Vos débuts
Votre premier souvenir d’art vivant ?
J’ai découvert le théâtre sur le tard. J’avais 38 ans ! Mes parents n’allaient jamais au théâtre, mais étaient de grands cinéphiles. Le théâtre ne m’est apparu que lorsque j’ai commencé le Cours Florent. J’ai été voir Illusions perdues de Pauline Bayle au Théâtre de la Bastille. J’ai pris une claque théâtrale à un moment de ma vie où je ne connaissais pas bien cette forme d’art.
Qu’est-ce qui vous a poussée à choisir cette voie ?
Rien ne fut un déclic, tout a été très organique. J’étais à Florent par passion alors que j’avais un métier à côté qui me permettait de gagner ma vie. Puis j’ai commencé à écrire MONSTRES lors de mon cursus florentin.
Pourquoi ce métier ?
La mise en scène s’est imposée à moi lorsque j’ai commencé à écrire MONSTRES. Je pensais déjà à comment j’allais mettre en scène ce texte alors que je l’écrivais. Des images théâtrales m’apparaissaient, et puis le propos me paraissait très personnel : il fallait que je le mette en scène.
Racontez-nous le tout premier spectacle auquel vous avez participé. Une anecdote marquante ?
Lors de la création de MONSTRES, il y a eu des moments difficiles, comme si l’œuvre que j’avais écrite et mise en scène me rattrapait, comme si je devenais Noé, le metteur en scène dans la pièce. L’une de mes comédiennes, Olenka Ilunga, me notifiait mes propres angles morts sur le sujet que j’essayais de traiter. J’ai décidé d’écouter, alors que j’aurais pu simplement continuer dans la voie dans laquelle je m’engageais. Ce fut un moment de réécriture, d’introspection et de changement pour mieux continuer à créer ensemble la meilleure œuvre possible. MONSTRES s’est nourri de ça. Je pense que si les gens, en sortant, trouvent le propos si juste et nuancé, c’est aussi grâce à ce moment-là.
Passions et inspirations
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Illusions perdues de Pauline Bayle.
Quelles sont vos belles rencontres ?
Bastien Forestier, qui a fait la scénographie de MONSTRES. Une belle rencontre artistique avec quelqu’un qui allie talent et joie dans le travail. J’espère que l’on retravaillera ensemble.
Où puisez-vous votre énergie créative ?
C’est assez aléatoire. Je trouve souvent les sujets sur lesquels je veux écrire dans l’actualité, lorsqu’un sentiment ou un coup de cœur me poursuit. Dans le cas de MONSTRES, ça a été la lecture d’un entretien dans Le Monde avec Simone Schwarz-Bart, qui raconte comment son mari André, rescapé de la Shoah, a été critiqué pour avoir écrit sur l’esclavage dans les années 70 en n’étant pas Noir. La question de la légitimité de l’artiste à écrire sur quelque chose qu’il n’a pas vécu était déjà une question qui me taraudait. Cette interview magnifique a été l’élément déclencheur, l’énergie créative.
En quoi ce que vous faites est essentiel à votre équilibre ?
Écrire et rêver la mise en scène est mon élément moteur dans la vie. Malheureusement, ce que l’on ne dit pas, c’est le poids de l’administratif et du financier dans la vie de tout metteur en scène qui souhaite montrer son spectacle. Il y a certains moments où cette charge devient prioritaire et on fait passer l’artistique de côté. C’est assez épuisant à un certain endroit, mais je me dis aussi que dans tout métier, il y a 70 % d’inconvénients pour 30 % de plaisir dans le travail. C’est normal !
L’art et le corps
Que représente la scène pour vous ?
En début de création, c’est l’endroit de la répétition, l’endroit de tous les possibles, là où la créativité peut nous emmener où l’on veut. Puis, une fois que le spectacle est créé, c’est l’endroit de l’urgence à dire ce que l’on crée, c’est le moment de la délivrance, de la libération, un peu comme un accouchement.
Où ressentez-vous, physiquement, votre désir de créer et de jouer ?
J’ai une sensibilité particulière pour le théâtre où la physicalité des personnages a été travaillée autant que le texte. J’ai besoin de comprendre ce qui se joue sur scène sans avoir besoin d’entendre le texte. Je le dis souvent à mes comédiens et comédiennes. Ce travail-là est pour moi essentiel. Dans MONSTRES, nous avons beaucoup travaillé le corps ; il y a de la danse aussi.
Rêves et projets
Avec quels artistes aimeriez-vous travailler ?
Pauline Bayle. J’aimerais la regarder travailler, voir comment elle dirige ses acteurs, comment elle met en scène.
Si tout était possible, à quoi rêveriez-vous de participer ?
Une production avec la troupe de théâtre MUNSTRUM. J’adore aussi le travail très complet de Louis Arène.
Si votre parcours était une œuvre d’art, laquelle serait-elle ?
Je ne sais pas, mais une œuvre qui ressemblerait à une très belle fête, mais en y regardant de plus près, on verrait des défauts, des failles à l’image, aux personnages… des choses humaines !
Monstres d’Elisa Sitbon Kendall
La Factory – Salle Tomasi – Festival Off Avignon
Du 5 au 26 juillet 2025 à 17h54, relâche mardi
Durée 1h10
Festival off Avignon
La Factory – Salle Tomasi
Du 29 au 21 juillet 2024 à 17h35 – relâche les 2, 9, 16 juillet 2024
Mise en scène d’Elisa Sitbon Kendall et Gaïl-Ann Willig
avec Bonnie Charlès, Jacques-Joël Delgado, Olenka Ilunga, Kerwan Normant
Lumières d’Adrián Noguera Incardona
Régie – Elise Lebargy