Maxence Tual - Collectif L'avantage du doute © Philippe Lebruman

Maxence Tual, un cœur vibrant au collectif

À la Tempête, Maxence Tual reprend "Encore plus, partout, tout le temps", spectacle du collectif L'avantage du doute.

Maxence Tual - Collectif L'avantage du doute © Philippe Lebruman

Membre dès sa création des Chiens de Navarre, Maxence Tual collabore, depuis 2011, régulièrement avec la compagnie L’avantage du doute, un collectif éco et logique. À l’occasion de la reprise à la Tempête de leur excellent spectacle, Encore plus, partout, tout le temps, créé au Théâtre de la Bastille en mai 2022, le comédien entrouvre les portes de son jardin secret.

© Philippe Lebruman

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Mon premier souvenir de spectateur, c’est le Guignol du Ranelagh. J’ai surtout des souvenirs émotionnels très forts. D’avoir éprouvé avec les autres enfants les sentiments très intenses d’angoisse, de peur, de joie. D’avoir ri. Je me souviens de cette impression de magie, des apparitions. Des marionnettes. Les décors. J’ai gardé une énorme affection pour ces petits théâtres qui sont vraiment l’école des spectateurs. Et qui se trouvent souvent dans les parcs au milieu des arbres et des fleurs.
Étrangement, mon premier souvenir très marquant comme spectateur adulte est la mise en scène de Giorgio Strehler Arlequin, serviteur de deux maîtres à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Avec cet acteur extraordinaire déjà très âgé et qui rentrait en scène en faisant des sauts périlleux, des roues, etc.

Encore plus, partout, tout le temps ©Jean-Louis Fernandez
Encore plus, partout, tout le temps du collectif L’Avantage du doute © Jean-Louis Fernandez

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je gagnais ma vie comme professeur de culture générale, et j’ai fait des études de philosophie. Mais je me suis toujours beaucoup intéressé au théâtre, philosophiquement et littérairement d’ailleurs grâce à un professeur à l’université de Nanterre. La vitalité et la puissance de cet art millénaire me sont vite apparues comme une source incroyable de réflexion de révolution, esthétique, politique et métaphysique. Malgré son apparente humilité. Et sa pauvreté de moyens. C’est resté quelque chose de magique à ce niveau-là. J’ai toujours aimé le pratiquer dans des cours amateurs depuis le lycée.

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
Je suis devenu comédien grâce au succès exponentiel des Chiens de Navarre. Ils m’ont permis d’apprendre vraiment mon métier. Et de pouvoir en vivre. J’ai cessé d’être professeur et profité de cette possibilité de changer de métier. De changer de vie.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Le premier spectacle auquel j’ai participé est justement La Locandiera de Carlo Goldoni. J’avais 19 ans. Si je suis plus honnête, je me souviens d’un sketch extrêmement raté à la fête de fin d’année en CM1. Un sketch improvisé. J’avais pris un très gros risque. Ça n’a pas payé. Premier bide ! En revanche, La Locandiera est un très bon souvenir car je jouais un valet. C’était un petit rôle que j’ai réussi à m’approprier grâce à l’improvisation et un peu d’écriture pour en faire quelque chose d’intéressant.

Maxence Tual © Philippe Lebruman
Les Danseurs ont apprécié la qualité du parquet des Chiens de Navarre © Philippe Lebruman

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Mon plus grand coup de cœur en tant que spectateur est je pense Italienne scène et orchestre de Jean-François Sivadier. Tout dans ce spectacle m’a procuré un énorme enthousiasme : la puissance du dispositif théâtral et en même temps sa simplicité, son universalité. La place qu’il donne aux spectateurs. La puissance des acteurs et de l’écriture.
J’ai aussi un très grand souvenir des Marchands de Joël Pommerat. Sa manière de renouveler l’écriture, la scénographie. Le geste était très fort. Ce spectacle m’a incroyablement marqué.
Il y a beaucoup de pièces comme spectateur qui m’ont fasciné, enthousiasmé. Je ne peux pas toutes les citer.

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Évidemment, comme acteur, ma rencontre décisive est avec les Chiens de Navarre sous l’impulsion de Jean-Christophe Meurisse. On a vraiment réussi ensemble à créer un groupe intelligent et très créatif, a inventé une sorte de langage théâtral. En répétition et sur le plateau, on avait vraiment l’impression d’avoir de l’or dans les mains. Et on s’est beaucoup battu et amusé.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Mon métier est essentiel à mon équilibre car il permet de donner une forme à la colère face à toutes les formes d’absurdité et de violence qui traversent le monde. Sans cela, je vivrais tout cela dans la solitude, le ressentiment et la frustration.
C’est vraiment le côté alchimique de transformer le plomb de l’existence en or scénique. J’ai la chance d’écrire, en collaboration avec les autres comédiens, les spectacles dans lesquels je joue la plupart du temps. Et donc d’inventer des formes théâtrales à partir de questions obsédantes ou de problèmes qui m’intéressent hautement.
Il y a également une vertu physique à la concentration et à l’ivresse qu’on peut ressentir sur un plateau. Quelque chose d’une décharge d’énergie et de joie qui, j’en suis sûr, sécrète quelque chose dans le cerveau qui participe à mon équilibre…

Maxence Tual © Charlotte Fabre
Le rêve et la plainte de Nicole Genovese, mise en scène de Claude Vanessa © Charlotte Fabre

Qu’est-ce qui vous inspire ?
Je ne sais pas exactement ce qui m’inspire. Mais je sais que j’ai besoin d’être bouleversé. Par des œuvres d’art, des évènements, des effets, des images, etc. Bouleversé de joie ou d’horreur. Peu importe. Il faut qu’il y ait comme un coup de hache dans le lac gelé qui est en nous, pour paraphraser Kafka.

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Bon. Mon rapport à la scène est physique et vertigineux. En rentrant sur scène, j’ai l’impression d’être un surfeur qui monte sur sa planche pour surfer sur la vague. L’audience ressemble d’ailleurs souvent physiquement à une vague qui s’approche de vous et qui menace de vous noyer. Évidemment c’est moins angoissant que ça en a l’air. On ne se noie jamais. Mais on peut boire un peu la tasse. La plupart du temps heureusement, on a ce vertige physique de partager quelque chose avec les gens en face de nous… Comme le surfeur se lève sur les flots.

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Je crois que ce qui est bon avec ce métier, c’est que l’intensité du désir se trouve exactement à cette jonction mystérieuse dont parlaient les philosophes du XVIIe siècle : L’articulation exacte entre l’âme et le corps.

Encore plus, partout, tout le temps ©Jean-Louis Fernandez
Encore plus, partout, tout le temps du collectif L’Avantage du doute © Jean-Louis Fernandez

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Il y a tellement d’artistes avec qui j’aimerais travailler. Il y en a tellement que j’admire. Et en même temps je n’ai aucune frustration et les artistes avec qui j’aimerais le plus travailler sont justement ceux avec qui je travaille déjà. Ça fait un peu fayot mais c’est vrai…

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?J’aimerais bien participer à l’invention d’une nouvelle civilisation. Moins stupide, violente et autodestructrice…

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
À la recherche du temps perdu.

Pour lire l’article sur le spectacle, cliquez ici.


Encore plus, partout, tout le temps du collectif L’avantage du doute.
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie – Théâtre de la Tempête
Route du Champs de Manœuvre
75012 Paris.
Du 7 au 17 décembre 2023.
Du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h.
Durée 1h45.

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