Parler Pointu - Benjamin Tholozan © Marie Carbonnier

Le charmant et délicat Parler pointu de Benjamin Tholozan

Au Théâtre 13, Benjamin Tholozan signe avec "Parler Pointu", un premier spectacle d’une belle qualité dans lequel il revient sur ses racines.

Parler Pointu - Benjamin Tholozan © Marie Carbonnier

Au Théâtre 13, le jeune comédien d’origine méridionale Benjamin Tholozan signe, avec Parler Pointu, un premier spectacle d’une belle qualité. Revenant à ses racines, il montre que le terroir est un sol dans lequel chacun peut puiser sa nature.

© Marie Carbonnier

Benjamin Tholozan, qui a travaillé avec Lorraine de Sagazan (Un sacre, L’absence de père) ou Virginie Lemoine (La vie est une fête de Lilian Llyod) pour bien exercer son métier de comédien, a perdu toute trace de son accent méridional. À l’enterrement de son grand-père, il a dû faire un discours. Personne n’a compris ce qu’il a dit ! Le constat est qu’ils ne parlent plus le même langage. Car, en montant à Paris, en devenant acteur, en assumant son homosexualité, l’enfant du pays s’est forgé autrement. Cette expérience lui a donné l’idée d’en faire une matière théâtrale. Qu’est-ce que notre accent ? Qu’est-ce que cela raconte ? Créé à l’automne dans le cadre de Supernova, festival jeune création au Théâtre Sorano de Toulouse, le spectacle prend ses quartiers d’hivers à Paris, au Théâtre 13 dans la salle Colette Nucci, nommée d’après une grande dame du sud !

Parler Pointu - Benjamin Tholozan © Marie Carbonnier
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Benjamin a grandi dans un village provençal en bordure de l’Occitanie. Une région ancestrale qui va des Pyrénées à la Méditerranée. L’Occitan n’est pas un patois mais un véritable idiome, qui rappelle qu’autrefois il y avait la langue d’Oc et la langue d’Oïl. Chez lui, on parle « avé l’assent », celui qui enchante le Sud. En devenant comédien, donc, pour éviter d’être cantonné aux registres méridionaux comiques à la Fernandel, il a gommé le chantant de son phrasé pour atteindre la perfection d’un langage académique. Qu’il ne faut pas confondre avec le parler de Paris, qui s’est totalement effacé devant celui que l’on entend à la télévision, à la radio, au cinéma et au théâtre ! Benjamin maintenant s’exprime avec la langue du pouvoir, le « parler pointu ». C’est ainsi que les méridionaux désignent la manière de s’exprimer de toutes les personnes vivant au-delà de Valence ! Un fossé s’est ainsi creusé.

Dès le début de son spectacle, Benjamin Tholozan joue avec les lieux communs qui s’attachent à sa région, en proposant un apéro au Pastis 51, une boisson dont les origines remontent à l’Antiquité ! Puis il nous annonce qu’il va mitonner pour nous un plat typique, une gardiane de taureau. Le comédien s’amuse avec les codes du one-man show, histoire de détendre l’atmosphère. Puis il convoque la figure de son grand-père. Et là, faisant revivre sa famille et son histoire, il glisse doucement et avec maîtrise du côté de Caubère. Comme il est beau, ce tableau du déjeuner familial avec cette tête de taureau ! Tout comme l’est celui de la belle-sœur d’origine Maghrébine, si profondément Provençale ! Cette partie du spectacle nous plonge au cœur même de l’intime, de ce qui a construit un jeune homme qui assume ces choix.

Parler Pointu - Benjamin Tholozan © Marie Carbonnier
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Perdre son accent, c’est aussi du politique. Car l’abandon progressif des parlers régionaux et des accents n’est pas arrivé avec la naissance de la télévision ! Cela vient de bien plus loin, de la période de la construction de la France. Pour unifier toutes ses régions, il fallait bien une langue commune, c’est le tourangeau qui a gagné. Benjamin Tholozan s’empare de la grande Histoire. Si tous les professeurs de cette matière avaient eu sa manière de raconter les faits historiques, on aurait certainement bien mieux retenu nos leçons ! Le comédien s’enflamme et nous captive en faisant défiler la croisade contre les Albigeois, les Cathares, le conte de Toulouse, le rattachement à la France, les rois de France, le Pape, la Révolution française…

Benjamin Tholozan n’est pas seul sur scène. Le comédien et musicien Brice Ormain l‘accompagne. Ce breton du sud bretonnant intervient comme une autre entité. Ils chantent ensemble bien sûr, dont le très Se quanto, Que quanto. La scénographie, faites de pendrillons de fils lamés et colorés, les costumes donnent à ce spectacle une couleur cabaret, qui sied très bien à l’univers que le comédien et la metteuse en scène, Hélène François, également coautrice, ont voulu construire. Tout en nous faisant passer du rire à la réflexion. Bravo !


Parler pointu, spectacle écrit par Benjamin Tholozan et Hélène François.
Théâtre 13/Glacière
103 A boulevard Blanqui
75013 Paris.
Du 29 novembre au 15 décembre 2023.
Du lundi au vendredi à 20h, samedi à 18h.
Durée 1h40.

Mise en scène d’Hélène François.
Avec Benjamin Tholozan et Brice Ormain.
Création musicale de Brice Ormain.
Lumières de Claire Gondrexon.
Scénographie d’Aurélie Lemaignen.
Régie générale de Thibault Marfisi en alternance avec Théo Philippot.

© Théâtre 13
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