Lentement, la scène sort de la pénombre. Au centre, une silhouette de trois quarts se dessine. Pantalon de cuir vert, gestes lents, ondulatoires, presque transparents. Corps gracieux, volatile, tendu vers le ciel sans jamais le quitter. Derrière lui, le fond de scène se teinte d’un horizon de fin d’été, rose et violet, doucement mouvant.
Le temps s’étire. Les mouvements hypnotiques fascinent. Petit à petit, il est rejoint par d’autres congénères. Un, deux, une nuée se forme. Corbeaux, pies, oiseaux tropicaux, figures hybrides surgies d’un rêve. Ils se frôlent, s’épient, s’emboîtent. Une communauté mouvante qui danse à l’unisson ou en légère discordance, comme portée par une brise secrète.
Communauté de volatiles
La chorégraphie dessine des vagues, des rituels, des respirations. Une danse à la fois maîtrisée et instinctive. Les corps s’élancent, s’effondrent, se cherchent. Duos furtifs, solos troublants, murmuration collective. Un pas de deux masculin, tendu et sensuel, coupe le souffle sans rompre l’élan.
Les costumes – faits de plumes, lycra brillant, cuir lustré – composent un carnaval joyeux et étrange. À la bande-son, une musique électro aux accents rétro s’entrelace avec les chants d’oiseaux captés par le bio-acousticien Thierry Aubin. Un paysage sonore organique, vivant, traversé de fulgurances.
Une utopie trouée
Sur le plateau, pas de démonstration. Juste une écoute précise entre les corps, une attention au groupe, à l’autre. Les regards, les sourires échangés en disent long. Lenio Kaklea signe une pièce particulièrement efficace. Ça danse, et ça danse bien. Une partition lisible, dense, sans volonté de révolution mais avec l’exigence d’une écriture collective pleinement incarnée.
Puis un corps étranger fend l’air. Un drone, oiseau de fer, plane au-dessus des têtes. La trajectoire métallique interrompt la fluidité, impose sa présence. La dernière séquence, plus figée, bascule dans la vidéo, alourdit la légèreté du vol. L’idée du trouble technologique s’installe, mais au détriment du mouvement. Le fil poétique se relâche.
Malgré tout, Les Oiseaux reste une œuvre habitée, belle et limpide. Une traversée sensorielle qui, sans jamais forcer le trait, donne à voir un monde où le lien entre êtres vivants, humains et non-humains, tient encore. Mais pour combien de temps ?
Les Oiseaux de Lenio Kaklea
Théâtre de la Vignette – Montpellier danse
Les 30 juin et 1er juillet 2025
durée 1h10 environ
Tournée
4 et 5 juillet 2025 au KLAP, Maison de la Danse – Festival de Marseille
4 et 5 octobre 2025 au Centre Chorégraphique Wallonie/Bruxelles – Biennale de la Danse Contemporaine, Belgique
7 au 9 novembre2 025 au MOCA, Los Angeles, États-Unis
20 au 22 novembre 2025 à Chaillot – Théâtre national de la Danse – Festival d’Automne à Paris
24 novembre 2025 au Musée de l’Orangerie dans une version in situ
17 novembre au NEXT Festival, BUDA/ Kortrijk, Belgique
Chorégraphie et mise en scène de Lenio Kaklea
Performance et recherche chorégraphique – Nefeli Asteriou, Liza Baliasnaja, Amanda Barrio Charmelo, Luisa Heilbron, Louis Nam Le Van Ho, Dimitri Mytilinaios, Jaeger Wilkinson
Texte de Lou Forster d’après Les Guérilleres de Monique Wittig et Les chimères de Gérard de Nerval
Composition sonore et direction technique – Éric Yvelin
Scénographie de Clio Boboti
Lumières de Jean-Marc Ségalen
Costumes d’Olivier Mulin
Assistante scénographe – Angeliki Vassilopoulou-Kampitsi
Réalisation décor – Angeliki Baltsaki
Interlocuteur scientifique – Thierry Aubin, Directeur de la Bioacoustique au CNRS, Université Paris-Saclay
Instructrice trapèze – Christina Sougioultzi