L'homme rare de Nadia Beugré © A. Merlaud

L’Homme rare est une femme comme les autres

De Marseille à Paris, en passant par Cergy-Pontoise, la chorégraphe ivoirienne, Nadia Beugré démasculinise le corps de l'Homme.

De Marseille à Paris, en passant par Cergy-Pontoise, la chorégraphe ivoirienne, Nadia Beugré, continue, avec malice, ingéniosité et une certaine radicalité, son travail de sape du machisme ambiant, du paternalisme à tous les étages. Sa dernière création, l’Homme rare, joue sur les codes en ne montrant que la part féminine des corps masculins.

En quelques minutes, des trombes d’eau se sont abattues sur l’Île-de-France, détrempant les sols, rafraîchissant l’air. Une brise, plus que bienvenue, sur le parvis de l’ancien théâtre 95, raccroché depuis peu à la Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, accueille une petite centaine de personnes qui se préparent à entrer en Salle Visconti pour découvrir L’Homme rare de Nadia Beugré, un show performatif et engagé où les danseurs se dénudent, s’offrent généreusement aux regards. 

La voix grave de Gainsbourg
L'homme Rare de Nadia Beugré © Ruben Pioline

Alors que les derniers arrivants s’installent, les sonorités Reggae de Daisy Temple, une chanson peu connue du Grand Gainsbourg, font vibrer les murs, les corps des spectateurs. Certains battent la mesure avec les pieds, d’autre avec les mains. L’ambiance se réchauffe, mais toujours personne sur scène. Juste un jeu de lumières vient souligner la rythmique propice à la fête, aux envies d’ailleurs. Du haut des gradins, du dessus de la scène, cinq jeunes hommes, sortent de l’ombre. Ils se laissent porter par la musique, la voix grave de Gainsbourg. Libérés de tous carcans, ils se lâchent, rentrent en transe, enlèvent en cadence leurs vêtements, qui déjà par touches discrètes les démasculinisent. L’un porte un kilt, un chemisier, l’autre un soutien-gorge. 

Nu de dos

Nus totalement, sans le moindre complexe, de dos le plus souvent, ils offrent leur peau noire, blanche et luisante brillée sous les projecteurs. Les mains se baladent, caressent une courbure de dos, claquent des fesses rebondies. Petit à petit, ils abandonnent aussi leur statut sexué, leur virilité. Jouant sur la sexualisation de leurs corps étrangement « dégenrés », sur des codes homo-érotiques, mais aussi sur des danses traditionnellement dévolues aux femmes, Nadia Beugré transforme les cinq interprètes en objet de désir, devenus par la magie des éclairages, des gestes, étrangement féminins. 

Des sirènes venues d’ailleurs
L'Homme rare de Nadia Beugré © Ruben Pioline

Danse du ventre, mouvements lascifs, Marius MoguibaLucas NicotDaouda KeitaNadim BahsounTahi Vadel Guei sorten de leur chrysalide pour devenir sirènes, « drag queen », etc. Avec peu, des pagnes, des carrés de tissu  blanc, la chorégraphe ivoirienne joue sur notre perception toujours très patriarcale du monde. En plaçant ses danseurs dans des postures féminines, elle oblige le spectateur à déplacer son regard, à déranger ses préjugés, ses préconçus quitte à déranger, à choquer. 

Avec intelligence et un brin de bravade, la féministe Nadia Beugré signe un spectacle au-delà des normes, qui fait un bien fou. Porté par des danseurs habités, par la voix de Lucas NicotL’homme rare perturbe aux entournures pour le bien commun, pour un monde où femmes et hommes seraient véritables égaux. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

L’Homme Rare de Nadia Beugré
Création Montpellier Danse
Points Communs – Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise
Du 3 au 4 juin 2021
Durée 1h00

Du 16 a 20 juin 2021 au Théâtre de la Ville – Espace Cardin

Création & Chorégraphie de Nadia Beugré
Lumières d’Anthony Merlaud
Regard extérieur de Faustin Linyekula
Avec Marius Moguiba, Lucas Nicot, Daouda Keita, Nadim Bahsoun, Tahi Vadel Guei

Crédit photos © A. Merlaud et © Ruben Pioline

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