Marie-Julie Baup et Thierry Lopez adaptent et mettent en scène avec ingéniosité et virtuosité In the other worlds du dramaturge britannique Matthew Seager. Un conte d’amour en rose et noir qui fait battre un peu plus vite, un peu fort le cœur des spectateurs. 

Deux êtres s’aiment. La vie est belle. Jeanne n’a d’yeux que pour Arthur. Arthur ne voit que Jeanne. Leur complicité fait belle à voir, surtout quand, le matin, elle prend le temps de l’habiller. Remontant le fil de leur histoire d’amour, les deux amants revisitent leurs souvenirs, en comparent les détails, de leur rencontre dans une boîte de nuit jusqu’à l’oubli.

Amour, espoir et beauté

Elle est pétulante, charmante, souriante. Il est ténébreux, un peu barré, gentiment lourdingue, terriblement séduisant. Alors que la musique hurle dans les baffles, il s’approche d’elle, tente une technique de drague insolite, lui jeter un verre de vin à la figure. Tout aurait pu s’arrêter là. Une gifle et puis s’en va. Il n’en est rien, c’est tout de suite le coup de foudre, la passion. L’humour sauve tout. Et ils en ont à revendre. Pas banal, le couple, malgré leur vie rangée des voitures. Jeanne et Arthur croquent la vie à pleines dents, s’amusent de tout, ne se prennent pas la tête. Rien n’est grave, leur amour est plus fort que les tracas du quotidien, les petits défauts de l’autre. 

Des petites folies

Dans un écrin rouge aux mille tonalités grâce aux lumières de Moïse Hill, le tableau est idyllique. Les réminiscences de cette passion folle sont tellement belles à voir. On se laisse porter par l’union bohème de ces deux êtres lumineux. Trop peut-être, un événement va tout chambouler. Des petits riens, des oublis de-ci de-là, de toutes petites absences vont tout changer. La maladie s’installe, de légers troubles cognitifs viennent embrumer le quotidien. Pas de quoi s’inquiéter, quand l’amour est aussi fort, tout est surmontable. Ce ne sont que d’infimes étourderies, de détonants grains de folie qui éclairent aux mille couleurs la banalité. Ça a son petit charme. Mais jusqu’où le cerveau va-t-il dérailler ? La machine s’emballer ? Les souvenirs s’effilocher ? 

Une ode à la vie

Complice dans la vie et sur scène, le duo Marie-Julie Baup et Thierry Lopez est électrisant et envoûtant. On les aime de la première seconde jusqu’au clap de fin. Leur énergie, leur vitalité est un feu d’artifice d’humour, de tendresse, mais aussi d’émotions. On s’enchante, on s’émeut. À l’image de la vie, leur spectacle est une montagne russe où l’on passe du rire aux larmes. Véritable pépite du Off, Oublie-moi est une réussite à tous les points de vue — scénographique, scénique et dramaturgique. Une gourmandise à savourer sans aucune modération, un vrai et grand coup de cœur ! 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon

Oublie-moi de Matthew Seager.
Théâtre Actuel La Bruyère.
Reprise jusqu’au 30 mars 2024.
Du mardi au vendredi à 19h, le samedi à 18h30.
Durée 1h15.

Théâtre du Petit Saint-Martin
17 rue René Boulanger
75010 Paris.
Du 27 janvier au 1er avril 2023.
Du mardi au samedi 19h ou 21h, matinée samedi à 16h.

Festival Off d’Avignon
Théâtre Actuel 
80 rue Guillaume Puy
84000 Avignon
du 7 au 30 juillet 2022 à 11h55 – Relâches : 11, 18, 25 juillet 2022

Mise en scène, adaptation et interprétation de Marie-Julie Baup et Thierry Lopez
Costumes de Michel Dussarrat
Scénographie de Bastien Forestier
Lumières de Moïse Hill
Création sonore de Clément Leotard
Assistante mise en scène de Pauline Tricot

Crédit photos © Frédérique Toulet