Jean-Michel Dupuis a servi le théâtre avec passion

Le monde du théâtre est à nouveau en deuil, en perdant ce samedi 14 septembre 2024, ce grand comédien, dont chacune des apparitions, qu’elles soient sur scène, au cinéma où à la télévision, démontrait la grandeur de son talent.

Jean-Michel Dupuis n’était plus apparu sur une scène de théâtre depuis 2015. C’était dans Le Mensonge de Florian Zeller, avec Pierre Arditi, Évelyne Bouix et Josiane Stoleru, dans une mise en scène de Bernard Murat. Depuis, le comédien se battait contre une grave maladie. Il vient de disparaître à l’âge de 69 ans, laissant sa famille, ses amis mais aussi toute la profession dans le chagrin.

Ce Normand, à la carrure de terrien, a fait ses classes au conservatoire de Rouen, puis au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Il a débuté en 1976, à la Comédie de Saint Étienne dans Le roi Lear de Shakespeare, mis en scène par Daniel Benoin. Dès lors, sa carrière est lancée. Il est engagé par de prestigieux metteurs en scène comme Roger Planchon, Gabriel Garran, Georges Werler, Jean-Luc Tardieu, Patrice Kerbrat. Le théâtre était sa passion et il faisait fi des chapelles, passant du subventionné au privé sans aucun problème. C’est ainsi qu’il joua pour Anne-Marie Étienne, Quand l’amour s’emmêle avec Véronique Genest, et pour Bernard Murat, dans Le Prénom. Lorsque Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière adaptèrent leur pièce pour le cinéma, Jean-Michel Dupuis, à l’incompréhension de tous, fut le seul de la distribution à ne pas reprendre son rôle.

Jean-Michel Dupuis © DR
Lecture à la collégiale pour le Festival de la Correspondance de Grignan, en juillet 2008, de « Suzanne, Gertrude, Kiki et Niki, L’école des insoumises », création collective mise en lecture par Jean-Michel Dupuis, avec Sylvie Audcoeur (Niki de Saint Phalle), Sally Micaleff (Suzanne Valadon), Julie Marboeuf (Kiki de Montparnasse) et Séverine Vincent (Gertrude Stein).

Ce comédien très doué pouvait passer des auteurs classiques aux contemporains, du tragique au comique, en toute aisance. En 1987, il était à l’affiche de la création de Conversations après un enterrement de Yasmina Reza, au Paris-Villette dans la mise en scène de Patrice Kerbrat. Pour sa performance très remarquée dans le personnage d’Alex, il a reçu sa première nomination aux Molières dans la catégorie du meilleur second rôle. La première ! Cinq autres suivront, mais il n’a jamais, curieusement, obtenu la précieuse statuette ! Il reviendra à la pièce de Reza, en 2006, au Théâtre Antoine dans une mise en scène de Gabriel Garran, où cette fois-ci il incarna Nathan.

De sa riche carrière, on se souvient du fameux En attendant Godot de Beckett, mis aussi en scène par Patrice Kerbrat, avec Pierre Arditi, Marcel Maréchal, Robert Hirsch. Spectacle qui fit courir les spectateurs, en 1996, au théâtre du Rond-Point. De toutes ses merveilleuses interprétations, je garderais en mémoire celle de Harpagon dans L’Avare de Molière au théâtre Silvia Monfort, en 2003, dans une mise en scène de Daniel Benoin. Paranoïaque, égoïste, rusé, méchant, triste et attendrissant, son harpagon était un homme de sang, de chair, dont le cœur ne bat qu’au rythme de l’argent. Le monologue de la cassette résonnait brillamment. Quelques mois plus tard, on le retrouvait sur la scène du Rond-Point, dans La suspension du plongeur d’un jeune auteur, Lionel Spycher, avec Alain Fromager.

Jean-Michel Dupuis aimait passionnément le théâtre, au point qu’il donna durant de longues années des cours d’interprétation à l’école des Enfants Terribles, de Jean-Bernard Feitussi, au côté du regretté Maxime Leroux, de la délicieuse Béatrice Agenin… Le cinéma et la télévision faisaient souvent appel à lui. Qu’il donne la réplique à Claude Brasseur dans La Boum, ou à Annie Girardot dans Les fleurs de Maureen, ses prestations étaient toujours aux cordeaux. Sous ses airs de dur se cachait un cœur tendre. Un peu timide, effacé, il était assez réservé et lorsqu’on l’abordait, il nous répondait d’abord par un grand sourire. Au revoir Monsieur et merci d’avoir si bien servit votre métier.


1 Comment

  1. Bravo à vous, Marie-Céline, pour ce bel hommage à Jean-Michel Dupuis et la mention du tant regretté. Maxime Leroux,

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