Ruy Blas - Mellor - Cie du Berger © Ludo Leleu

Le Ruy Blas de la Cie du Berger met en appétit

Au Théâtre de l'Epée de bois, la Compagnie du Berger du metteur en scène Olivier Mellor présente un formidable "Ruy Blas".

Ruy Blas - Mellor - Cie du Berger © Ludo Leleu

Présentée au mois d’octobre dernier en son fief du Centre culturel Jacques Tati d’Amiens, où la Compagnie du Berger est associée, Ruy Blas de Victor Hugo s’installe au Théâtre de l’épée de Bois. Le metteur en scène Olivier Mellor sait y faire avec les classiques. C’est réjouissant.

© Ludo Leleu

C’est en 2012 que nous avions découvert le travail d’Olivier Mellor et de sa compagnie du Berger avec un Cyrano de Bergerac des plus admirables. Ses deux dernières créations, La noce de Brecht et Britannicus de Racine nous avaient tout autant séduits. C’est donc sans trop d’appréhension que nous nous rendions à Amiens découvrir sa nouvelle mise en scène.

Ma seule crainte était Victor Hugo ! Quitte à faire hurler les puristes, je trouve que le théâtre de notre grand homme national n’a pas la grandeur de ses romans et de ses poèmes. Une histoire de style et de longueur qui a du mal à passer avec le temps. Néanmoins, reconnaissons-le, Ruy Blas est un classique qui appartient au répertoire. C’est avec beaucoup de talent que le metteur en scène s’est emparé du texte, le faisant vibrer, sans temps morts, avec beaucoup d’humour (et oui) et en musique (comme toujours).

Ruy Blas - Mellor - Cie du Berger © Ludo Leleu
© Ludo Leleu

La pièce a servi de trame à Gérard Oury pour La folie des grandeurs, son chef-d’œuvre impérissable. Olivier Mellor, par touches fines, parsème sa mise en scène de délicates références. En tout cas, vous l’aurez compris, le metteur en scène a choisi le ton de la comédie, même s’il n’en perd pas la substance tragique. Il a bien fait, et ainsi ce drame romantique, qui cache une critique du pouvoir et des grands, gagne-t-il en puissance.

Rappelons les faits. Don Salluste, Grand d’Espagne, est écarté du pouvoir par la jeune reine. Fous de rage, il cherche à se venger. Lorsque son fripon de cousin, Don César de Bazan ressurgit, qu’il découvre que son valet, Ruy Blas, lui ressemble, une idée folle germe dans sa tête. Il se débarrasse du premier et met le second à sa place. Et puisque Ruy Blas aime la Reine, le fourbe Salluste va s’en servir pour ridiculiser la Reine et reprendre sa place. Sauf que l’homme du peuple va déployer son intelligence et son éloquence pour mettre à bas, ces « ministres intègres » qui ruinent l’État. Tel un Roméo, pour sauver sa Juliette, Ruy Blas tuera son maître et se donnera la mort. On est quand même dans le romantisme !

Ruy Blas - Mellor - Cie du Berger © Ludo Leleu
© Ludo Leleu

On aime chez Mellor sa manière d’occuper l’espace scénique. Ici, le rideau ne se lève pas sur le spectacle mais chute. Cette première image est impressionnante. On passe ainsi de la maison de Don César à la cour sans se perdre route. La scénographie est comme toujours impressionnante. Tel que cela transpire dans les thèmes de la pièce, il y a une utilisation des couleurs vives pour indiquer le faste et des couleurs plus neutres voire sombres pour exprimer le drame et la complexité des êtres. Chaque acte est traité comme il se doit nous entraînant sans ennuis dans cette longue histoire. La vidéo est fort bien exploitée pour montrer ces fameux « conseillers vertueux ». La musique, jouée en direct, sert, comme au cinéma, à convoquer une émotion musicale. Quant aux costumes, ils sont superbes. Surtout cette robe à panier impressionnante !

Plus que jamais l’esprit de troupe règne dans la Compagnie du Berger. Trépignant, écumant, Stephen Szekely est un Salluste formidable. Il est un méchant et ne cherche même pas à s’en cacher. Emmanuel Bordier incarne avec une belle tendresse toute la grandeur d’âme et les fragilités de Ruy Blas. Rémi Pous a endossé les bottes et le panache de Don César de Bazan avec un esprit tout moliéresque. On avait dit de Caroline Corme, lors de son interprétation de Junie dans Britannicus, qu’elle avait tout d’une reine. Voilà, c’est chose faite, et bien joliment. Marie-Laure Boggio, François Decayeux, Marie Laure Desbordes (saprichienne à souhait), Fred Egginton nous ont régalés dans leurs diverses prestations. Voilà encore du bien bel ouvrage.


Ruy Blas de Victor Hugo
Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie – Route du Champs de Manœuvre
75012 Paris.
Du 16 novembre au 3 décembre 2023.
Du mercredi au samedi à 21h, dimanche à 16h30.
Durée 3h avec entracte.

Mise en scène par Olivier Mellor.
Avec Marie Laure Boggio, Emmanuel Bordier, Caroline Corme, François Decayeux, Marie-Laure Desbordes, Fred Egginton, Olivier Mellor, Rémi Pous et Stephen Szekely, les musiciens Séverin « Toskano » Jeanniard (direction musicale, contrebasse), Christophe Camier (accordéon), Adrien Noble (violoncelle), Louis Noble (saxophone).
Scénographie d’Olivier Mellor, François Decayeux, Séverin « Toskano » Jeanniard avec le concours du Collectif La Courte Échelle.
Musique originale de Séverin « Toskano » Jeanniard.
Costumes de Bertrand Sachy.
Création son de Séverin Jeanniard.
Lumières d’Olivier Mellor.
Vidéo de Mickaël Titrent.

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