Au théâtre, la scène de ménage est un formidable prisme pour montrer les dysfonctionnements d’un couple au bord de la crise. Lars Norén l’a utilisé formidablement dans Démons. Avec C’est si simple l’amour, il pousse le curseur un peu plus loin dans une mise en abyme redoutable.
Comediante

En fond de scène, caché derrière un rideau de tulle, on devine une loge de théâtre. Deux couples se profilent. Dans ce sentiment de joie de l’après représentation, Jonas et Hedda congratulent Alma et Robert, qui ont été si « formidables ! ». Après l’effervescence du fameux pot de première, ils prolongent la soirée au domicile du couple de comédiens. L’alcool aidant, la soirée va se transformer en un carnage. Personne ne sera épargné.
Bien sûr, l’ombre de Qui a peur de Virginia Woolf ? d’Edward Albee plane. Une référence déjà présente dans Démons. On peut imaginer que la pièce qu’Alma et Robert ont jouée était l’une des deux. Ils sont dans cette énergie-là. Après des années à vivre dans l’ombre de son grand comédien-metteur en scène de mari, Alma est de retour sur scène. Ferme et déterminée, sachant lancer ses piques, cette femme en mal de maternité et craignant le poids des ans est la première à tirer. D’un jeu qui peut paraître à première vue très cérébral, Bérengère Warluzel offre à cette grande blessée de la vie une tonalité singulière. Plus fourbe, Robert tend ses pièges et lance ses bombes. Jouant sur la corde raide de l’ivresse, Charles Berling est impressionnant. À la manière du couple Burton-Taylor, ils vont se déchirer à pleines dents.
Tragediante

Jonas et Hedda sont en tout point des spectateurs. Ils l’ont été au théâtre et ils le restent dans ce salon. À la différence du couple témoin de Démons ou de Virginia Woolf, qui étaient de jeunes gens innocemment choisis, celui-ci a été machiavéliquement ciblé et ce ne sont pas des balles perdues qui vont les toucher ! Jonas est psychologue. Il est donc logique qu’il comprenne le mécanisme de ces deux êtres qui se sont abîmés à force de s’être trop aimés. Mais… et ce petit « mais » est délectable. D’un jeu d’une grande délicatesse, Alain Fromager est parfait en observateur-manipulateur. Caroline Proust est tour à tour drôle et bouleversante. Sous ses airs légers et sa robe de jeune première, Hedda cache les coups de la vie. Alma et Hedda sont les deux faces d’une même pièce. Leur confrontation est le point fort de la pièce.
Sans détour
La traduction, comme l’adaptation, n’a pas eu peur de tordre le cou à la bienséance du langage policé bourgeois. Ivresse oblige, les mots ne prennent plus de détour. Alors, oui, il va y avoir des mots crus, voire obscènes, mais essentiellement des paroles blessantes, des cris de haine et d’amour. La mise en scène de Charles Berling est assez surprenante. Ça valdingue dans ce jeu du chat et de la souris. En choisissant d’asseoir quelques spectateurs dans les fauteuils du salon, il souligne que chacun jouant un rôle dans la vie, tout n’est que représentation.
Marie-Céline Nivière, envoyée spéciale à Toulon
C’est si simple l’amour de Lars Norén
Le Liberté scène nationale de Toulon
Place de la Liberté
83000 Toulon
Du 5 au 21 mars 2025
durée 2h10
Tournée 2024-2025
16 et 17 mai 2025 à la Maison des Arts du Léman Thonon-les-Bains.
Tournée 2025-2026
3 au mars 2026 au Théâtre du Jeu de Paume Les Théâtres, Aix-en-Provence
10 au 21 mars 2026 à l’Espace des arts, Scène nationale de Chalon-sur-Saône
31 mars au 2 avril 2026 au Théâtre National de Nice – TNN La Cuisine
18 avril 2026 au Théâtre du Crochetan Monthey, Suisse
21 avril 2026 au Théâtre de Beausobre Morges, Suisse
23 avril 2026 au Théâtre d’Aix-les-bains
25 avril 2026 au Théâtre Théo Argence – Saint-Priest
28 avril au Théâtres en Dracénie – Draguignan
Mai/Juin 2026 au Théâtre de l’atelier, Paris
Traduction de Aino Höglund et Amélie Wendling
Adaptation Alain Fromager et Amélie Wendling
Mise en scène de Charles Berling
Collaboration artistique Christiane Cohendy et Amélie Wendling
Avec Charles Berling, Alain Fromager, Caroline Proust, Bérengère Warluzel
Scénographie de Charles Berling et Marco Giusti
Costumes de Bernadette Villard
Lumières Marco Giusti.