Agathe Royale de Jean- Jean-Benoît Patricot - Mise en scène de Christophe Lidon © Cyrille Valroff
Création d' "Agathe Royale"

Catherine Jacob sublime Agathe Royale

Au Théâtre des Gémeaux-Avignon, mise en scène par Christophe Lidon, Catherine Jacob incarne «Agathe Royale» de Jean-Benoît Patricot.

Agathe Royale de Jean- Jean-Benoît Patricot - Mise en scène de Christophe Lidon © Cyrille Valroff

L’auteur Jean-Benoît Patricot et le metteur en scène Christophe Lidon aiment le théâtre et les actrices. Avec Agathe Royale, ils rendent hommage aux grandes comédiennes qui font vibrer les planches et nos cœurs, et offrent à Catherine Jacob un rôle à la mesure de son talent. Un bijou !

© Cyrille Valroff

Nous avions découvert avec émerveillement Agathe Royale au Cado, le Centre national de création d’Orléans que Christophe Lidon dirige depuis huit ans. Ce spectacle clôturait la saison 22-23. Avec pour sujet le théâtre et, pour reprendre le titre de la biographie de Jean-Pierre Miquel, Ces animaux étranges que sont les actrices et acteurs, cette pièce trouvera toute sa place au Festival Off d’Avignon, dans cet instant magique où tous les amoureux de l’art dramatique convergent vers la cité des Papes transformée en cité du théâtre.

Une diva haut en couleur
Agathe Royal © Cyrille Valroff
© Cyrille Valroff

Qui est Agathe Royale ? Une prima donna, une « légende vivante, de toutes les grandes scènes des théâtres parisiens et du subventionné… » Ce soir, elle sera Médée. Pas celle des classiques, mais celle d’un auteur-metteur en scène contemporain ! Comme il faut faire du moderne, le spectacle démarre par une vidéo, tournée en direct, où l’on voit la vedette se préparer dans la loge. L’idée étant que cette caméra ne la lâche jamais durante toute la pièce. Un procédé très prisé qui fera dire à la comédienne, dans un accès d’agacement, « on n’est pas à la télé ! ».

La vedette entre enfin sur scène, perruque blanche toute frisée, dans un costume de reine magnifique… suivie de près par celui qui joue son fils Médos, vêtu d’un exomide, une tunique courte avec une épaule dégagée. Ils enchaînent les répliques d’un texte qui semble tout de suite « bien bavard ». Une petite série d’accidents, comme il en arrive tant au théâtre (retardataire bruyant, toux intempestives, papiers de bonbons et, le pire de tout, sonnerie de téléphone), va perturber la concentration de la comédienne, jusqu’à lui en faire perdre le fil de son texte. La coupe est pleine, c’est terminé : elle ne jouera pas !

La grande Catherine

Au lieu d’entendre la pièce, les spectateurs auront le droit à une sorte de confession intime dans laquelle la prima donna va dévoiler les faces cachées de son monde intérieur. Devant la panique de son compagnon de jeu, elle se fait rassurante à sa manière : « T’occupe pas des spectateurs, ils ne sont là ni pour toi, ni pour cette nouvelle version de Médée. Ils sont là pour moi ! » Jean-Benoît Patricot, auteur entre autres de Pompier(s), de Darius et de L’Aquoiboniste, nous sert alors une belle œuvre sur le métier d’actrice et d’acteur. L’une est au fait de sa gloire, l’autre à ses balbutiements. En imaginant ce personnage que Cocteau qualifierait sans soucis de « monstre sacré », et Dubillard de « sacré monstre », il trace le portrait d’une artiste grandiose qui cache des fêlures de femmes bouleversantes. On n’arrive pas à ce niveau sans concessions avec la vie !

Ce rôle sied à merveille à Catherine Jacob. Comme dans Madame, le monologue de Rémi De Vos, en belle orfèvre, la comédienne irradie dans ce texte qui semble écrit sur mesure pour elle. Sans jamais tirer le trait, elle laisse les émotions envahir le plateau lorsqu’il le faut, le rire quand il est nécessaire. On retrouve en elle toutes ses grandes Mademoiselle du théâtre qui ont inspiré l’auteur : Maillan, Feuillère, Casarès, Gense… Sur le plateau, on sent aussi qu’il existe entre elle et Christophe Lidon une belle complicité, et cela depuis Le fil à la patte. La comédienne est ici au sommet de son art. Comme son personnage, elle possède « le fameux sourire mouillé » qui n’est autre qu’« une façon de sourire dans les larmes ».

La toge lui va si bien
Agathe Royale © Cyrille Valroff
© Cyrille Valroff

L’épatant Brice Hillairet donne une belle naïveté au jeune comédien trop heureux de jouer avec celle qui, sans le savoir, l’a toujours guidé dans sa vie. Le garçon est un fan : il connaît tout d’elle, jusqu’à faire un transfert affectif sur son icône. Ce petit Puck malicieux a plus d’un tour dans son sac pour amener la diva dans ses retranchements et tenter de lui rendre le goût de jouer. Ensemble, ils vont interpréter les répliques de la vie, mais également des textes de Molière (L’école des femmes), de Racine (Phèdre), évoquer le fameux Paradoxe du Comédien de Diderot, et ainsi retracer l’histoire du théâtre. Leur duo fonctionne parfaitement.

La mise en scène de Christophe Lidon est un petit chef-d’œuvre. De la direction d’acteur à la scénographie, tout y est soigné et beau. Rien n’est laissé au hasard, dans les ruptures comme dans les déplacements. Avec lui, le théâtre dans le théâtre prend sens, comme c’était le cas dans son excellent spectacle Dom Juan – Répétition en cours. Il nous offre ainsi un grand moment de bonheur, comme on les aime.

Marie-Céline Nivière

Agathe Royal de Jean-Benoît Patricot
Festival Off Avignon
Les Gémeaux
10, rue du Vieux Sextier
84000 Avignon.
Du 7 au 29 juillet 2023 à 14h55, relâche les mercredis 12, 19 et 26 juillet.
Durée 1h20.

Mise en scène et scénographie de Christophe Lidon.
Assistante mise en scène Valentine Galey.
Avec Catherine Jacob et Brice Hillairet.
Costumes de Chouchane Abello-Tcherpachian.
Musiques de Cyril Giroux.
Lumière de Cyril Manetta.
Vidéo de Léonard.

Texte paru aux Éditions du Cygne.

Bande annonce Agathe Royale ©Cado d’Orléans
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