Footballeur - Simon Diard - Arnaud Vrech © Charles Leplomb
© Charles Leplomb

Footballeur : La vie à perte de vue

Le jeune metteur en scène Arnaud Vrech a commandé à l’auteur Simon Diard un texte inspiré de l’histoire de son grand frère atteint d’une maladie qui le rend aveugle. Le spectacle est une ode à la vie, un cri d’amour fraternel.

C’est avec son premier spectacle Hervé Guibert, d’après son roman A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, que ce jeune homme, issu de la promotion 4 de la prestigieuse École du Nord, alors dirigé par Stuart Seide, s’est fait connaître. Sa deuxième mise en scène, Footballeur, l’inscrit dans la ligne des artistes à suivre de près.

Footballeur - Simon Diard - Arnaud Vrech © Charles Leplomb
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Le titre est trompeur, car il nous entraîne sur un terrain qui n’est pas celui du football, mais plutôt celui de la vie. Comment réagir lorsque à 21 ans, on apprend qu’une maladie génétique va progressivement vous faire perdre la vue ? C’est ce qui est arrivé à Stéphane Vrech qui s’apprêtait à embrasser une carrière de footballeur professionnel. Son petit frère qui n’est pas porteur du gène, se retrouve pris dans les filets de la culpabilité. Que peut-il faire pour accompagner ce grand frère qu’il admire dans ce tunnel de plus en plus sombre ?

La pièce commence dans le noir complet. Une voix se fait entendre. Johann raconte comment la maladie a surgi posant sur lui une épée de Damoclès. Puis, en demi-teinte, la lumière éclaire le plateau. Un vieux vestiaire d’un stade apparaît avec des bancs en bois usé, des casiers de bières, des grands ventilos et des néons. Dehors, le bruissement de la foule et surtout un air joyeux de fanfare se font entendre. Vêtu de sa tenue de footballeur, chaussures à crampons, le jeune homme est là, comme perdu. Johann Weber (France Fantôme) est d’une sobriété admirable. Ses silences et ses regards en disent long sur son cheminement intérieur.

Clément, le petit frère, surgit avec autour du cou les nombreuses médailles que son aîné a récoltées au long de sa carrière. Elles cliquettent comme des clochettes, signifiant « où que je sois, tu le sauras ». Avec sa coupe mulet qui fit rage dans les années 1980, on ressent sa profonde admiration pour celui qui allait devenir un champion. Ses mots sont maladroits, mais viennent du cœur. Clément Durand (Onéguine) incarne admirablement la candeur et la pudeur. On comprend aussi que dans leur famille, on n’exprime pas aisément ses sentiments. Pour la première fois, ils vont se parler, échanger sur la maladie et surtout exprimer leur tendresse fraternelle.

Footballeur - Simon Diard - Arnaud Vrech © Charles Leplomb
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L’auteur Simon Diard a ajouté une troisième et mystérieuse personne. Cette jeune femme (épatante Cecilia Steiner) sera le lien, celle qui va ouvrir les fenêtres sur ce monde nouveau qui attend les deux frères. Elle fait circuler les réflexions sur la vision, au sens propre comme au figuré. « On a oublié que voir est une sensation ». En leur rappelant à la fin que la mémoire aussi peut se perdre, elle pose la question essentielle : Qu’est-ce que le devenir de l’être ? La réponse est dans le sous-titre du spectacle « Ce qui va m’arriver est en moi ». Mais, comme le souligne metteur en scène dans son très beau salut final, c’est ensemble que l’on traverse l’existence.

Et quelle belle idée la présence de cette fanfare de cuivre, composée de Flavio Mendes, Constant Sajaloli et Romane Vanderstichele. Passant des airs de féria à Albinoni, ils forment l’accompagnement idéal à ce texte qui sonne à la manière de la Nouvelle vague. L’objet théâtral mis en place par Arnaud Vrech est scéniquement remarquable. Son spectacle aux fortes résonances touche au but, celui de nous interpeller.


Footballeur de Simon Diard (éditions petits pièges)
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie – Route du Champs de manœuvre
75012 Paris.
Du 3 au 25 mai 2025
durée 1h20.

Mise en scène, Scénographie, costumes Arnaud Vrech
Avec Clément Durand, Cecilia Steiner, Johann Weber et les cuivres Flavio Mendes (trompette), Constant Sajaloli (trombone), Romane Vanderstichele (cor)
Dramaturgie, costumes Franziska Baur
Lumières Anne Vaglio 
Son, régie générale Mathieu Barché 
Musique Sophie Sand 
Direction musicale post-création Théo Kaiser 
Regard chorégraphique Vincent Dupuy 
Couture Charlotte Le Gal 
Construction Benjamin Hautin 
Régie lumières Paul Brunat
Audiodescription Clémence Bordier.

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