Il n'y a pas de Ajar @ Almaïm
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Delphine Horvilleur et Johanna Nizard, une union brillante autour de Gary et la question identitaire

S’inspirant brillamment de l’œuvre de Romain Gary, la rabbin Delphine Horvilleur nous offre avec «Il n’y a pas de Ajar» un grand moment de théâtre, porté par l’exceptionnelle interprétation de Johanna Nizard.

GaryAjar est sans doute l’une des plus belles entourloupes de l’histoire de la littérature. Le 2 décembre 1980, Romain Gary, ayant décidé qu’au delà de cette limite, son ticket n’était plus valable, se tire une balle dans la bouche. Ce jour-là, on découvre alors qu’il vient de commettre un suicide collectif ! En se tuant, il a aussi trucidé son pseudonyme, Émile Ajar.
Cette mystification finement menée démontre, selon Delphine Horvilleur, « qu’on n’est pas que ce que l’on dit qu’on est, qu’il existe toujours une possibilité de se réinventer par la force de la fiction et la possibilité qu’offre le texte de se glisser dans la peau d’un autre ». Il n’y a jamais de hasard dans la vie : en créant Ajar, Gary s’est offert plus qu’un deuxième Goncourt, il s’est libéré de ses carcans. Et il a surtout prouvé qu’il était un grand écrivain, tenant La promesse de l’aube faite à sa mère.

Il n'y a pas de Ajar ©Marie-Laure Aldigé
© Almaïm
« Tu es un garçon très intelligent, très sensible, trop sensible même. J’ai souvent dit à Madame Rosa que tu ne seras jamais comme tout le monde. »

Le spectacle démarre sur un grand éclat de rire moqueur : celui d’un jeune adolescent entendant l’annonce à la radio de la mort de Gary, puis la voix de Bernard Pivot dévoilant qu’il était Ajar. Ça le fait marrer parce qu’il connaît bien l’histoire.

Le jeune est Abraham Ajar, « le fils d’Émile Ajar, fils d’un père fictif, enfant d’un livre ». Enfermé dans son « trou juif », pas très loin de Madame Rosa, le môme de La vie devant soi regarde le monde extérieur avec stupéfaction. De son accent parigot, il égrène des réflexions pertinentes sur l’identité. « Es-tu l’enfant de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ? Es-tu sûr de l’identité que tu prétends incarner ? » Et puisqu’il se nomme Abraham, nom biblique plein de sens, il s’interroge sur la filiation avec nos ancêtres, sur Dieu, père originel de l’humanité, et sur ce que les hommes en ont fait. Finalement, une identité est une chose tout à fait relative.

« L’ironie est toujours une bonne garantie d’hygiène mentale. »
Il n'y a pas de Ajar ©Marie-Laure Aldigé
© Almaïm

Delphine Horvilleur connaît son sujet, et c’est pour cela qu’elle peut l’aborder avec cette formidable « capacité de lecture du monde » qu’est l’humour ! Et les gagnants dans cette catégorie sont les Juifs, rois depuis la nuit des temps de l’autodérision. Ce style et ce ton particulier rayonnent sur le texte. Ce qui fera ronronner de plaisir les fans de Gary, dont nous sommes. Les nombreuses références à l’œuvre de celui qui appartenait à la race des Clowns lyriques, comme à celle des Enchanteurs, sont distillées subtilement tout au long du récit d’Abraham. Cet exercice littéraire est brillamment mis au service d’une réflexion pertinente sur notre condition humaine.

S’appuyant sur une scénographie aux couleurs d’outre-tombe, où les jeux de miroirs ne cessent de refléter des images déformées, Arnaud Aldigé et Johanna Nizard signent une mise en scène d’une grande puissance scénique. Ainsi, le cheminement en zigzag de la pensée d’Abraham nous parvient sans trop d’encombres… même si l’on reconnaît que certains puissent s’y perdre. En tout cas, il y a unanimité sur la qualité exceptionnelle de l’interprétation de Johanna Nizard. Ses étonnantes métamorphoses physiques sont prodigieuses.

Créé en septembre 2022 aux Plateaux Sauvages, le spectacle s’est joué dès le début à guichets fermés. C’était également le cas pour sa prolongation en octobre et sa reprise au Rond-Point, en décembre. Après une nomination bien méritée aux Molières, il revient en ce mois de mai pour quelques dates. Dépêchez-vous avant qu’il n’y ait plus de places disponibles… Sinon, rassurez-vous : il est dit qu’il sera repris à la rentrée dans un grand théâtre Parisien.

Marie-Céline Nivière

Il n’y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur
Les Plateaux sauvages
5 rue des Plâtrières
75020 Paris.
Du 24 au 28 septembre 2024
Durée 1h15

Tournée 2024-2025
8 octobre 2024 au Théâtre d’Aurillac 
10 et 11 octobre 2024 à L’Estive, Scène nationale de Foix et de l’Ariège
15 octobre 2024 à Enghien les Bains
26 et 27 novembre 2024 au Théâtre de Cornouaille, Scène nationale de Quimper
10 au 28 décembre 2024 au Théâtre de la Concorde (Ex Espace Cardin – Paris)
10 janvier 2025 au Théâtre François Ponsard, Vienne
17 janvier 2025 au Théâtre du Château, Eu
21 janvier 2025 à La Comète, Scène nationale de Châlons-en-Champagne 
23 et 24 janvier 2025 à L’Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône
29 janvier 2025 au Théâtre Molière, Scène nationale archipel de Thau, Sète
31 janvier 2025 au Théâtre de l’Usine, Saint-Céré
3 février 2025 Le Cratère, Scène nationale d’Alès
6 et 7 février 2025 à L’Archipel, Scène nationale de Perpignan
15 février 2025 au Centre Culturel d’Uccle, Belgique
26 au 28 février 2025 au Théâtre National de Nice


Festival Off Avignon 2024.
11 – Avignon
11 boulevard Raspail
84000 Avignon.
Du 2 au 21 juillet 2024 à 17h15, relâche les lundis.
Durée 1h15.


Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin
75018 Paris.
Du 1er septembre au 1er octobre 2023.

Les Plateaux Sauvages
5 rue des Plâtrières
75020 Paris.
Du 15 au 26 mai 2023.

Mise en scène d’Arnaud Aldigé et de Johanna Nizard
Avec Johanna Nizard.
Collaboration artistique à la mise en scène de Frédéric Arp.
Conseil dramaturgique de Stéphane Habib.
Regard extérieur d’Audrey Bonnet.
Scénographie et création lumière de François Menou.
Maquillage et perruques de Cécile Kretschmar.
Costumes de Marie-Frédérique Fillion.
Création sonore de Xavier Jacquot.

© Théâtre de l’Atelier

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