japonais, à quelques centimètres du sol, l’artiste parle comme il crée, avec le corps. Il ne distille pas des concepts, il jette des blocs d’intuition, de sensations, de visions, avec la ferveur d’un homme en prise directe avec le mystère du vivant. Sa voix chante, sa pensée déborde. On sent en lui cette tension, cette nécessité presque animale de comprendre, de percer ce qu’il appelle le point aveugle de notre existence. « Je cherche à comprendre pourquoi on est là. Pourquoi on vit. Pourquoi on meurt. Et l’art est la seule manière que j’aie trouvé d’approcher cela. »

Transfigurations d'Olivier de Sagazan © Didier Carluccio
Transfiguration d’Olivier de Sagazan © Didier Carluccio

Né à Brazzaville, au Congo, il retourne en Afrique pour sa coopération, après avoir refusé de faire son service militaire. Deux années fondatrices au Cameroun. « Là-bas, j’ai compris une chose essentielle : il n’y a pas de séparation entre l’art et la vie. Une sculpture n’est pas un objet. C’est un lien. Un acte. Une nécessité. » 

 Pourtant, Olivier de Sagazan, malgré cette sensibilité artistique, se destine à une carrière de biologiste et, en toute logique, entame des études scientifiques avec l’espoir de percer les lois du vivant. « Mais très vite, j’ai compris qu’on en restait à des mesures, à des chiffres. On passait à côté de l’essentiel. » 

Le basculement survient à Amsterdam. Il entre par hasard dans une salle du Rijksmuseum et tombe sur un autoportrait de Rembrandt. Il en sort chaviré. « Ce jour-là, j’ai compris que seul l’art permettait d’aborder à la fois l’extérieur et l’intérieur du vivant. L’énigme de l’existence ne se mesure pas : elle se traverse. »

Il peint, sculpte, donne vie au métal, au bois, à l’argile. Il teste tous les matériaux possibles. Dans son atelier saint-nazairien, un monde se crée, fait de têtes, de corps, de membres. Le jardin est envahi d’étranges créatures. Il ne veut pas séduire. Il veut secouer. « Je veux que ça agisse sur le système nerveux. Comme une sculpture teke ou un autoportrait de Rembrandt. Il faut que ça bouleverse, sinon ça ne vaut rien. » Il cherche l’impact, pas l’agrément. Le geste juste, pas l’effet. « Créer, c’est bouger. Je ne peux pas rester immobile. Le mouvement fait apparaître la forme. »

Ainsi soi moi d’Olivier de Sagazan © Alain Monot
La Messe de l’âne d’Olivier de Sagazan © Alain Monot

Debout, il mime les gestes du créateur, il montre et illustre son travail. « Tout est question de chorégraphie. Même quand je sculpte l’argile, j’invente comme une sorte de ballet, où je tords les membres jusqu’à trouver la posture qui me semble idéale, même si elle n’a rien à voir avec ce que j’imaginais. C’est toute la force de la création. »

Puis, en juin 1998, une sculpture refuse de vivre. Il la tourne, la détruit, la reconstruit, comme il a pris l’habitude de travailler. Rien n’y fait. « Elle restait morte. J’étais au bout. Alors, dans un geste presque désespéré, j’ai installé une caméra, j’ai pris de l’argile et je me suis enduit le visage. J’ai tenté de devenir moi-même la sculpture. » Ce qu’il découvre sur l’écran le sidère. L’image d’un corps en train de se défaire, de renaître, de disparaître. Transfiguration est né.

Depuis, il l’a jouée plus de 400 fois dans le monde entier. La vidéo a été vue plus de 6,5 millions de fois sur YouTube. Et pourtant, en France, il reste marginal. « À peine une dizaine de dates ici. Mon travail échappe au texte, à notre théâtre rationnel. Il trouble. »

Cet été, à La Manufacture, il présente Transfigurations et Il nous est arrivé quelque chose, création plus verbale, mais tout aussi vertigineuse. Sur scène, un homme s’interroge sur sa propre pensée. À la fin, il dialogue en direct avec une intelligence artificielle. « Personne ne devine que c’est une IA. C’est fascinant. Qui parle quand je parle ? »

Il nous est arrivé quelque chose d'Olivier de Sagazan  © Henri de Rusunan
Il nous est arrivé quelque chose d’Olivier de Sagazan © Henri de Rusunan

La performance est nourrie de réflexions anciennes d’Olivier de Sagazan autour du langage, influencées notamment par la lecture de Beckett. L’acteur devient lui-même une « tête de lecture », pris dans le flux des mots, dépassé par ce qui le traverse. Le travail de la voix, de la diction, des silences et du souffle y prennent une importance nouvelle, dans un espace scénique nu, traversé d’inquiétudes métaphysiques. En regard, Transfiguration garde sa puissance brute de rituel archaïque et sensoriel, où le visage se défait pour mieux faire surgir l’indicible.

En novembre, il créera Toujours, jamais ! au CDN de Rouen-Normandie. Une pièce sur l’obsession de créer, même dans le doute. « Un peintre peut haïr son tableau le soir, puis recommencer le lendemain. Pourquoi ? Parce que c’est plus fort que lui. Parce qu’il y a une urgence. »

Le spectacle met en scène un personnage face à un mur monumental, tentant de communiquer avec une présence invisible. Il peint, gratte, frotte, efface, et peu à peu, la matière devient son. Des capteurs enregistrent les gestes, qui deviennent musique. Le tableau se fait partition. À cette transe picturale s’ajoute un travail chorégraphique puissant, nourri de rythmes et d’impulsions. Mais surtout, le plateau s’anime de marionnettes à taille humaine, fabriquées dans son atelier, qui envahissent l’espace comme autant de doubles de chair et d’argile.

Toujours, jamais ! d’Olivier de Sagazan © DR

Ces figures, qu’il cloue au mur à l’agrafeuse, rappellent des œuvres connues, des fresques, qu’il cite et détourne dans un geste de frénésie plastique. Elles annoncent l’exposition, dont le vernissage a eu lieu le 6 juin à la Loo & Lou Gallery, où ses nouvelles œuvres – véritables toiles en haut-relief – prolongent ce geste performatif. Là encore, des corps jaillissent littéralement de la toile, comme arrachés au mur. Une peinture vivante, organique, traversée par le mouvement de la scène.

Lui ne cesse d’explorer, de danser avec l’inconnu. Il ne fait jamais deux fois la même œuvre, ni la même performance. « Ce qui m’intéresse, c’est l’étonnement. La secousse. Je veux que mes œuvres retournent le regard, qu’elles nous rappellent que nous sommes vivants. Et personne ne sait pourquoi. »

Il dit cela avec douceur et fièvre. Olivier de Sagazan ne fait pas de l’art, il le vit. Et c’est sans doute là que réside la puissance de ses œuvres : dans cette manière d’engager tout son être dans une quête aussi simple que vertigineuse, qu’est-ce qu’on fait là ?


Toujours, jamais ! d’Olivier de Sagazan
Loo & lou Gallery
20 rue Notre-Dame de Nazareth
75003 Paris
du 6 juin au 27 juillet 2025

Transfiguration d’Olivier de Sagazan
durée 1h50 trajet compris

Tournée
le 6 juin à la Salle Rive Gauche dans le cadre du Festival Furies
du 05 au 09 juillet & du 18 au 22 juillet 2025 à La Manufacture – Patinoire, dans le cadre du Festival OFF Avignon


Il nous est arrivé quelque chose d’Olivier de Sagazan
Festival OFF Avignon
La Manufacture – Patinoire
Du 12 au 16 juillet 2025 à 20h35
durée 1h50 trajet compris

Performance et conception – Olivier de Sagazan
Régisseuse générale – Titia Marie
Musicien – Alexis Delong
Son de Rodrigue de Sagazan et Terence Briand
Vidéo de Guillaume Ménard
Lumière d’Adrien Oheix


Toujours, jamais ! d’Olivier de Sagazan
Création les 4 et 5 Nov 2025 CDN Rouen Normandie

Tournée
23 janvier 2026 à la Scène Nationale de ST Nazaire
29 janvier 2026 à la Scène nationale du Tangram Evreux
juillet 2026 au Festival Mimos à Périgueux

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