Adrien Le Van et Valérie Dassonville © Louise Arnal

Adrien De Van et Valérie Dassonville, dix ans à la tête du Paris-Villette

Adrien De Van et Valérie Dassonville fêtent cette année les dix ans de leur arrivée au Théâtre Paris-Villette.

Adrien Le Van et Valérie Dassonville © Louise Arnal

Nommés à la direction du Paris-Villette en 2013, Adrien De Van et Valérie Dassonville ont fait de ce lieu un incontournable de la création contemporaine pour les publics de tous âges. Poursuivant les missions de leur prédécesseur Patrick Gufflet tout en apportant leur regard, leur sensibilité sur une nouvelle génération d’artistes, sur des formes pluridisciplinaires, ils ont ancré le théâtre dans un présent en constante évolution. 

© Louise Arnal

Adrien De Van : Avant de parler d’identité, il est important d’évoquer le fait qu’il a fallu du temps pour installer notre projet dont le principal axe était de décloisonner les créations jeunesse. Bien sûr, Joël Pommerat, qui était souvent invité par la mandature précédente, avait ouvert la voie, mais clairement la création jeunesse était encore à l’époque peu présente dans les programmations et dans les lieux. Elle était souvent cantonnée à un traitement plutôt pédagogique. Imposer la création pour le jeune public, montrer sa richesse, son foisonnement n’a pas été une mince affaire. D’autres nous ont suivi, puis les artistes s’en sont emparé de manière plus générale, ce qui a permis de voir évoluer le public, mais aussi les professionnels sur ce type de spectacle. Ce qui nous a aidé, c’est qu’à notre arrivée le théâtre venait à peine de rouvrir, après un an de fermeture. Cela nous a permis de repartir de zéro. Toutefois, il a fallu trois ans pour la que machine trouve son rythme et que l’on puisse commencer à prendre des risques artistiques, d’aller chercher des équipes moins connues et présenter des propositions extrêmement variées et peut être plus complexes. Mais malgré la crise liée à la covid qui a fragilisé tout le secteur, nous avons réussi à rendre le lieu plus solide, à rénover la grande salle, en faire un outil performant en capacité d’accueillir des projets fous, comme Tom Na Fazenda, qui a fait carton plein durant les quatre semaines d’exploitation. 

Tom na fazenda d'Armando Babaioff et Rodrigo Portella ©Victor Novaes
Tom na fazenda d’Armando Babaioff et Rodrigo Portella ©Victor Novaes

Valérie Dassonville : Autre chose très importante, au fil des ans, nous avons pu observer un rajeunissement des publics. Aujourd’hui, plus de cinquante pour cent des spectateurs que nous accueillons ont moins de trente ans. Cela faisait partie du projet et on est très heureux d’y être arrivé. Cela montre aussi l’intérêt du public pour des formes scéniques variées. Par ailleurs, il est important de rappeler que nous souhaitions faire du Paris-Villette une scène contemporaine de la jeunesse en développant, par la programmation notamment, les enjeux de ce type de création tout en faisant évoluer notre rapport au public. L’exemple le plus frappant est le fait que nous proposons très peu de représentations scolaires afin de privilégier les représentations tout public et ainsi mettre l’accent sur un public familial. De manière expérimentale, nous avons mis un place Passerelles, un projet qui travaille sur la pratique autonome des jeunes spectateurs et vise à accompagner un public adolescent ou jeune adolescent dans une pratique artistique, une pratique de spectateur de théâtre, comme serait celle d’un public individuel, comment déscolariser la rencontre avec le lieu et l’œuvre. Nous avons mené cette action culturelle durant deux ans en interne, ici au Paris-Villette. Depuis nous nous travaillons avec six autres lieux partenaires, dont la Comédie-Française qui souhaitait diversifier la relation à destination des jeunes. Cela a permis aussi d’obtenir de nouveaux financements, pour consolider l’outil théâtre. 

Adrien De Van : il ne faut pas oublier que le fait d’être au cœur du parc de la Villette dans un bâtiment historique à l’architecture remarquable oblige à nous adapter. Nous n’avons pas une grande jauge, à peine 220 places. C’est aussi pour cette raison que nous nous sommes assez rapidement positionnés comme un lieu intermédiaire pour les artistes, entre la Loge à l’époque et le théâtre de la Ville. C’est-à-dire un lieu de passage pour des artistes entre l’émergence et une forme de reconnaissance, d’affirmation d’un style. C’est beau de voir qu’à l’occasion des dix ans de notre arrivée ici le bilan de notre action a permis à toute une génération d’artistes de se faire un nom, dont certains sont maintenant sur le devant de la scène, comme Justine Heynemann, Camille BernonSimon Bourgade ou Pauline Bureau qui ont été invités à créer à la Comédie-Française. Mais aussi comme Johanny Bert, qui a fait sa première création pour le très jeune public, ici, comme Simon Gauchet, dont nous avons choisi de présenter le spectacle L’Expérience de l’arbre à l’occasion de notre fête d’anniversaire, ou Simon Falguières repéré à Avignon avec sa pièce-fleuve de douze heures. Ce brassage participe aussi au dynamisme du public. 

Ma couleur préférée de Ronan Chéneau  - Mise en scène de David Bobée © Arnaud Bertereau
Ma couleur préférée de Ronan Chéneau, mise en scène de David Bobée © Arnaud Bertereau

Valérie Dassonville : La première rencontre avec un artiste se fait en général autour d’un spectacle pour lequel nous avons eu un coup de cœur. Après, il arrive que certains metteurs ou metteuses en scène plus confirmés viennent vers nous car ils ont envie de s’essayer à des spectacles pour le jeune public. Ce fut le cas, il y a deux ans, pour David Bobée, que nous étions heureux d’accueillir. Mais clairement, avec Adrien, nous avons des sensibilités communes, des affinités électives qui font qu’on finit toujours par programmer des artistes plus que des spectacles, en acceptant qu’il y ait parfois des ratés, que tout ne soit pas parfait, qu’il y ait des défauts. C’est aussi cela le rôle du théâtre public. 

Adrien De Van : Oui, c’est aussi notre identité, notre volonté de rester un lieu intermédiaire avec ses fidélités, ses enthousiasmes, mais aussi ses publics de tout âge. Pour certains de nos spectateurs, qui ont quinze ou seize ans, c’est la première fois qu’ils viennent au théâtre, c’est donc important qu’ils trouvent un lieu convivial, un lieu qui ne fasse pas institution, un lieu de rencontres avec des artistes mais aussi des esthétiques. Il est crucial que dans le choix des spectacles nous leur offrons, il y ait toujours un renouvellement. D’où l’importance de continuer à être curieux, à aller à la découverte de nouvelles formes, et à permettre grâce au Grand Parquet d’accueillir en résidence des artistes émergents. Toutefois nous n’avons pas de mission de production. Les budgets alloués par nos tutelles ne nous le permettent pas. Nous avons dû trouver de nouvelles voies de financement pour développer cette activité-là. 

Valérie Dassonville : N’ayant pas forcément les moyens de produire, nous avons décidé d’assumer le choix de valoriser les répertoires des artistes et de leurs équipes. C’est-à-dire que si un spectacle nous a plu, et même s’il déjà joué ici, dans un autre théâtre parisien ou en proche banlieue, nous n’hésitons pas à le reprogrammer. Quand une œuvre est belle, il est important qu’elle soit visible pour le plus grand nombre. C’est dans cette idée que nous avons décidé de présenter l’an prochain Pour un temps sois peu de Laurene Marx, alors que ce spectacle s’est déjà joué au Théâtre de Belleville pendant plusieurs semaines. Il nous semblait important de permettre à d’autres personnes de le voir en lui offrant un second temps d’exploitation.

L’Expérience de l’Arbre de Simon Gauchet © Louise Quignon
L’Expérience de l’arbre de Simon Gauchet © Louise Quignon

Valérie Dassonville : Cela permet de diversifier les portes d’entrée au théâtre, ainsi que la programmation. Dans le cas de Vis-à-Vis, festival de la création en milieu carcéral, nous préparons actuellement la cinquième édition. Nous avons pu mesurer l’importance de ce temps fort, notamment car il fait des émules dans d’autres régions de France comme en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, en collaboration avec la scène nationale Chateauvallon-Liberté à Toulon. C’est très spécifique car dans ce cadre nous dépendons à la fois du ministère de la Culture et de celui de la Justice, et que l’administration pénitentiaire est sectorisée par Interrégion. Cela nous demande de nous adapter et de travailler au cas par cas. C’est d’ailleurs pour déployer plus largement le concept de cette biennale que j’ai fait le choix de quitter la direction du Paris-Villette pour m’occuper des développements de ce projet vers d’autres territoires.

Adrien De Van : Nous avons tendance à sortir du cadre et d’élargir nos idées à d’autres territoires. C’est aussi le cas de Génération A, une biennale qui valorise la nouvelle scène chorégraphique d’Afrique. Depuis l’an dernier, nous essayons tant que faire se peut que les artistes que nous accueillons tournent en France, mais aussi en Europe. Ainsi, un certain nombre de spectacles que nous avons présentés cette année vont se jouer à Londres. Pour Spot, c’est encore différent. À la base, le festival avait lieu au printemps, mais ce n’était pas très efficient, notamment car à cette période les programmations des théâtres pour la saison suivante sont déjà finalisées. Il y avait donc peu de retombées pour les artistes, alors on a fait le choix de le déplacer en ouverture de saison. Nous avons aussi développé La Couveuse, un dispositif d’accompagnement des nouvelles écritures scéniques pour la petite enfance  avec quatre autres lieux : le Théâtre Nouvelle Génération à Lyon, le Théâtre Molière à Sète  et le Théâtre Am Stam Gram à Genève. Ce dispositif nous permet, tous les deux ans, de mettre l’accent et des moyens plus importants sur le projet lauréat.

Adrien De Van : Je ne sais pas. Peut-être de continuer à prendre plaisir à ce que l’on fait, à développer les actions hors-les-murs, à aller toujours et encore à la rencontre de nouveaux artistes, de poursuivre le déploiement sur le territoire et le consolidement de nos projets comme Passerelles, Vis-à-Vis ou Génération A. 


Théâtre Paris-Villette 
211 Avenue Jean Jaurès
75019 Paris

 

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