Charles Van de Vyver © DR
Charles Van de Vyver © DR

Charles Van de Vyver : artiste au cœur de la tempête

Au Théâtre des Béliers, dans le cadre du Festival Off d’Avignon, le comédien reprend Abysse, seul-en-scène écrit par Jón Atli Jónassonn et inspiré d’une histoire vraie survenue dans les eaux sombres de l’Atlantique. L’occasion de remonter avec lui le fil d’un parcours artistique habité.
Vos débuts

Votre premier souvenir d’art vivant ?
Je devais avoir 6 ou 7 ans. Ma mère m’avait inscrit à un atelier théâtre pour enfants. J’avais confectionné moi-même mon costume, je jouais la planète Mars ! Mes parents étaient venus me voir. Il y a aussi la kermesse de l’école primaire, avec ses danses et ses chansons…

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette voie ?
Parce que je ne pouvais pas en choisir une autre. C’est devenu vital quand je suis tombé en dépression à 18 ans. Il fallait que je fasse du théâtre pour me sauver. Jouer, faire jouer, rigoler avec mes camarades, rencontrer le public, partager… C’est essentiel.

Abysse de Jón Atli Jónasson Avec Charles VAN DE VYVER © Marie Charbonnier
Abysse de Jón Atli Jónasson Avec Charles Van de Vyver © Marie Charbonnierr

Pourquoi ce métier ?
Je suis devenu comédien pour pouvoir prendre la parole. Puis j’ai commencé à écrire, à mettre en scène. J’aime jouer. Je connaissais tous les sketchs des Inconnus par cœur, des Nuls, des Robins des Bois, de Gad Elmaleh… J’ai grandi avec ces humoristes-là. Et puis le théâtre m’a emmené vers des territoires encore plus profonds.

Racontez-nous votre tout premier spectacle. Une anecdote marquante ?
Ça s’appelait Lysistratatatata. Du burlesque pur jus. On portait des costumes en satin aux couleurs pétantes. On avait fabriqué des phallus géants avec des frites de piscine, qu’on fixait à des coques en plastique dans nos slips grâce à des bouchons de bouteilles… On a beaucoup ri. C’était miraculeux, et le spectacle a cartonné. On avait 20 ans, et c’était énorme.

Passions et inspirations

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Merlin ou la Terre dévastée de Tankred Dorst, par le collectif Les Possédés, à la Colline en 2009. C’était incroyable ! Tous ces univers avec presque rien… Ils s’éclataient, et ils nous éclataient. En sortant, j’ai dit à ma copine que je rêvais de travailler avec eux. Quelques années plus tard, je les ai rejoints pour deux remplacements en tournée.

Les Trois Mousquetaires - la série du collectif 49 701 © Guillermo Gomez
Les Trois Mousquetaires – la série du collectif 49 701 © Guillermo Gomez

Les rencontres marquantes de votre parcours ?
Les Possédés, bien sûr. Mais surtout le Collectif 49 701, emmené par Clara Hédouin et Jade Herbulot, avec qui je travaille depuis 13 ans sur Les Trois Mousquetaires – La série. Et toute l’équipe du Festival du Nouveau Théâtre Populaire, que j’admire et que j’aime profondément.

Où puisez-vous votre énergie créative ?
Dans cette petite voix intérieure qui me guide — on peut l’appeler intuition, désir, Dieu, ou tout cela à la fois. Pour moi, la création doit être nécessaire. C’est un message qui passe de cœur à cœur, et au théâtre, presque de corps à corps.

En quoi ce que vous faites est essentiel à votre équilibre ?
J’ai du mal à regarder le monde sans le commenter, sans en faire une blague, sans relever un comportement, sans une remarque décalée sur un évènement que je trouve révoltant… Je crois que je ne pourrais pas vraiment communiquer autrement. Jouer, singer, les uns, les autres, en commençant par moi-même, détourner, c’est vital. Heureusement, je suis aussi quelqu’un de calme, hein — pas juste un trublion bavard.

L’art et le corps

Que représente la scène pour vous ?
C’est un espace sacré. Un mot qu’on n’emploie plus trop, mais qui veut dire : ce qui s’y passe est précieux, mérite notre attention. Aux acteur·ices de s’en montrer dignes, avec rigueur (sans se prendre au sérieux bien sûr) et tenue. Et pour le public, c’est chaque fois un nouveau monde. C’est magique !

Où ressentez-vous, physiquement, votre désir de créer et de jouer ?
Dans les tripes et le cœur. Parfois dans les jambes, les mains… Il m’est déjà arrivé d’écrire dans une urgence physique.

Rêves et projets
L'Entremondes ou le lac de l'oubli de Charles Van de Vyver © DR
L’Entremondes ou le lac de l’oubli de Charles Van de Vyver © DR

Avec quels artistes aimeriez-vous travailler ?
Lorraine de Sagazan, Clara Hédouin encore, Vincent Macaigne, Paul Thomas Anderson, Booba, Camus, Marlon Brando, Disiz La Peste, Pauline Bayle

Si tout était possible, à quoi rêveriez-vous de participer ?
Je rêve de réunir le travail de la terre et celui de la scène. Que les artistes aient les mains dans la terre et les maraîchers les pieds sur scène. Que ce qui nourrit le corps et ce qui nourrit l’âme se rejoignent. Dans un grand domaine joyeux. J’aimerais qu’il y ait plein d’espaces comme ça, partout sur le territoire. On pourrait faire des tournées chez les uns et les autres !

Et puis, j’ai récemment écrit et créé mon premier spectacle, L’Entremonde ou le lac de l’Oubli. J’espère qu’on le jouera à Avignon l’année prochaine.

Si votre parcours était une œuvre d’art ?
Aucune idée. On saura plus tard, non ? Mais j’aime beaucoup les estampes d’Hiroshige… Et les valeurs des shonens comme Dragon Ball, Naruto ou One Piece.


Abysse de Jón Atli Jónasson
création le 9 février 2022 au Théâtre La Flèche 
Durée 1h10

Reprise
5 au 26 juillet 2025 à 16h10 au Théâtre des Béliers – Avignon, Festival Off Avignon

Traduction de Raka Asgeirsdottir et Claire Béchet
Mise en scène de Raka Asgeirsdottir
Avec Charles van de Vyver
Vidéo d’Ari Allansson
Lumières de Jean-Louis Aichhorn
Son et musiques de Christian Helgi Beaussier & Gudmundur Pétursson

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