Photo terreur © ZZIIGG

Terreur, à vous de juger !

Au Théâtre de Belleville, avant d'aller au 11 Avignon, la Compagnie Hercub invite à plonger dans les coulisses d’un procès hors-norme.

Au Théâtre de Belleville, avant de s’envoler en juillet pour le 11 Avignon, la Compagnie Hercub invite à plonger dans les coulisses d’un procès hors-norme où droit et morale s’opposent et se confrontent. En plaçant le public dans le rôle de juré, la troupe oblige chacun à prendre position, à interroger sa conscience. Un théâtre interactif et immersif de belle facture. 

Que s’est-il passé le 26 février 2020 à 20h21 à quelques encablures de Munich ? Pourquoi le commandant Laura Koch a fait feu sur un avion de ligne, entraînant la mort de 164 passagers ? quels sont les événements tragiques qui l’ont poussé à cette extrémité ? Est-elle coupable du meurtre de tous ces civils ? C’est à ces questions que le public de Terreur est amené à répondre en son âme et conscience. 

Une ambiance de tribunal

A l’extérieur de la salle, le président du tribunal se présente aux spectacteurs-jurés. Il explique en quelques mots les enjeux du procès à venir, le rôle que chacun a à tenir. Puis une greffière indique les procédures à suivre afin de respecter non seulement les règles sanitaires en vigueur, mais aussi le bon déroulement de l’instruction qui va être menée. Religieusement, le public pénètre dans la salle, s’installe à bonne distance les uns des autres, se prépare à remplir son devoir consciencieusement. Côté jardin, La procureure, déjà en place, relit ses notes. Côté cour, Le dessinateur judiciaire esquisse quelques croquis, prépare son matériel. Enfin, dans un décorum très officiel, la cour fait son entrée. Aucun détail n’est laissé au hasard, tout a été minutieusement réglé pour être au plus près de la réalité. 

Un choix cornélien

Au-delà du déroulement du procès, particulièrement bien imité, c’est bien le fond de l’affaire qui interroge, bouleverse nos convictions, ébranle nos certitudes. Dans l’obligation d’émettre un verdict, la loi est la loi, chacun doit décider de la culpabilité ou non d’une femme, d’une mère, d’une militaire qui a fait le choix, et ce malgré l’ordre formel de ses supérieurs, du ministre lui-même, de ne pas intervenir, d’abattre un avion de ligne détourné par un terroriste, afin d’éviter qu’il ne s’écrase sur un stade bondé de monde au cœur de la capitale bavaroise. Face à ce choix cornélien, sauver 70 000 personnes en en tuant 164 ou laisser faire le destin qui, à moins, d’un miracle aurait entraîner la mort de tous, qu’aurait-on fait ? 

Une affaire d’état 

Bien au de-là de la simple morale, c’est tout un principe qui se voit bousculé, remis en question. Face à la menace terroriste, le conseil constitutionnel a tranché aucune vie ne peut être en balance avec une autre, rien ne peut être supérieur au droit, à ce qui défend l’humanité. Pourtant, et c’est le plus troublant, les minutes du procès qui défilent, montrent en filigrane la faillite d’un système, les erreurs humaines commises. En effet, comme le pointe la procureure, pourquoi l’ordre d’évacuer le stade n’a jamais été donné. Nul ne le sait, toutes les parties prenantes, les entités décisionnaires en cas de catastrophe, ont préjugé de l’issue, de la capacité de la jeune femme à agir en militaire. 

Troublante réalité

Malmené dans ses évidences, le public se fait prend au jeu. L’hyper-réalisme de la mise en scène de Michel BurstinBruno Rochette et Sylvie Rolland saisit l’attention, happe chaque personne dans la salle. Les présences naturelles des comédiens – Michel BurstinFréderic JeannotCéline Martin-SisteronBruno RochetteSylvie Rolland et Johanne Thibaut – , leur interprétation sans fioriture font le reste. Terreur attrape et entraîne dans une zone d’inconfort particulièrement jouissif tant ce procés-fiction joue sur nos peurs, nos convictions, nos croyances, nos préjugés. Totalement secoués, les jurés-spectacteurs sortent un peu groggys, mais heureux d’avoir tenté l’expérience. Un moment de théâtre unique et interactif.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Terreur de Ferdinand on Schirach 
11 • Avignon
11, bd Raspail
84000 Avignon 
Du 7 au 29 juillet à 20h05 ; relâches les lundis 12, 19 et 26 juillet 
Durée 1h 30 environ

Tournée
Septembre 2021 à La Rue Les Arts à Villecresnes (94)
Janvier 2022 : 2 représentations à l’Espace Sorano à Vincennes (94) 

Mise en scène de Michel Burstin, Bruno Rochette, Sylvie Rolland
Avec Michel Burstin, Fréderic Jeannot, Céline Martin-Sisteron, Bruno Rochette, Sylvie Rolland, Johanne Thibaut 
Scénographie & décor de Thierry Grand
Lumière de Vincent Tudoce
Costumes de Élise Guillou
 

Crédit photo © ZZIIGG

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