Nicolas Doutey © DR
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Nicolas Doutey, dramaturge du moment présent 

À la Scala-Paris, après un beau succès public et critique à Théâtre Ouvert l’an dernier, Le Moment psychologique mis en scène par Alain Françon, revient sur les planches et donne à entendre les mots du jeune auteur. 

Nicolas Doutey : C’est le moment où les choses se déclarent, le moment qu’il ne faut absolument pas rater. Chez Feydeau par exemple, c’est l’instant où tout se décide, où l’opportunité à saisir fait jour. Ça a beaucoup à voir avec la question du temps présent,  et du temps de l’action. Ce qui est dit dans la pièce porte, pour l’essentiel, sur des faits qui sont en train de se dérouler sous les yeux du spectateur. Les personnages décrivent ce qui est en train de se passer, leur manière de vivre et percevoir ce qui se passe, et qui n’est en général pas nommé, dans la vie. Tout ce qui d’habitude reste dans le silence est ici rendu public, à vue et à ouïe, rendu présent en ce sens. C’est vraiment cette question du présent qui me tient à cœur au théâtre. Et puis, avec cette parole qui rend public ce qui d’habitude est tu, c’est comme si il n’y avait plus quelque chose comme une psychologie cachée dans des intériorités, les personnages se livrent sans fard, à vue, et sur le moment. Théâtralement, l’effet n’est pas réaliste, mais c’est aussi ce qui m’intéresse. 

Nicolas Doutey : Le point de départ est lié au questionnement que j’avais sur la manière d’aborder le politique au théâtre. Certes, ce n’est pas très original ! J’avais vu un reportage, où un artiste chinois racontait avoir été invité à boire le thé avec un édile du parti au pouvoir, il avait été très heureux de cette invitation avant de comprendre que cet intérêt pour son art avait pour but de vérifier sa probité et qu’aucun élément possiblement dissident ne se cachait dans son travail. Dans la pièce, je reprends en quelque sorte cet épisode mais j’en inverse le sens en en faisant quelque chose de plutôt lumineux, et j’imagine que Matt, la femme politique qu’incarne Dominique Valadié, qui navigue dans les hautes sphères du pouvoir, s’intéresse vraiment, positivement et sans arrière-pensée, pour un projet politique qu’elle cherche à mettre sur pied, à Paul, un individu lambda, qui n’a pas plus à voir avec la politique que n’importe qui. 

Nicolas Doutey : Longtemps. Il m’a fallu quatre ans et demi pour l’écrire. Je suis particulièrement lent. Toutefois j’ai appris à accélérer, notamment dans le cadre de commandes. La temporalité est différente. Souvent, je dois rendre les textes en moins de quatre cinq mois. Cela m’oblige à un rythme plus soutenu, d’autant que ce qui m’intéresse c’est l’artisanat des mots, des phrases. J’ai besoin de temps pour trouver la bonne formule, celle qui me semble la plus juste, et qui ménage les bons équilibres. 

Nicolas Doutey : Sans doute, mais j’essaie de faire en sorte que ce soit le moins possible. D’autant que je suis assez libre sur les sujets et les manières de les aborder. 

Nicolas Doutey : Clairement le plateau. J’écris en pensant toujours à ce que cela va produire sur scène, comment les acteurs et actrices vont s’en emparer. Je ne cherche pas tant à raconter une histoire ou à délivrer un message, qu’à provoquer une action, qu’à imaginer des expériences théâtrales. 

Nicolas Doutey : J’ai rencontré Alain par le biais de Théâtre ouvert. J’avais envoyé un certain nombre de mes textes au centre national des dramaturgies contemporaines en espérant qu’ils les intéresseraient. L’un d’entre eux, leur a plu, ils ont souhaité le mettre en lecture et ont proposé à Alain Françon dans s’en apparer. Il s’avère que je venais de terminais ma thèse sur Beckett et qu’il s’apprêtait à monter Fin de partie. La rencontre a eu lieu. Elle s’est tellement bien passée, qu’il m’a demandé d’être son assistant et son dramaturge sur le projet J’ai évidemment accepté. C’est ainsi que notre compagnonnage a commencé. Chacun suivant le travail de l’autre. Je lui ai soumis mon texte, il en a fait une première mise en espace et dans la foulée a eu envie d’aller plus loin et d’en faire la mise en scène. 

Nicolas Doutey : Comme on se connait bien on en a beaucoup parlé ensemble. Et puis les comédiens et comédiennes qu’il a choisis, je les avais pour la plupart déjà rencontrés grâce à lui. C’est notamment le cas de Rodolphe Congé, Pierre-Félix GravièreDominique Valadié et Louis Albertosi qu’il avait découvert lors d’un stage à l’École du Nord. Tout s’est donc fait en bonne amitié. 

Nicolas Doutey : Quand j’écris je m’efforce d’avoir le minimum d’images en tête. Je fais en sorte que chaque rôle puisse être joué par des acteurs et actrices très différents. Toutefois, je suis très heureux de la distribution proposée par Alain et que ce soit ces artistes-là qui s’emparent de mes personnages. Ils ont tous un rapport au présent très vif. C’est très précieux pour moi. 

Nicolas Doutey : Oui bien sûr. Il y a notamment l’adaptation de Rhinocéros d’Eugène Ionesco, que j’ai réalisé avec Bérangère Vantusso, qui a vu le jour à la Manufacture de Nancy, il y a quelques jours. Sinon J’ai plusieurs pièces sur le feu, dont notamment avec Adrien Béal, un autre compagnon de route avec qui j’ai la chance de travailler régulièrement, mais c’est encore trop tôt pour en parler. 


Le Moment psychologique de Nicolas Doutey
Création le 3 février 2023 à Théâtre ouvert
Reprise à La Scala-Paris

13, boulevard de Strasbourg
75010 Paris

du 30 janvier au 11 février 2024
Durée 1h30

Mise en scène d’Alain Françon
Avec Louis Albertosi, Pauline Belle, Rodolphe Congé, Pierre-Félix Gravière, Dominique Valadié, Claire Wauthion
Scénographie de Jacques Gabel
Lumières d’Émilie Fau
Regard costumes – Elsa Depardieu
Régie générale – Marine Helmlinger

Teaser du Moment psychologique de Nicolas Doutey, mise en scène d’Alain Françon © La Scala-Paris
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