Comment avouer son amour quand on ne sait pas le mot Pour le Dire ? de 114 Cie / Nicolas Petisoff & Denis Malard - Festival Mythos © Nico M

Mythos 2023, une question d’amour 

Pour sa 26e édition, Mythos parie sur des histoires de filles, des histoires de gars, et met à l'honneur le fringant Nicolas Petisoff.

Comment avouer son amour quand on ne sait pas le mot Pour le Dire ? de 114 Cie / Nicolas Petisoff & Denis Malard - Festival Mythos © Nico M

Pour sa 26e édition, Mythos parie sur des histoires de filles, des histoires de gars, des rencontres qui chamboulent, des regrets qui pèsent lourds, des moments de partage, des déclics qui libèrent. En accueillant les dernières créations de la a fringante 114Cie, portée par Nicolas Petisoff et Denis Malard, et de l’étonnante Laureline Le Bris-Cep, l’équipe du festival fait la part belle à la différence, à la tolérance, à l’ouverture sur d’autres modèles possibles. 

© Nico M

Au théâtre de l’Aire libre de Saint-Jacques-de-la-Lande, il y a foule en ce soir de première. L’enfant du pays, si on peut dire, tant ce limougeaud, s’est fondu dans le décor, est devenu un vrai breton, depuis son installation à Rennes en 2008, Nicolas Petisoff présente sa deuxième pièce. Poursuivant le récit de sa vie entamé avec Parpaing en 2019, l’auteur, comédien et metteur en scène, questionne son identité queer, à travers trois histoires autobiographiques, fictionnelles ou totalement fantasmées : celle de la sœur de son mari, celle de sa meilleure amie et la sienne. Attention, les oreilles, ça dépote, ça fait fi de toute pruderie. Ici, une chatte est une chatte, un PD, un PD. 

C’est quoi l’amour ? 
Comment avouer son amour quand on ne sait pas le mot Pour le Dire ? de la 114 Cie - Nicolas Petisoff & Denis Malard © Nico M

Hybridant les arts, passant de la vidéo à la scène, Nicolas Petisoff et son compagnon de travail, Denis Malard, convient le public à partager ses interrogations, à la manière de dire je t’aime à l’autre, quand on est différent, quand on a peur d’être rejeté, quand on a du mal à assumer son genre, son identité sexuelle. Façon réunion des Alcooliques Anonymes, ils invitent une partie des spectateurs sur scène. Avec ses comparses au plateau, Emmanuelle Hiron et Leslie Bernard, le comédien offre le café, le thé, un gâteau. En toute convivialité, il chauffe la salle, la met dans sa poche. Les lumières ne sont pas éteintes, les téléphones sont encore allumés, que déjà on est dans le vif du sujet. 

Less prend la parole au débotté, elle a tout de la Lolita totalement perdue dans sa jeune vie. Elle a des aventures, mais pas de « crush ». Il faut dire que la sexualité est entrée de manière brutale dans sa vie. Jours de pluie au collège, c’est au sous-sol qu’elle et ses potes se retrouvent à chaque fois. Comme on s’ennuie, on s’amuse. À cet âge, on aime bien action ou vérité, ça permet de tester l’autre. Ce n’est qu’un jeu entre enfants du même âge. Alors si les garçons aiment bien mettre leur sexe dans la bouche des filles, ce n’est pas bien grave, même s’il n’y a pas de réel consentement. Ça conditionne par contre. Comment aimer après ça ? Comment se respecter, croire en soi ? Il faudra du temps, un regard, un sein chaud qui effleure un bras lors d’un concert, pour qu’enfin, il y ait une étincelle pour que le cœur de Less s’embrasse.

LGBTQIA+, le dire c’est déjà beaucoup
Comment avouer son amour quand on ne sait pas le mot Pour le Dire ? de la 114 Cie - Nicolas Petisoff & Denis Malard © Nico M

Manu, elle est lesbienne. Elle l’a toujours su. Les Barbies, les robes, les cheveux longs, ce n’est pas pour elle. C’est pour les autres. Elle, elle veut un mariage, elle veut épouser sa princesse en meringue blanche, tout le tintouin, mais soyons clair, c’est elle qui mène la danse, qui est en pantalon. L’amour, elle l’a connu à la fac. Sa meilleure amie, sa coloc, entre elles, c’est la passion, le feu, la folie des corps, la connivence intellectuelle. Leur bible c’est King Kong Théorie de Despentes. En dehors de cela, point de salut. Elles sont raccord. Mais le désir d’enfant va tout changer. Manu laisse filer sa belle, recouler avec un mâle blanc, sympa au demeurant ouvert et plutôt cool et détendu du genre. La Vie est ainsi, il y a des obstacles. Optimiste, Manu, la quarantaine trace sa route. 

Nico, leur pote, lui, c’est le bon gars. Tout le monde l’aime, il est drôle, sensible, serviable. Le gendre idéal, en quelque sorte. Sauf que voilà, ce n’est pas les filles qui le font triper, ce sont les barbus, les tatoués. Mais comment l’avouer quand tu as été élevé dans la sacro-sainte éducation judéo-chrétienne, que tu as peur que tes potes ne te comprennent pas et croient que si t’es sympa c’est pour les mater, les sauter. Il faut du temps pour s’affirmer, hurler au monde, « Moi, je suis PD, fier de l’être et si ça vous emmerde, si ça vous déplait, ben c’est pareil et je vous emmerde. »

Du réel fictionnel 

Avec tendresse, humeur et sensibilité brute, Nicolas Petisoff enfonce quelques portes ouvertes, en entrouvre d’autres. Heureux, épanoui, enfin libre, il lâche la bride à la bien-pensance, se fait plaisir et nous entraine dans le tourbillon des premiers émois, dans la fièvre folle, furieuse, enivrante que réveille au plus profond de l’être le regard de l’être aimé, la chaleur qui parcourt l’échine, fait des chatouilles au creux du ventre. Hétéro, homo, gay, lesbienne, etc. , tout le monde a droit à sa part de bonheur, à vivre comme il l’entend, à rouler des pelles dans la rue à sa moitié qu’elle soit de même ou de l’autre sexe. La norme change, évolue. À tous de s’adapter parce qu’un pays qui ne donne pas les mêmes droits à tous ses citoyens, qui hiérarchise en fonction de l’identité, de la sexualité, ne peut être celui des droits de l’Homme et ne peut afficher Liberté, Égalité et Fraternité sur le fronton de ses institutions…

La soirée se continue au parc du Thabor pour les uns, pour grignoter, partager et surtout écouter les concerts de La Femme et d’Ojos, pour les autres, direction La Parcheminerie, découvrir Lettre à moi (plus tard) de Laureline Le Bris-Cep. Encore fragile, ce « presque » solo n’a pas encore trouvé son rythme, son ton, sa plume, malgré de belles fulgurances et la très habitée et lumineuse performance de la comédienne, qu’on avait découverte en 2017 dans Non ce n’est pas ça ! du collectif Le Grand Cerf Bleu et dans Ctrl-X, solo taillé sur mesure par Cyril Teste. Il n’y a pas à dire le Festival Mythos, c’est quand même de la balle ! 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Rennes 

Festival Mythos
Parc du Thabor
56000 Rennes

Comment avouer son amour quand on ne sait pas le mot Pour le Dire ? de Nicolas Petisoff
114 Cie / Nicolas Petisoff & Denis Malard
Concepteur – Nicolas Petisoff
Collaborateur artistique, régisseur général – Denis Malard
Assistante à la mise en scène – Camille Lockhart
Avec Leslie Bernard, Emmanuelle Hiron et Nicolas Petisoff
Avec la participation de Hedda Gauchard, Céline Malard-Béquin et Raphaël Mathieu
Voix off – Béatrice Dalle
Compositeur – Guillaume Bertrand
Avec la participation du groupe Alberville et la voix d’Anaïs Blanchard
Création lumière – Stéphane Babi Aubert
Régie lumière – Baptiste Michel
Construction – François Aubry
Costumes – Marie La Rocca

https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=tUDFgEQYGrg
teaser de Comment avouer son amour quand on ne sait pas le mot Pour le Dire ? © 114Cie
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