En travers de sa gorge de Marc Lainé © Christophe Raynaud de Lage

Marc Lainé aux frontières du réel 

À la Comédie de Valence, dont il est le directeur depuis janvier 2020, le metteur en scène ouvre la saison avec En travers de sa gorge, le dernier volet de sa trilogie fantastique. Entremêlant réalité surnaturelle, folie et ésotérisme, Marc Lainé tisse des récits de vie troublants, des épopées haletantes. 

En travers de sa gorge de Marc Lainé © Christophe Raynaud de Lage

À la Comédie de Valence, dont il est le directeur depuis janvier 2020, le metteur en scène ouvre la saison avec En travers de sa gorge, le dernier volet de sa trilogie fantastique. Entremêlant réalité surnaturelle, folie et ésotérisme, Marc Lainé tisse des récits de vie troublants, des épopées haletantes. 

Dans une maison isolée au cœur du Vercors, Marianne (Marie-Sophie Ferdane, tout en fragilité et retenue) et son conjoint, Lucas Malaurie (troublant Bertrand Belin), semblent couler des jours heureux. Elle est réalisatrice connue et reconnue, il est prof de fac à Valence. Le tableau a tout d’idyllique. Mais derrière la photo du bonheur, qu’un gros plan fixe projette en 4 par 3 sur l’écran qui surplombe la scène, les premières fissures apparaissent. Les reproches, les doutes, les non-dits hantent leurs conversations. L’amour ne suffit pas. En un rien de temps, leurs vies vacillent. 

Étrange disparition 
En travers de sa gorge de Marc Lainé © Christophe Raynaud de Lage

Un jour comme les autres, Lucas s’évanouit dans la nature, s’éclipse du monde sans laisser de traces. Des mois durant, recluse dans ses souvenirs, Marianne rumine, se mortifie en s’éloignant du monde. Parcourant les sentiers qui sillonnent ce qui fut leur foyer, rongeant ses angoisses, elle cherche désespérément à comprendre. Fantasmant leur passion, leur couple, elle ne peut se résoudre à l’inévitable et funeste vérité. Prête à tout, elle, si cartésienne, si pragmatique, finit par croire à l’improbable, à l’art médiumnique, à la possibilité de parler aux disparus à travers le corps d’un autre. Entre mystification et réalité, au spectateur de démêler le vrai du faux, à croire ou non à la transcendance de l’amour, le vrai, l’ardent, le pur. 

Thriller fantastique à tiroirs 

Continuant sur la veine de la fable surréaliste et poursuivant son exploration des univers parallèle, Marc Lainé surfe sur nos croyances mystiques. Décalant d’un cran le plausible, le crédible, il s’insinue dans l’intimité d’une femme en proie aux doutes et à la culpabilité, prêt à tout pour sa rédemption, expier ses fautes. Plume poétique, imagination foisonnante, il entraîne le public aux frontières du réel. Moins poétique, plus ésotérique mais aussi plus prosaïque que sa précédente création, le fascinant Nosztalgia ExpressEn travers de sa gorge déconcerte, déroute tant la trame multiplie les pistes, les chausse-trappes, les chemins de traverse. S’appuyant sur une troupe épatante, le très imaginatif metteur en scène, qui est aussi un excellent conteur, n’a pas son pareil pour rattraper au détour d’un geste, d’une phrase, d’une situation, l’attention égarée du spectateur. 

Un spectacle très technique 
En travers de sa gorge de Marc Lainé © Christophe Raynaud de Lage

Au fil de ses œuvres, Marc Lainé nous a habitué à conjuguer avec talent théâtre, vidéo, musique, danse et traitement particulier du son. Il passe ici encore une étape dans l’hybridation des arts. Plus que des accessoires, les caméras viennent seconder le propos, être une des clés de compréhension de cette épopée fantastique. Microtés, les comédiens naviguent dans un espace contraint où chaque respiration, chaque souffle sont captés et amplifiés, donnant à l’ensemble une mystérieuse étrangeté. Encore fébriles et concentrés sur la technique, les comédiens n’ont pas, en ce soir de première, donné tout ce qu’ils ont sous le pied. Mais déjà, se profilent de prometteuses incarnations. Sorti du TNS en 2019, Yanis Skouta, déjà remarqué dans Mont Vérité de Rambert et Mithridate de Racine, mis en scène par Éric Vigner, est la grande révélation de ce spectacle. Aux côtés d’acteurs chevronnés, comme Marie-Sophie Ferdane, toujours aussi vibrante, et Adeline Guillot, toujours aussi surprenante, il habite la scène d’une belle présence, d’une ténébreuse intensité, et joue avec finesse sur toute l’ambiguïté de son personnage. 

Manquant encore de fluidité pour totalement embarquer vers des contrées surnaturelles, En travers de sa gorge fait partie de ses œuvres dont on sent que la patine, le temps vont en bonifier les contours, en faire émerger l’essence homérique autant qu’ordinaire. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Valence 

En travers de sa gorge de Marc Lainé
La Comédie de Valence 
Place Charles-Huguenel 
26000 Valence
Jusqu’au 30 septembre 2022
Durée 2h15 environ

mise en scène et scénographie de Marc Lainé assisté de Cristèle Ortu
Avec Bertrand Belin, Jessica Fanhan, Marie-Sophie Ferdane, Adeline Guillot, Yanis Skouta
Avec la participation de Dan Artus, Thomas Gonzalez et de Laurie Sanquer, David Hanse, Farid Laroussi, Charles Rey
Musique originale de Superpoze
Lumière de Kevin Briard
Vidéo de Baptiste Klein
Son de Morgan Conan-Guez
Costumes de Benjamin Moreau
Stagiaire à la mise en scène – Antoine de Toffoli
Collaboration chorégraphique – I-Fang Lin
Collaboration à la scénographie – Stephan Zimmerli
Assistanat à la scénographie – Juliette Terreaux
Développeur vidéo – ann Philippe
Assistanat costumes – Dominique Fournier
Maquilleuse – Maléna Plagiau

Construction décor – Atelier MC2 : Grenoble ; Ateliers de la Maisondelaculture Bourges/Scène nationale

Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage

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