Habiter de Patricia Allio © Emmanuel Valette
© Emmanuel Valette

Habiter, le cours d’éducation textuel de Patricia Allio

Pierre Maillet s’affiche sans complexe dans le plus simple appareil. Ton pédagogique, bonhomie à toute épreuve, œil rieur, le comédien porte avec beaucoup de maîtrise un texte exigeant. 

De quoi les grandes tours phalliques sont-elles le symptôme ? La vision binaire du genre régit-elle les conventions architecturales ? Comment habiter un monde hostile à ce qui traverse les frontières ? Ce sont là les questionnements d’un seul en scène joyeusement subversif, porté par un jeu d’une simplicité trompeuse.

Habiter de Patricia Allio © Emmanuel Valette
© Emmanuel Valette

Dans Dispak Dispac’h, créé au Festival d’Avignon 2023, Patricia Allio faisait du théâtre une chambre d’écho, donnant la parole à des témoins de la société civile. Ici, elle propose une forme plus écrite. La partition qu’elle imagine fourmille d’anagrammes approximatives et autres jeux de mots capillotractés. Rien qui puisse malgré tout égaler l’absurdité des discours conservateurs quant au genre. 

Dans ce texte à l’architecture complexe, l’autrice et menteuse en scène ne lésine pas sur les détails. Habiter étourdit par de constants allers-retours entre linguistiques, philosophie et jeux de mots douteux. La pièce construit et déconstruit le langage, les imaginaires et les représentations comme on le fait avec une toile de tente. Les phrases s’imbriquent tant bien que mal, lubrifiées par la sympathie contagieuse du comédien.

Paniques morales conservatrices pour toile de fond et toile de tente bleue et rose pour seul décor, la performance de Patricia Allio se pense à rebours de l’hétéronorme et sa vision essentialiste des femmes et des hommes. C’est une parole nomade qui s’immisce dans les fissures de ces carcans de pensée rigides. Les constructions phalliques qataris trouvent en miroir les théories de Rousseau. Mais les filiations, plus ou moins évidentes, qu’établit le texte permettent aussi de comprendre ce dans quoi s’inscrivent les politiques LGBTphobes et natalistes contemporaines.

Habiter de Patricia Allio © Emmanuel Valette
© Emmanuel Valette

Il est donc question du réarmement démographique, cher à notre Président, mais également de Georgia Meloni. En s’emparant d’un discours de la dirigeante italienne, affublé d’une perruque premier prix et perché sur des talons pailletés, Pierre Maillet montre sa vacuité. La seule chose travestie s’avère être l’agenda réactionnaire de la leader, sous couvert de protection des enfants.

Derrière leur complexité apparente, les traits d’esprit intello trouvent en miroir des ressorts comiques infantiles. Dans les normes de genre comme dans l’humour, Patricia Allio emprunte, déplace, détourne. C’est un théâtre pauvre dans lequel tout est possible. En explorant tout aussi bien les combinaisons infinies du langage que celles d’une toile de tente bon marché, le duo d’artistes redonne de l’espoir. Une tentative surprenante qui rappelle aussi bien les explorations linguistiques de Monique Wittig que la fougue de militants Trans Pédé Bi Gouine.


Habiter de Patricia Allio
création en 2007 au Théâtre des Deux Rives, Rouen dans le cadre du Festival Corps de Textes

Tournée
21 au 23 mai 2025 au Théâtre Silvia Montfort, Paris
15 au 17 octobre 2025 au Quartz, Brest
13 au 16 janvier 2026 au Théâtre Varia, Bruxelles
12 mai 2026 à La Ferme du Buisson – Scène nationale

Mise en scène de Patricia Allio
Lumières d’Emmanuel Valette
Conception graphique – H.Aliw Sanyas assistée de : Camille Vignes
Collaboration chorégraphique – Marcela Santander Corvolán avec un exemplaire de la série
Refuge Wear Habitent de Lucy Orta

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