Les gratitudes d’après Delphine de Vigan, Mise en scène De Fabien Gorgeart © jean-Louis Fernandez

Catherine Hiegel en quête de mots au Centquatre

Au Centquatre-Paris, dans le cadre du Festival d'Automne, Fabien Gorgeart adapte "Les Gratitudes" de Delphine de Vigan.

Les gratitudes d’après Delphine de Vigan, Mise en scène De Fabien Gorgeart © jean-Louis Fernandez
© Jean-Louis Fernandez

Après nous avoir totalement bouleversés en 2019 avec Stallone d’Emmanuèle Bernheim, portée remarquablement par la comédienne Clotilde HesmeFabien Gorgeart et son complice musicien Pascal Sangla poursuivent leur mise en lumière de personnages ordinaires en portant au plateau Les Gratitudes de Delphine de Vigan. S’intéressant cette fois à la fin de vie, à la déliquescence du corps et de l’esprit, les deux artistes invitent le public à pénétrer dans l’intimité d’un EPHAD. L’entrée en salle se fait d’ailleurs en musique, comme si on assistait à quelques ateliers de musicothérapie. Les spectateurs ne s’y trompent pas. Tous reprennent en chœur quelques standards de la chanson française, allant du Sud de Nino ferrer à Mistral Gagnant de Renaud en passant par Le Chanteur de Daniel Balavoine ou Une Chanson douce d’Henri Salvador. Quand les mots manquent, quand la mémoire flanche et que le yaourt remplace les paroles, Michka (émouvante Catherine Hiegel), ancienne parolière souffrant d’aphasie, vient à notre rescousse. 

Lumineuse, espiègle, cette vieille dame semble amusée par l’exercice. Pourtant, malgré son ancien métier, rien n’est plus aussi évident pour elle. Depuis quelques temps, elle perd les mots, au mieux les remplace par d’autres en entraînant parfois quelques quiproquos, au pire les omet complètement, quitte à devenir inintelligible. N’ayant pas eu d’enfant, c’est sa voisine, une jeune femme (touchante Laure Blatter), dont elle s’est occupée depuis l’enfance comme une seconde mère, une grand-mère, qui la visite et prend soin d’elle. Aidée d’un orthophoniste musicien (épatant Pascal Sangla), Michka tente en vain d’enrayer l’inéluctable, de freiner la maladie. D’autant, qu’avant de ne plus pouvoir parler, la vieille dame aimerait, retrouver et remercier le couple qui l’a cachée, pendant la guerre, durant plus de trois ans. Ces Justes ont évité à la petite fille juive de sept ans la déportation auprès de ses parents vers une mort certaine. 

En suivant l’inéluctable déclin de Michka, Fabien Gorgeart, à la mise en scène, et Pascal Sangla, à la musique, entrainent avec délicatesse le public dans ce monde insoupçonné qu’est celui des aidants, du personnel soignant et de ce troisième et quatrième âge que la société tient souvent à la marge. Plus attendu dans la forme que ne l’était StalloneLes Gratitudes n’en reste pas moins un spectacle prenant autant que troublant. Irradiante de justesse, d’émotions contenues, Catherine Hiegel porte sur ses épaules ce beau projet et livre une partition d’une rare intensité. Jouant des silences, des états de torpeur, d’irritation et de fièvre, elle habite la scène et donne un surplus d’âme et d’humanité à ce portrait de femme sur le déclin. Lumineux !


Les gratitudes d’après Delphine de Vigan
Festival d’Automne à Paris 
Centquatre Paris
5 rue Curial
75019 Paris
Du 8 au 25 novembre 2023

Du mardi au samedi à 20h, dimanche 17h.
Durée 1h20 environ

Mise en scène de Fabien Gorgeart assistée d’Aurélie Barrin
Avec Laure Blatter, Catherine Hiegel, Pascal Sangla
Adaptation de Fabien Gorgeart & Agathe Peyrard
Création sonore et musique live : Pascal Sangla
Dramaturgie d’Agathe Peyrard
Scénographie de Camille Duchemin
Costumes de Céline Brelaud
Création lumière et régie générale – Thomas Veyssière
Collaborateur son – Julien Lafosse
Régie son – Romain Pignoux

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