Requiem de Kyle Abraham - Festival de Marseille © Peter Hönnermann

Festival de Marseille, un Requiem pour une résurrection 

À la Criée, Kyle Abraham ouvre le bal du Festival de Marseille en revisitant très librement le Requiem de Mozart.

Requiem de Kyle Abraham - Festival de Marseille © Peter Hönnermann

À la Criée, Kyle Abraham ouvre le bal du FdM en revisitant très librement le Requiem de Mozart. Conjuguant les grammaires et les écritures, entremêlant les styles du néo-classique à des danses plus urbaines, le chorégraphe star de la scène new-yorkaise signe une œuvre pop grand format pour tout public. 

Sur le vieux port, devant le CDN, la foule des grands jours se presse. Pour ce premier jour de festivité, le Festival de Marseille fait carton plein. Plus une place de libre, tout le ban et l’arrière-ban de la cité phocéenne s’est déplacé pour découvrir la programmation de Marie Didier, nouvellement nommée à la tête de l’institution. Robes chamarrées pour les dames, costumes ou shorts plus décontractés pour les messieurs, la salle bruisse des dernières conversations, applaudit impatiente que les retardataires s’installent, que le spectacle commence. 

Flamboyant phénix 
Requiem de Kyle Abraham - Festival de Marseille © Peter Hönnermann

Enfin le noir se fait. Les premières notes de la célèbre partition de Mozart s’élèvent et rompent l’éphémère silence. Le rideau s’ouvre laissant apparaitre en fond de scène un flamboyant soleil. Dans la pénombre des silhouettes se dessinent, immobiles, fantomatiques. Lentement, comme irrigués par la musique baroque, les corps se meuvent. Le rythme s’accélère, les gestes se font ronds, aériens. Les dix danseurs se laissent envahir, porter jusqu’à l’acmé, la mort de l’un d’entre eux. Puis d’une main tendue, d’un regard, la magie opère. Réanimé, l’homme à terre rejoint le groupe, reprend sa place dans le ronde. Débuté un festival par un Requiem est fort audacieux, mais la belle proposition de Kyle Abraham, mâtinée de sa culture afro-américaine, n’a rien de triste bien au contraire, il célèbre la vie au-delà du deuil et invite à une résurrection joyeuse des âmes en peine. 

Musique écorchée, lacérée, remixée par la détonante DJ Jerrylynn Patton

L’atmosphère baroque de ce préambule emporte le public vers les contrées des belles romances, vers Cythère, vers un dix-huitième siècle fantasmé, fait de danses de cour, d’apartés, de parades amoureuses. En un rien de temps, tout s’enraye. La partition déraille, les artistes sont pris de spasmes, la DJ Jerrylynn Patton a pris les platines en main et s’amuse à déconstruire l’œuvre du compositeur autrichien, à lui donner une dimension techno, house, jusqu’à la dissonance itérative. Trop tranchés, trop abrupts, les changements de styles sonores déconcertent, déconcentrent. Fini le songe version comédie musicale américaine, bienvenue dans une revue peps et hip-hop que portent à bout de bras, de corps les dix interprètes. Présences lumineuses, gestes précis, ils invitent à une balade entre rite, transe et « battles » urbaines et donnent vie à l’écriture très mainstream, très enlevée de Kyle Abraham

Le public marseillais ne s’y trompe pas. Sous le charme de ce Requiem : Fire in the Air of the Earthc’est debout qu’il acclame l’ensemble A.I.M, enfin reconcilié, heureux d’avoir assisté à une pièce de groupe qui met en lumières les talents de chacun et offre une belle vision de la scène new-yorkaise actuelle.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Marseille 

Requiem : Fire in the Air of the Earth
A.I.M by Kyle Abraham
Festival de Marseille
La Criée – Théâtre national de Marseille
30 Quai de Rive Neuve
13007 Marseille
Jusqu’au 17 juin 2022 
Durée 1h00

Chorégraphie de Kyle Abraham 
en collaboration avec A.I.M 
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart, Requiem in D Minor ; Jlin, Untitled 
Création lumière et son de Dan Scully 
Costumes de Giles Deacon

Crédit photos © Peter Hönnermann

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