Marie Didier - Directrice du Festival de Marseille. © DR

Marie Didier accoste au Festival de Marseille

Succédant à Jan Goossens, Marie Didier est depuis janvier 2022 à la tête du Festival de Marseille. Rencontre.

Marie Didier - Directrice du Festival de Marseille. © DR

Un vent nouveau, venu du Nord, plus exactement de Villeneuve d’Ascq, souffle sur la cité phocéenne. Succédant à Jan Goossens, Marie Didier est depuis janvier 2022 à la tête du Festival de Marseille, FdM pour les intimes. De juin à juillet, cet événement pluridisciplinaire, qui ouvre ses portes le 16 juin prochain, offre aux provençaux pas moins d’une trentaine d’événements. Rencontre. 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de quitter la région lilloise pour le Midi ? 

Marie Didier : J’ai déjà vécu à Marseille à plusieurs reprises et j’avais l’envie d’y retourner et de m’y installer. J’ai, depuis longtemps, un véritable amour pour cette ville au carrefour de multiples civilisations et polyculturelle. Quand l’annonce de recrutement est passée pour prendre la suite de Jan (Goossens) à la tête du festival de Marseille, ça été comme une évidence. D’autant que par mon parcours, que ce soit à la Rose des Vents ou au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, j’ai toujours été intéressée par le pluridisciplinaire, allant des écritures contemporaines avec le festival Dire, notamment, à de la danse, en passant par le cirque, la performance. Depuis de nombreuses années, j’ai aussi nourri mon regard en allant voir ailleurs sur des scènes étrangères ce qui se faisait. M’intéressant autant aux grandes formes qu’à celles plus modestes, j’ai essayé, à l’échelle de scènes nationales de développer cet éclectisme, qui est la grande force du FdM. Souhaitant depuis longtemps porter un grand et beau projet qui fait la part belle à la diversité, à l’altérité et à une culture du monde qui dépasse les frontières, j’ai postulé. Et me voilà installée depuis janvier 2022 à deux pas de la Cannebière, du Vieux-Port et de Vallon des Auffes. 

Quel projet souhaitez-vous défendre ? 
 into the open de Voetvolk FDM © Danny-Willems

Marie Didier : Il était important pour moi de poursuivre le travail entamé, de continuer à explorer les cultures d’ailleurs, à être en résonnance avec les bruits de la cité, d’initier un mouvement fédérateur, se fondre dans le territoire, aller à la rencontre des populations et puiser dans l’énergie incroyable de la ville. Son histoire, sa situation géographique, font d’elle un endroit pas du tout comme les autres. En décalage par rapport aux autres grandes métropoles européennes, elle s’est peuplée au rythme des exodes. Son attractivité, son ouverture sur le monde, ce tropisme fort, sont très stimulants, très inspirants. Par ailleurs, c’est une ville toujours en mouvement, une ville qui danse. Je souhaitais que ces différents aspects soient moteurs du projet. Par ailleurs, et cela, va dans le même sens, un des autres axes qui me tient à cœur est la question du corps dans les arts vivants. 

Quelle couleur voulez-vous donner au festival ?

Marie Didier : le plus évident, je crois, c’est le multiculturalisme, l’ouverture sur le monde, surtout après les deux ans de pandémie durant lesquels les frontières se sont fermées, la circulation s’est tarie. Et puis comme je l’ai déjà évoqué, j’aimerais renforcer les questions d’altérité, de diversité et de pluridisciplinaire. 

La programmation de cette 27e édition entremêle habilement valeurs sûres et artistes à découvrir. C’était pour vous important ? 

Marie Didier : C’est surtout une année de transition. Il a fallu monter la programmation en un temps très court. Si certains projets avaient déjà été engagés par l’équipe précédente, pour les autres, il y a eu tout un travail de prospection. Et puis, il était nécessaire qu’il y ait un équilibre entre pièces de grands chorégraphes et celles d’artistes émergents. Nous n’avons pas un budget extensible, il y a donc des choix à faire, mais je me suis imposée des règles afin d’offrir une vue d’ensemble de ce qui se fait aujourd’hui. Je reste persuadée qu’aujourd’hui la danse mérite, plus que jamais, d’être exposée dans ce qu’elle a de multiples, de varié, d’éclectique, de grandiose, de bouleversant. 

Justement, comment construit-on une saison ? 
Somnole de Boris Charmatz  FdM © Marc Domage

Marie Didier : J’ai commencé à réfléchir l’été dernier. On sortait à peine du confinement. C’était encore compliqué de voir des spectacles. Dans ces conditions, c’est très difficile d’imaginer, d’envisager une programmation. J’ai donc commencé par faire jouer mon réseau, à repenser aux artistes que j’ai croisés tout au long de ma carrière, ceux qui m’avaient touchée, émue, troublée, ceux que j’ai accompagnés dans les lieux que j’ai dirigés. Puis, je suis allée à la rencontre d’autres artistes, découvrir de nouvelles créations. Il y a eu aussi beaucoup d’échanges, beaucoup de discussions pour évaluer ce qui était envisageable, si les artistes, les troupes étaient disponibles. Le plus souvent ce qui ressortait, c’est à quel point la pandémie a fragilisé le secteur, l’a fracassé. La reconstruction va être lente. Et c’était aussi vital pour moi de les accompagner. Quelque part, étrangement, cela m’a laissé une grande liberté, que j’ai saisie. Marlène Monteiro Freitas n’était jamais venue à Marseille, qu’à cela ne tienne, elle sera là en juillet pour présenter Mal, sa dernière création. Olivier Dubois avait envie de remonter Tragédies avec une nouvelle troupe, je ne pouvais pas passer à côté et ne pas offrir ce moment aux festivaliers. En parallèle de cela, je souhaitais que le festival soit un moment joyeux, qu’il y ait des concerts, des bals. Que cette nouvelle édition soit une fête, qu’à côté des spectacles, il y ait une vraie ambiance, un esprit. 

Quels sont les grands fils conducteurs ? 

Marie Didier : La danse et le cirque sont le cœur palpitant du projet. C’est d’autant plus important que ce sont les disciplines qui ont le plus étaient touchées par le confinement. Impossible de répéter, de se toucher, alors que c’est l’essence même de ces arts. À terme, je rêve qu’une partie de la programmation, un quart, au moins, soit des projets créés au festival après un temps de résidence à Marseille. C’est le cas cette année avec la pièce Sabena d’Ahamada Smis. I y a aussi un gros focus, comme chaque année sur l’Afrique et particulièrement subsaharienne. J’avais envie de maintenir ce rendez-vous.

FdM est un festival rayonnant dans toute la cité phocéenne… 
dM 100% Afro, projet de Qudus Onikeku © Alice Brazzit

Marie Didier : En effet, cela fait partie de son identité, de son ADN, être un vecteur d’émotion de partage à travers toute la ville. Du coup, on a travaillé par enchaînement et par proximité pour permettre aux spectateurs d’aller d’un lieu à l’autre grâce aux transports en communs, sans courir, sans stress. D’une année sur l’autre, le Festival travaille avec les mêmes lieux, Le MUCEM, La Criée, La Friche, etc. La seule chose que nous n’avons pas réussi à développer, ce sont les événements sur la place publique. Nous n’avons pas eu le temps de les mettre en place, de demander les autorisations. Et j’aimerais que, dans les prochaines éditions, on développe les grandes créations en plein air. 

Quels sont les grands moments de cette édition ? 

Marie Didier :  c’est toujours difficile de répondre. Je dirais bien sûr, Mal de Marlène Freitas MonteiroSomnole de Boris CharmatzTragédies d’Olivier DuboisMailles de Dorothée Munyaneza, Into The Open de Voetvolk, avec l’étonnante Lisbeth Gruwez, mais il y aussi la première française de Requiem de Kyle Abraham, un chorégraphe new-yorkais nourri à la culture afro-américaine. Cette année, nous accueillons un projet participatif, avec le chorégraphe nigérian Qudus Onikeku, intitulé 100 % Afro. L’événement se passera en simultanée en direct et en ligne. Ce focus permet d’envisager à terme, des créations entre le réel et le virtuel, de mettre en relation des acteurs du spectacle vivant partout dans le monde, au même instant. C’est une manière politique, affirmée de dire qu’il est possible de produire des contenus qui ne soient pas immédiatement accaparés et monétisés par les grandes plateformes, les grands développeurs, les grands réseaux sociaux.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

Festival de Marseille
Du 16 juin au 9 juillet 2022

Crédit photos © DR, © Danny Willems, © Marc Domage & © Alice Brazzit

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