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© Aglae Bory

Aurélien Bory : « Chaque création réinvente son propre théâtre »

Après une première année d’observation, rencontre avec le nouveau directeur du Théâtre Garonne à Toulouse. Le metteur en scène oriente son projet vers l’accompagnement des artistes, qu’il affirme dès cette fin de saison avec les Avant-premières avant Avignon.
22 juin 2025
Comment avez-vous vécu cette première année au Théâtre Garonne ?

Aurélien Bory : Ça m’a laissé le temps de découvrir le fonctionnement du théâtre. La saison était déjà faite à mon arrivée, ça permet d’être un peu spectateur du théâtre, de son contenu, de voir comment le projet que j’ai imaginé va pouvoir se déployer en prenant en compte l’existant et la réalité du théâtre. J’y ai quand même fait assez rapidement un premier geste avec les Avant-premières avant Avignon. Ça m’intéresse d’être à cet endroit-là, autour de l’accompagnement des artistes.

En quoi consistent ces Avant-premières ?
« Israel & Mohamed » © Yohanne Lamoulère

Aurélien Bory : Être programmé à Avignon, c’est évidemment une très grande chance pour un artiste, parce que c’est un lieu de visibilité nationale, internationale et critique. Tout le milieu théâtral est réuni, on est exposé. Et en même temps, ce sont des créations, c’est-à-dire des premières. Le travail d’écriture ne se termine pas le dernier jour des répétitions.

C’est ma conviction, il se passe quelque chose d’autre dans la rencontre avec le public. Les choses s’affinent, s’ajustent, de nouvelles peuvent apparaître. C’est comme si, en tant qu’artiste, on avait besoin du regard du public pour voir notre propre travail. L’idée des Avant-premières avant Avignon, c’est de pouvoir offrir cette expérience aux équipes artistiques programmées dans le Festival et qui viennent répéter au Théâtre Garonne. Elles viennent présenter le travail au public, sans pro et sans presse, pour que ce soit un espace où il n’y a pas d’autre enjeu que les questions artistiques à résoudre.

Pour cette première occurrence, deux projets sont accueillis : celui d’Israel Galván et Mohamed El Khatib, ainsi que Nexus de l’adoration de Joris Lacoste. Comment le choix s’est-il fait ?

Aurélien Bory : J’ai découvert La Vie secrète des vieux de Mohamed El Khatib au dernier Festival d’Avignon. L’artiste m’intéresse beaucoup, et c’est un spectacle coproduit par le Théâtre Garonne avant mon arrivée. Lorsque je rencontre Mohamed, il me parle de ce projet avec Israel Galván, que je connais bien puisque nous devions faire une création ensemble, il y a quelques années. C’est un danseur flamenco majeur. Je ne m’attendais pas à ce mélange, ça m’a plu immédiatement. Ils avaient tous les deux joué à Garonne plusieurs fois, ça me semblait évident, j’ai mis en place ce dispositif. L’intérêt d’être à Toulouse, que je connais bien, c’est aussi qu’on a pu aider à la création, à la construction d’un décor. C’est un grand plaisir et une grande fierté de les accueillir.

« Nexus de l’adoration » de Joris Lacoste © DALL E

Pour Joris Lacoste, c’est Stéphane Boitel, adjoint à la programmation du théâtre Garonne, qui m’en parle avant même que j’arrive. J’avais découvert son théâtre, il y a très longtemps, il est venu plusieurs fois ici. Là, il arrive avec un projet complètement fou et très différent, Nexus de l’adoration, qui est une comédie musicale futuriste.

À vrai dire, je n’en sais pas plus, mais il y a une prise de risque énorme. Joris n’hésite pas à pousser l’écriture, à aller loin dans une proposition. Il nous a sollicités pour un accompagnement classique, mais je me suis dit qu’il y avait un autre enjeu. Quand j’en ai parlé à Tiago Rodrigues, il a tout de suite été d’accord. C’était aussi, pour moi, l’ambition du théâtre Garonne, qui veut s’inscrire dans un écosystème de la création, avec un de ses plus grands partenaires.

Comment expliquez-vous que ce concept soit inédit ?

Aurélien Bory : Ça existe, mais d’une manière beaucoup plus informelle. Ce qui n’existait pas, c’était de faire des représentations « safe », c’est-à-dire sans pro et sans presse. J’ai voulu créer un programme qui ne se substitue pas aux premières, qui auront lieu à Avignon. C’est ça qui est important et qui n’existe pas ailleurs. Je n’ai pas envie de les revendiquer ou de clamer le nom des artistes. Avant de le révéler, on attend la conférence de presse d’Avignon, on ne confond pas les dispositifs. Ce n’est pas encore l’espace du regard critique, c’est celui de l’écriture. Le public n’est même pas obligé de donner des retours. C’est la magie du théâtre : par sa seule présence, il apporte quelque chose à l’équipe artistique.

Ces avant-premières s’inscrivent dans le projet que vous portez pour le Théâtre Garonne. Que pouvez-vous en dire ?
« Borda » de Lia Rodrigues, du 4 au 6 février 2026 © Sammi Landweer

Aurélien Bory : Le projet que j’avais avant d’arriver s’est adapté à la situation. Quand on imagine un projet, on le fait un peu en-dehors de la réalité, qui nous a rattrapés cette année, comme beaucoup de structures. Mais il y a l’importance de l’accompagnement des artistes, dans un grand éclectisme des esthétiques et des approches. C’est ce que je trouve formidable au théâtre : un même espace peut accueillir des démarches très variées.

Ce qui m’intéresse, c’est l’enjeu de la création, accompagner l’éclosion de toutes ces formes et les partager avec le maximum de public. Quand je suis arrivé, j’ai voulu augmenter le montant des coproductions et des accompagnements. Ça reste encore modeste en valeur absolue parce que les moyens du théâtre sont limités. Mais si je compare à d’autres, ça ne l’est pas, c’est significatif. Il faut qu’un artiste apporte quelque chose qui lui appartienne complètement. Chaque création réinvente son propre théâtre. On est sensible à des approches très différentes et c’est vraiment la force du spectacle vivant, à mon sens. Il y a un seul lieu, un seul plateau qui prend toutes les formes.

Qu’en est-il de la saison 25-26 ?

Aurélien Bory : En quelques mots, la prochaine saison, c’est huit spectacles de danse, quinze de théâtre, trois de cirque, une installation, un concert… Des artistes internationaux, plus du tiers d’artistes ancrés localement. La présence d’un théâtre doit avoir un impact sur les artistes qui sont là. À peu près la moitié d’entre eux étaient déjà venus, l’autre moitié ce sont des premières fois. C’est un renouvellement assez important, mais aussi une continuité, parce que Garonne c’est une histoire. Ça ne se gomme pas d’un revers de la main, ça évolue et ça se transmet.

J’ai nommé cette saison « Ouvrir le paysage » en regardant une œuvre de Ulla von Brandenburg, une plasticienne et scénographe allemande que l’on invite pour trois ans en collaboration avec le Musée des Abattoirs. Ouvrir le paysage, ça veut dire aussi continuer ce travail de partenariat qu’on a avec les structures toulousaines et le territoire. Il y a très peu de projets qu’on porte seuls. Pour chaque projet, on se réunit à plusieurs pour mieux accueillir, allonger le nombre de représentations, mais aussi se faire croiser les publics. C’est assez agréable qu’il y ait différentes portes d’entrée pour un même spectacle.

Ces partenariats sont-ils une forme de réponse à la situation de crise, notamment à Toulouse ?

Aurélien Bory : On est dans un contexte tendu, ça a mis les institutions publiques face à de grandes difficultés. Ce sont nos principaux financeurs, par conséquent le théâtre est fortement fragilisé. On arrive à un point de bascule qui fait que le théâtre Garonne risque de ne plus pouvoir continuer si ça devait être maintenu en l’état. Pour l’instant, on peut continuer pour la saison grâce à des provisions qui étaient là avant que j’arrive, mais au-delà, on n’en sait rien. Ce qui nous fait tenir, ce sont ces provisions et cet effort, effectivement, avec les partenariats. Peut-être que si on était riche, on ne le ferait pas. Mais on aurait tort, parce qu’il y a énormément de vertus. La chance qu’on a à Toulouse, c’est que la relation est fluide entre les différentes structures. Et il y a des gens qui arrivent avec leur énergie, cette nécessité et cette envie de collaborer. Je trouve ça vraiment bien et j’ai envie de continuer.

Que pouvons-nous vous souhaiter pour la saison à venir ?
After all Springville de Miet Warlop, du 29 au 31 janvier 2026 © Reinout Hiel

Aurélien Bory : J’aimerais qu’on joue à guichet complet, malgré le fait qu’on a augmenté les séries, qu’on a pris des risques, qu’on présente des choses parfois inconnues, parfois repérées. Ce qui m’a fait plaisir à la présentation de saison, c’est que les spectateur·ices ont dit : « On a envie de tout voir ».

Donc c’est que chaque proposition arrive avec sa force. On espère être dans une dynamique de partage, d’accueil, renforcée avec beaucoup de festivals. Il y a Supernova au Théâtre Sorano et DANSORAMA du côté de la Place de la Danse. À Garonne, le nouvel événement que je propose, c’est le Festival SCÉNO au mois de janvier, un festival consacré au premier geste du théâtre, celui de scénographe. Il a fallu un scénographe pour penser l’espace et pour que le théâtre existe. Et puis on a fait des séries, on accompagne des artistes, on fait des coproductions, on a des dispositifs variés… On espère qu’en réponse, le public sera là.


Théâtre Garonne
Avant-premières avant Avignon
Du 26 juin au 4 juillet 2025

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