Pauline Bayle © DR

Pauline Bayle ou l’art des fresques humaines

Comédienne et metteuse en scène, Pauline Bayle est une artiste rare, qui donne à ses créations un souffle épique. Rencontre.

Après avoir insufflé la vie dans un diptyque épuré autant qu’intense à l’Iliade et l’Odyssée d’Homère en 2018, Pauline Bayle s’est attaquée en 2020 à l’adaptation scénique des Illusions perdues de Balzac, pièce visible à la rentrée prochaine au Théâtre de la Bastille. Comédienne et metteuse en scène, elle a cette intelligence rare, ce talent de donner à ses créations une dimension épique avec trois fois rien. Rencontre avec une artiste à fleur de peau et de mots.

clouee au sol de Brant, mise en scène de Gilles David © iFou pour le pôle média

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Italienne avec Orchestre de Jean-François Sivadier : une amie de mes parents m’avait emmenée voir le spectacle un week-end en matinée, je ne sais plus dans quel théâtre à Paris, je devais avoir 10 ou 11 ans.
Je crois vraiment que c’était la première fois que j’allais au théâtre de ma vie. Pourtant, j’en faisais déjà beaucoup dans l’atelier du centre socio-culturel de ma ville. Et je garde un souvenir très marquant de ce spectacle, je me souviens très bien de la fosse d’orchestre et d’être à la fois captivée par ce à quoi j’assistais, j’étais hilare, j’exultais.

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Quand j’étais très petite, je devais avoir 5 ou 6 ans, je passais mes vacances d’été avec une bande de garçons plus âgés que moi et, chaque année, ils montaient une pièce de théâtre. Comme j’étais la seule fille du groupe, je jouais tous les rôles féminins. Je me souviens très nettement que je devais jouer le rôle de la mère d’un garçon qui avait deux ou trois ans de plus que moi. La pièce racontait que ce petit garçon avait découvert un œuf dont était sorti un bébé dinosaure et je devais dire : « Quoi ?! Un Dinosaure ?! » J’étais très concentrée pour bien le dire et surtout au bon moment. À partir de cet été-là, j’ai décidé que je voulais faire du théâtre et je n’ai plus jamais quitté ce projet.

odyssee d' homère, adaptation de Pauline Bayle © Lorine Baron

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne et metteuse en scène  ?
En tant que comédienne, l’instinct de jouer et la joie immédiate et intense que cela m’a procuré alors que j’étais très enfant.
Puis, en ce qui concerne la mise en scène, quand j’ai découvert que ce processus de création allait de pair avec une immense et puissante liberté d’expression. Je me souviens d’une grande allégresse quand j’ai découvert que le champ des possibles était infini.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Dans le centre socio-culturel de ma ville, nous avions monté La Comtesse d’Escarbagnas, une pièce courte de Molière. Je jouais le rôle de la Comtesse, une précieuse ridicule et hautaine, nous avions beaucoup travaillé avec notre prof qui était géniale. Lors de la représentation de la pièce à la fin de l’année, je n’étais pas du tout préparée à ce que le public rit. Je ne comprenais pas du tout ce que les gens trouvaient de drôle et en même temps, je sentais que leurs rires me procuraient un très grand plaisir.

Vos plus grands coup qde cœur scéniques  ?
Rain de Anne Teresa de Keersmaeker ; La Cerisaie de Tchekhov, mis en scène par Alain Françon ; L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi, mis en scène par Jean-Michel Rabeux ; Phèdre, mis en scène par Patrice Chéreau et la trilogie Littoral-Incendie-Forêt de Wajdi Mouawad

Illusions perdues de Balzac. Mise en scène de Pauline Bayle. © Simon Gosselin

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Les équipes qui forment aujourd’hui ma compagnie qu’il s’agisse d’Illusions Perdues ou d’Iliade-Odyssée. La rencontre avec les auteurs sur lesquels j’ai travaillé : Homère, Leïla Slimani, Honoré de Balzac et Virginia Woolf.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Le théâtre est essentiel à mon équilibre parce qu’il donne tout son sens à mon existence. Si je ne travaille pas, je n’existe pas.

Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les gens dans la rue, la littérature, la nature, le cinéma, la musique, mes sensations, la radio.

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Viscéra

A quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Dans le ventre.

Une chanson douce de Leïla Slimani. Mise en scène de Pauline Bayle. © Brigitte Enguerand, coll. Comédie Française

Avec quels autres artistes, aimeriez-vous travailler ?
Compliqué de répondre à cette question très large : est-ce qu’on parle d’artistes vivants que j’aimerais associer à des projets de mise en scène ? Ou bien des auteurs sur lesquels j’aimerais travailler ? Ou bien des metteurs en scène dont j’aime le travail et que j’aimerais côtoyer plus ?

A quel projet fou aimeriez-vous participé ?
Faire partie d’un projet de théâtre européen qui mélange différentes metteurs en scène de différentes nationalités autour d’un même auteur ou d’un même thème.

Si votre vie était une œuvre, qu’elle serait-elle ?
Je ne sais pas ce qu’elle serait mais plus ce que j’aimerais qu’elle soit : un concerto pour piano de Jean-Sébastien Bach.

Olivier Fregaville-Gratian d’Amore

Clouée au sol de George Brant, Mise en scène de Gilles David
Les Déchargeurs

Odyssée, adaptation Pauline Bayle d’après Homère.

Iliade d’après Homère, mise en scène de Pauline Bayle
La Scala Paris

Chanson douce de Leïla Slimani, Mise en scène de Pauline Bayle. Studio de la Comédie Française

Crédit photos © DR, © iFou pour le pôle média, © Lorine Baron, © Simon Gosselin

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