Auréolé de cinq Molières, dont le plus prestigieux du meilleur auteur francophone vivant, avec du Charbon dans les veines, Jean-Philippe Daguerre est un metteur en scène qui aime les classiques. Depuis plus de vingt ans, avec sa compagnie le Grenier de Babouchka, il a présenté de nombreuses pièces de Molière (parmi lesquelles L’Avare, Dom Juan), Corneille (Le Cid), Rostand (Cyrano de Bergerac). Pour les Fêtes Nocturnes de Grignan 2025, il s’attaque pour la première fois à Beaumarchais, avec sa pièce pétillante et pleine d’esprit, Le Barbier de Séville.
« C’est un barbier de qualité »
Une des particularités de ce festival est de présenter une seule et même pièce tout l’été et que la mise en scène intègre la façade du Château. Daguerre a très bien su utiliser cette belle contrainte. L’action se déroulant à Séville en Espagne, le proscenium est transformé en arène. L’entrée de celle-ci donne sur celle du château devenu la demeure de Bartholo. Deux de ses fenêtres deviennent celles de la chambre du vieux barbon et de la belle Rosine. Il y règne l’esprit du théâtre de tréteaux, auquel Daguerre avait rendu un bel hommage dans Le voyage de Molière.
« Figaro ici, Figaro là »
En accompagnement musical, il a gardé en ligne de mire l’opéra de Rossini qui résonne ainsi dès l’ouverture. La cantatrice Sabine Revault d’Allonnes possède une voix exquise. Toute la pièce, conçu ainsi par l’auteur, est rythmée par de la musique. Elle est composée par Petr Ruzicka, fidèle compagnon de Daguerre. Ce violoniste hors pair a trouvé les sons pour accompagner l’intrigue virevoltante de la pièce.
Le sous-titre du Barbier est La précaution inutile. Le metteur en scène va donner à Bartholo le rôle principal, ce double d’Arnolphe de l’École des femmes, dont Beaumarchais s’est inspiré. François Raffenaud, formidable dans ce rôle, interprète subtilement cet homme mûr et égoïste rêvant d’épouser sa jeune pupille. Impayable en vieux barbon râleur, il émeut quand il se retrouve le dindon d’une farce dont il est responsable.
Un esprit de troupe
Daguerre possède le sens de la comédie. Les rouages de la satire de Beaumarchais, qui a utilisé tous les procédés comiques mis en place depuis la commedia dell arte, fonctionnent à merveille. On entend bien le texte et ses sous-entendus. Figaro n’est pas un jeune homme. Il a roulé sa bosse, tenté mille métiers, aime dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Ce valet annonce les prémices de la Révolution française. Futé, espiègle, fripon, Pascal Vannson (Explosif, Le Bal) est impeccable.
Pour le comte Almaviva, Daguerre a pris le parti de le faire ressembler à la jeunesse dorée de notre époque. L’espiègle Jean-Baptiste Artigas est parfait. Rayonnante de fraîcheur, ayant les pieds bien sûr terre, Marion Bosgiraud, incarne Rosine à merveille, une belle découverte. Tullio Cipriano (Don Bazile), Hervé Haine (L’éveillé), Jean-François Toulouse (La Jeunesse et le notaire) sont dans cet esprit de troupe tout à la charge de « leurs petits rôles ».
Un place méritée
Après, Yves Beaunesne (Ruy Blas), Julia de Gasquet (Les Fâcheux), Jérôme Deschamps (L’Avare) et Jean Bellorini (L’histoire d’un Cid), pour ne citer que les derniers, Jean-Philippe Daguerre, privilégiant un théâtre populaire, est tout à sa place dans cette cour enchantée. En ce soir de première, le public s’est levé d’un bond dans une salve d’applaudissements. Bravo.
Le Barbier de Séville de Beaumarchais
aux Fêtes Nocturne 2025 du Château de Grignan.
Du 26 juin au 23 août 2025.
Durée 1h45.
Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre
Avec Marion Bosgiraud, Jean-Baptiste Artigas, François Raffenaud, Pascal Vannson, Tullio Cipriano, Hervé Haine, Jean-François Toulouse, Sabine Revault d’Allonnes (chant).
Musiques et Direction Musicale : Petr Ruzicka.
Scénographie : Fanny Gamet.
Costumes : Corine Rossi.
Lumières : Moïse Hill.
Direction de Production : Aurélia Dury.
Assistant mise en scène : Hervé Haine.