Sylvain Huc © Loran Chourrau
Sylvain Huc © Loran Chourrau

Sylvain Huc : « La danse est un moyen sans fin »

Les 2 et 3 juillet 2025, dans le cadre de Montpellier Danse, l’artiste toulousain dévoile La Vie Nouvelle, un duo qu’il a co-écrit avec Mathilde Olivares. Après dix ans de travail commun, les deux interprètes livrent une pièce épurée et physique, née d’un dialogue sensible entre leurs corps. Pas de narration ni de discours, juste le mouvement, dans ce qu’il a de plus mystérieux et essentiel.
La Vie Nouvelle est née d’une longue collaboration avec Mathilde Olivares. D’où vient ce compagnonnage ?

Sylvain Huc : Notre rencontre remonte à une dizaine d’années. On vivait tous les deux à Toulouse, et très vite, nos chemins se sont croisés, mêlés. Je lui ai proposé d’être interprète dans Sujets, présenté en 2018 déjà dans le cadre de Montpellier Danse. Puis, elle a commencé à m’assister, à m’accompagner artistiquement, et à m’accompagner sur l’écriture notamment sur LEX mon solo, et d’autres projets annexes de la compagnie.

© Loran Chourrau
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Mais au-delà des rôles, ce sont surtout nos discussions — sans fin — qui ont nourri cette relation. Spécialement des échanges sur l’esthétique, la politique, les lectures, la manière dont on pense le corps, la scène, le monde. La Vie Nouvelle est née de cette envie et de cette nécessité de prolonger cela autrement, dans une co-écriture pleine et entière. Une forme à quatre mains, à deux corps.

Le titre de cette nouvelle création résonne comme une promesse. Quelle est sa portée pour vous ?

Sylvain Huc : Il porte plusieurs strates. Pour moi, il évoque La Vita Nova, le premier ouvrage de Dante, écrit en partie en langue profane, en italien, à une époque où la littérature sérieuse se faisait en latin. Il y avait là quelque chose de très quotidien, presque scandaleux, qui m’inspire. Cette idée d’un noyau poétique tapi dans le langage ordinaire, ça me parle beaucoup.

Et puis, La Vie Nouvelle, ce n’est pas une utopie, ni une promesse d’avenir meilleur. C’est une forme de présent. Quelque chose qui est déjà là, à portée, si on prend le temps de l’éprouver. La pièce n’annonce rien, elle explore ce qui est. Elle tente de se renouveler en permanence, sans s’enfermer, de rester vivante.

Vous avez insisté sur l’absence de thématique. Comment s’est construite la pièce ?
© Loran Chourrau
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Sylvain Huc : On ne voulait surtout pas être didactique, ni moralisateur. Nous n’avons pas de message à délivrer, pas de sujet à traiter. Ça ne veut pas dire que c’est vide ou purement abstrait, au contraire. On a voulu partir de la danse elle-même. De notre rapport au langage corporel, à ce que peut un geste, une présence, un mouvement.

Pour moi, la danse est un langage — mais un langage sans mots, à la fois extrêmement structuré et totalement ouvert. On ne recouvre pas la danse avec des couches de sens extérieur. On cherche à l’ouvrir depuis elle-même. À donner accès au mouvement, au corps, à la manière dont ça circule. C’est une pièce sans autre fin qu’elle-même. 

Et concrètement, au plateau, comment avez-vous travaillé ?

Sylvain Huc : Il n’y avait pas de partition préétablie, pas de première ébauche structurée. On est arrivés avec des expériences, des perceptions partagées, parfois anciennes, parfois toutes neuves. On a improvisé longuement, testé, éprouvé. Certains matériaux existaient déjà, d’autres sont nés sur le vif. Ce qui nous intéressait, c’était le corps sensible, traversé.

On a travaillé à partir des fascias — ces tissus conjonctifs qui relient l’ensemble du corps — comme porte d’entrée vers d’autres sensations. Et aussi avec des imaginaires organiques comme les poumons, le cœur, tout ce qui nous constitue. Ce ne sont pas des pratiques somatiques au sens strict, mais des outils pour inventer d’autres manières d’habiter son corps, d’en faire surgir une autre présence.

Des lectures, des influences extérieures ont-elles nourri ce processus ?

Sylvain Huc : Oui, surtout des lectures, des pensées. Pas tant la musique au départ, même si Fabrice Planquette, avec qui je collabore depuis longtemps, a composé pour la pièce une partition pour piano. Mais elle est arrivée à la toute fin. Les réflexions politiques, matérialistes, nous ont beaucoup traversés. Je pense par exemple à Giorgio Agamben, qui m’accompagne depuis longtemps. Mathilde s’appuie sur d’autres penseurs. Mais ce n’est pas l’essentiel. Dans notre dossier de production, on a même fait le choix de ne citer personne. On voulait se libérer de toute autorité extérieure, laisser parler la danse seule. Elle a déjà son propre mystère, sa propre densité. Elle n’a pas besoin de justification.

La pièce est écrite, mais vous insistez sur la nécessité de la maintenir vivante. Qu’est-ce que cela signifie ?
© Loran Chourrau
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Sylvain Huc : La Vie Nouvelle est très écrite, oui. Mais on ne veut surtout pas l’“exécuter”. Le mot dit bien ce qu’il dit : exécuter, c’est tuer la chose. Ce qui nous importe, c’est de maintenir l’écriture en mouvement, sur le fil. C’est une partition qui se régénère à chaque fois, jamais tout à fait la même, jamais figée. C’est vertigineux à danser, mais aussi très exaltant. Je n’ai jamais travaillé à cet endroit-là de la danse. Une forme tendue entre structure et ouverture.

Pourquoi avoir tenu à créer cette pièce à Montpellier Danse ?

Sylvain Huc : Parce que c’est ici que tout a commencé, d’une certaine manière. Jean-Paul Montanari m’avait invité à créer en 2024, mais pour des raisons personnelles et de production, j’ai dû repousser. Quand La Vie Nouvelle a pris forme, ce n’était plus le même projet, mais je voulais absolument qu’il naisse ici. C’est une manière de rendre hommage et de faire retour sur ce que représente ce festival dans mon parcours. C’est aussi très symbolique pour moi de le présenter au Studio Bagouet — un lieu chargé, fort. Et puis ce titre, La Vie Nouvelle, résonne vraiment avec ce moment de mon parcours. C’est une autre page qui s’ouvre.


La Vie Nouvelle de Sylvain Huc et Mathilde Olivares
Création
Studio Bagouet – L’Agora, cité internationale de la danse – Montpellier Danse
2 et 3 juillet 2025
Durée 53 min

Tournée
29 octobre 2025 au Kondenz Festival, Belgrade (Serbie)
19 novembre 2025 au Klap, Maison pour la Danse, Marseille (13)
5 et 6 février 2026 au Théâtre Sorano, Toulouse (31)
26 février 2026 aux Espaces Pluriels, Pau (64)
20 et 21 mars 2026 au Théâtre La Vignette, Montpellier (34)
2 juin 2026 au Théâtre Molière-Sète, scène nationale de l’archipel de Thau, Sète (34)

Conception, chorégraphie, interprétation – Sylvain Huc et Mathilde Olivares
Création lumière de Jan Fedinger
Conseil artistique – Fabrice Planquette
Regard extérieur – Théo Aucremanne
Regard extérieur et assistante – Juliana Béjaud
Interlocuteur – Daniel Larrieu
Régie lumière, régie générale – Manfred Armand
Régie son – Bernard Lévéjac
Costumes de Lucie Patarozzi

La Vie Nouvelle de Sylvain Huc et Mathilde Olivares © Montpellier Danse

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