Une table, une chaise, quelques tapis… Clémence reçoit Antoine dans ce cadre sobre censé représenter l’appartement où elle se terre depuis son accident. C’était il y a trois ans, à l’occasion d’un reportage en Afghanistan. Toute son équipe, y compris son compagnon, y a trouvé la mort. Elle seule a survécu, mais a perdu l’usage de ses jambes.
Transfert et contre-transfert
Parce qu’elle « a la dalle », la jeune femme s’est décidée à appeler Antoine, un infirmier qui prodigue des séances d’accompagnement sexuel. La prise de contact est un peu rude. De prime abord, sur le qui-vive, intimidée, Clémence ne se laisse pas amadouer. Mais Antoine a du métier. Avec douceur et humour, il parvient à apprivoiser la jeune femme. Rendez-vous après rendez-vous, chacun se dévoile et le cadre dit thérapeutique vole en éclats lorsque les sentiments s’invitent… Transfert et contre-transfert mènent alors la danse.
L’idée de cette pièce a été inspirée à son autrice, Clotilde Cavaroc, par la découverte d’un documentaire sur l’assistance sexuelle qui suivait une jeune professionnelle suisse. Délicate question en France où cette pratique est interdite et assimilée à de la prostitution. Si elle a déjà été traitée au cinéma, le théâtre, lui, ne s’en était jamais emparé.
Confusion sentimentale
Toutes les autres réussit ce pari risqué, en évitant les maladresses et en adoptant à la fois un ton didactique à travers la voix d’Antoine et émouvant par la présence fébrile de Clémence. Patiemment, l’un met en confiance l’autre, la laisse entreprendre un chemin vers elle-même. Renouer avec la sensualité et la sexualité, c’est renouer avec un corps laissé en sommeil depuis l’accident. La mise en scène délicate d’Élise Noiraud ainsi que l’alchimie entre les deux personnages, habilement chorégraphiée par Ira Nadia Kodiche, artiste paraplégique, rendent crédible et bouleversante cette confusion sentimentale.
Servie par Kimiko Kitamura et Stéphane Hausauer, justes et complices, cette pièce jalonnée par des extraits audio de témoignages réels touche et ouvre la réflexion, sans dogmatisme. L’humour est là, impressionniste, évitant le graveleux et apportant juste ce qu’il faut de distance pour dédramatiser certaines scènes. Jusqu’au dénouement douloureux, mais libérateur.
Toutes les autres de Clotilde Cavaroc
Artéphile – Festival Off Avignon
Du 5 au 26 juillet 2025 – relâche le dimanche.
à 15h55
Durée 1h10
Tournée
Du 5 au 28 octobre 2025 au Théâtre de Belleville, Paris.
Commande de mise en scène – Elise Noiraud
Avec Kimiko Kitamura et Stéphane Hausauer
Collaboration artistique – Clotilde Cavaroc
Création lumières – François Leneveu
Scénographie – Fanny Laplane
Chorégraphies : Ira Nadia Kodiche