"umuko" de Dorothée Munyaneza © Patrick Berger
"umuko" de Dorothée Munyaneza © Patrick Berger

Au Festival de Marseille, histoires de transmission

Pour sa dernière semaine, le festival d'été de la cité phocéenne a continué de renforcer ses liens avec l'Afrique. Au programme notamment, les résultats de deux passations artistiques d'une génération à l'autre.

Que Marseille soit un point de croisement entre le continent africain et l’Europe tombe sous le sens. Aussi le bientôt trentenaire Festival de Marseille, pour sa semaine de clôture, mettait-il à en avant non seulement des artistes venus du sud de la Méditerranée, mais également des spectacles préoccupés par le voyage des formes artistiques, leur passage d’un port à l’autre. Cet événement désormais incontournable, sa directrice Marie Didier le revendique comme un lieu où des jeunes artistes prennent la lumière au milieu de signatures déjà plus connues.

C’est comme cela qu’au théâtre Joliette, la compagnie Kazyadance mettait en avant un jeune artiste, repéré dans les ateliers du Royaume des fleurs, le lieu de la compagnie, à Mayotte. Auteur et performeur, Hamza Lenoir mêle danse, poésie et arts visuels pour parler de Mayotte, son histoire et son présent pris dans des relations coloniales. Sur scène, ils sont trois : lui qui parle et chante, le danseur Inssa Hassna, dit Jésus , qui bouge, et le musicien Natcho Ortega qui rythme l’échange. Cette forme en construction est un aperçu du travail mené par la compagnie mahoraise dirigée par Djodjo Kazadi, qui accompagne des jeunes créateurs de Mayotte leur développement artistique — un autre de leurs protégés, Lil’C, était à l’affiche de Passages Transfestival et de June Events ce printemps.

"Le Corps de Jésus" de Hamza Lenoir © Pierre Gondard
Le Corps de Jésus de Hamza Lenoir © Pierre Gondard

À l’affiche également, umuko de Dorothée Munyaneza, une autre passation artistique, rwandaise cette fois. Chacun des six interprètes, la chorégraphe désormais basée à Marseille les a choisis au coup de cœur, lors d’aller-retours à Kigali ou en rebondissant d’une page à l’autre sur Instagram. Composer une lettre d’amour à sa terre natale, quittée depuis presque trente ans, à travers les corps et la voix de ses jeunes artistes est une idée forte. Dorothée Munyaneza lui donne une forme contemporaine, bien qu’elle puise ses mouvements et ses mélodies dans la culture traditionnelle rwandaise. Sur une scène en forme d’horizon, les danseurs se transforment en musiciens comme si de rien n’était ; tantôt ils synchronisent leurs mouvements, tantôt les uns rythment les mouvements des autres. En costumes noirs et rouges, ils apportent tous leurs talents multiples sur un plateau commun.

Ainsi qu’il est construit, umuko déjoue la tentation folklorique, qui voudrait limiter une culture à quelques images d’Épinal. Ce faisant, il montre une jeunesse artistique rwandaise vivante, à l’œuvre, sans condescendre non plus à une exposition mécanique des talents individuels (les leurs n’en sont pas moins nombreux), en intégrant le tout dans une forme enlevée. Dorothée Munyaneza, dont le travail s’articule autour de l’histoire meurtrie du Rwanda et dans des collaborations avec des artistes d’autres disciplines, entreprend ainsi une transmission qui, on l’espère, se poursuivra et prendra son ampleur.


Festival de Marseille
Du 14 juin au 16 juillet 2024

Le Corps de Jésus de Hamza Lenoir
Les 2 et 3 juillet 2024
Durée 1h10

Conception, chorégraphie : Hamza Lenoir
Performance : Hamza Lenoir, Insa Hassan dit « Jésus »
Scénographie, vidéos: Jean Christophe Lanquetin
Création sonore : Nacho Ortega
Création lumières : Camille Mauplot
Régie lumières et vidéo : Jules Bourret
Regards extérieurs : Djodjo Kazadi (danse et performance), Jean-Luc Raharimanana (textes)
Production : Cie Kazyadance / Royaume des Fleurs

umuko de Dorothée Munyaneza
Les 3 et 4 juillet 2024
Durée 1h10

Direction artistique : Dorothée Munyaneza
Avec : Jean Patient Nkubana, Impakanizi, Cédrick Mizero, Michael Makembe, Abdoul Mujyambere
Lumière : Camille Duchemin
Costumes et accessoires : Stéphanie Coudert, Cedric Mizero, Maximilien Muhawenimana
Musique originale : Jean Patient Nkubana, Impakanizi, Michael Makembe
Régie lumière : Camille Faye
Régie son : Camille Frachet, Aude Besnard
Production : Virginie Dupray – Cie Kadidi, assistée de Nouria Tirou

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