The Normal Heart de Larry Kramer © Virginie de Clausade

La lutte contre le sida s’invite magistralement au théâtre

Au théâtre de la Bruyère, après avoir triomphé au Rond-Point, Virginie de Clausade monte The Normal heart de Larry Kramer.

The Normal Heart de Larry Kramer, dans la mise en scène de Virginie de Clausade, créé avec succès en septembre 2021 au Théâtre du Rond-Point, revient au Théâtre La Bruyère. Cette excellente pièce coup de poing sur le Sida est à voir de toute urgence. C’est un devoir de mémoire !

Si s’aimer d’amour, C’est mourir d’aimer, Sont mourus d’amour, Sida Sidannés, Les damnés d’amour, À vouloir s’aimer, Ils sont morts d’amour, Sid’assassinés, chantait à regret Barbara en 1987. Plus de 36 millions de personnes sont mortes depuis que la maladie a été découverte en 1981 ! A ce jour, on le sait, pas de vaccin à l’horizon, et même si des traitements marchent aujourd’hui, si l’on sait comment se protéger, le virus court toujours. Alors, oui, plus que jamais, une pièce telle que The Normal Heart a sa place, pour rappeler la force de frappe de cette bombe qui a fait exploser bien des vies.

Auteur au cœur de l’épidémie

The Normal Heart de Larry Kramer  © Virginie de Clausade

Larry Kramer est un écrivain et scénariste américain. Nous le connaissons surtout parce qu’il est le fondateur d’Act-Up. Il avait une quarantaine d’années au début des années 1980, lorsque cette étrange maladie, que certains appelèrent le cancer gay, apparut et frappa aveuglément dans la communauté homosexuelle. Imaginez le désarroi de quelques-uns, des proches, qui ne comprennent pas les raisons du mal, mais également le désarroi des premiers médecins qui les accueillent, démunis, impuissants. Sa pièce relate les premières années (1981-1984) de l’épidémie que personne ne semblait comprendre et refusait d’en voir la dangerosité. 

Lutter contre l’indifférence 

Ned Weeks, qui n’est autre que le double de l’auteur, est un jeune écrivain homo qui, découvrant ce qui est en train de se passer, décide de réagir. Comment faire comprendre l’incompréhensible ? Lutter contre l’indifférence. C’est un homme en colère, depuis toujours. Il sait qu’il va falloir taper fort pour qu’enfin la communauté, les institutions, le monde admettent qu’il y a danger. Mais comment demander à des hommes et des femmes, qui luttent depuis des années pour conquérir le droit de vivre et d’aimer comme ils le souhaitent, de cesser de profiter de leur fragile affranchissement ? Ned Weeks s’indigne, met sa colère et son mauvais caractère au service d’un activisme sans concession, dénonce l’inaction, provoque des scandales médiatiques. Avec quelques amis, il fonde la toute première association dévouée aux malades, la Gay Men’s Health Crisis et met toute son énergie dans son combat. C’est passionnant et bouleversant.

Rarement monté en France

The Normal Heart de Larry Kramer  © Virginie de Clausade

Curieusement, cette très belle pièce, qui a connu un succès retentissant depuis sa création en 1985, n’a été montée qu’une fois en France. C’était en 1987, à l’espace Pierre Cardin, par Raymond Acquaviva, dans une adaptation de François Florent, avec ses élèves du cours Florent, dont Antoine Duverly. On ne peut donc que s’en étonner et surtout remercier Virginie de Clausade de nous la présenter aujourd’hui. Sa traduction est excellente. Les dialogues fusent. Nous tenant en haleine, enchaînant les tableaux avec une précision presque cinématographique, sa mise en scène est des plus vives.

Une troupe habitée, engagée 

Ned Weeks n’est pas un personnage facile à incarner. Le registre de la colère peut fatiguer l’écoute. Dimitri Storoge y est remarquable. Dans une grande sincérité de jeu et d’écoute, il matérialise toutes les palettes de sentiments que traverse son personnage. Le rôle du grand frère avocat, très à l’écoute bien qu’hétéro sexuel, le soir de notre venue était interprété avec une belle sensibilité par Mickaël AbiteboulJules Pélissier, en jeune homme amoureux patient de Ned qui mourra du Sida, est bouleversant. Sans jamais forcer le trait, Brice MicheliniAndy Gillet et Joss Berlioux, sont épatants dans leurs personnages pris dans la tourmente. Le seul rôle féminin est celui du docteur Emma Brooker. Vissée sur sa chaise roulante pour cause de polio, impuissante face à l’incompréhension des autorités, des malades et des autres, Déborah Grall est saisissante. Ensemble, ils font vibrer cette pièce chorale qui parle de la maladie, mais aussi d’une époque, d’une liberté à gagner, des relations humaines et surtout d’amour.

Marie-Céline Nivière

The Normal Heart de Larry Kramer
Théâtre La Bruyère
5 rue La Bruyère 75009 Paris
Du 20 janvier au 17 avril 2022
Du mardi au Samedi à 21h, matinée samedi à 17h
Durée 1h50

Traduction et mise en scène de Virginie de Clausade 
Avec Michaël Abiteboul en alternance avec Scali Delpeyrat, Joss Berlioux, Déborah Grall, Andy Gillet, Brice Michelini, Jules Pélissier, Dimitri Storoge.
Voix off Justine Fraioli
Costumes de Colombe Lauriot-Prévost, assistée de Andrea Millerand 
Scénographie d’Olivier Prost
Assistant à la mise en scène Joss Berlioux
Musique de Brice Michelini et Ronan Martin
Texte publié aux Editions de L’avant-Scène 

Crédit photos © Virginie de Clausade

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