Thibaut Prigent © DR

Thibaut Prigent, comédien rêveur et fougueux

Sorti en 2019 de l’AtelierCité à Toulouse, Thibaut Prigent est un jeune premier à l’imaginaire débordant. Alors qu’il ne pourra fouler les planches du mythique Odéon aux côtés de Clémentine Verdier et Mélodie Richard dans La double inconstance de Marivaux, monté magistralement par Galin Stoev, en mai prochain, il peaufine son seul en scène, La Fugue, une plongée vertigineuse dans son univers créatif de grand enfant. Rencontre avec un artiste ténébreux autant que fonceur.  Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? Un groupe de rock dans un camion. Ma mère m’emmenait tout le temps à la fête de la musique. Et j’étais tombé sur un

Sorti en 2019 de l’AtelierCité à Toulouse, Thibaut Prigent est un jeune premier à l’imaginaire débordant. Alors qu’il ne pourra fouler les planches du mythique Odéon aux côtés de Clémentine Verdier et Mélodie Richard dans La double inconstance de Marivaux, monté magistralement par Galin Stoev, en mai prochain, il peaufine son seul en scène, La Fugue, une plongée vertigineuse dans son univers créatif de grand enfant. Rencontre avec un artiste ténébreux autant que fonceur. 

Thibaut Prigent, formé à l'AtelierCité du ThéâtredelaCité © DR

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
Un groupe de rock dans un camion. Ma mère m’emmenait tout le temps à la fête de la musique. Et j’étais tombé sur un groupe de rock agressif, je devais avoir 6 ans à peine. Mais j’étais en admiration totale. Je rêvais  d’être à la place des musiciens. Alors, après, chez moi, je prenais une raquette de badminton, mettais la sono à fond et sur mon balcon, j’imitais le rockeur, et les passants, en bas dans la rue, devenaient le public. Mais mon rêve était qu’une fille de mon école primaire passe dans la rue, pendant que j’étais en train d’imiter les dieux du rock and roll.

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Ma mère a commencé à filmer les conneries que je pouvais faire à la maison. Imitations, sketchs, délire…Et puis elle m’a demandé si je voulais faire du théâtre. Mais l’idée du théâtre ne me branchait pas plus que ça. Et en rentrant de mon premier cours, j’ai dit à ma mère : « J’ai hâte à la semaine prochaine ! » J’avais chopé le virus, peut-être. Et puis c’était le seul endroit ou je pouvais avoir des bonnes notes. Alors je suis resté ! 

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ? 
Au début, je pense qu’il y a la lumière des planches. L’envie d’être regardé. Être aimé. Il ne faut pas le nier. Et puis avec le temps, et le travail autre chose arrive, de plus essentiel, de plus vital, que l’on peut trouver dans la création, par exemple. Philippe Caubère a dit qu’il était bon pour un comédien de se retrouver seul en scène, au moins une fois dans sa vie. Je pense que c’est vrai. C’est une autre façon de voir la relation au public. Plus frontal. Cela ne veut pas forcément dire « Casser le quatrième mur » Mais une relation plus forte, et plus fragile aussi. 
Il y a dans la création le sentiment de fabriquer quelque chose. Comme on pourrait fabriquer un meuble. Je dis ça parce que j’étais menuisier avant, et dans la création de mon spectacle, j’ai pu retrouver cet artisanat. Et puis la question qui arrive après, c’est : Qu’est-ce que tu as envie de dire ? C’est très intéressant. 
Mais le métier d’acteur, c’est aussi : s’approprier des personnages, des situations, et de s’en amuser.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
Au Théâtre du Cercle Paul-Bert, je jouais le rôle d’un aviateur, je m’étais entrainé devant la caméra de l’ordinateur. J’avais une bande son d’avion, sur GarageBand. Je portais : casque de moto, et lunettes Ray-ban. Dès qu’un avion passait, je le saluais. C’est devenu d’ailleurs la scène d’ouverture, de mon seul-en-scène La Fugue, un projet porté par Le ThéâtredelaCité dans le cadre de l’AtelierCité.  

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
Quand j’étais étudiant, j’avais vu le spectacle de Thomas Jolly au Triangle à Rennes. Huit heures de Shakespeare Henry VI (premier cycle). J’ai vu ces acteurs prendre tellement de plaisir à jouer durant huit heures, que j’étais totalement avec eux jusqu’au bout. Et je me suis dit : Quel beau métier quand même. 
Et l’acteur qui m’a marqué un jour, c’est Éric Charron dans Catherine et Christian mise en scène par Julie Deliquet. Le voir improviser sur scène m’a tellement donné de plaisir, l’envie de monter sur le plateau, de jouer avec lui, ou comme lui, qu’en sortant du spectacle, je me suis dit : Je veux vraiment, être Acteur ! 

Thibaut Prigent est Arlequin dans La Double inconstance de Marivaux, mise en scène de Galin Stoev
 ThéâtredelaCité. © Larie Liebig

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
J’en ai eu plusieurs, mais si nous voulons rester dans le théâtre, je pourrais parler de Jean-François Sivadier, que j’ai rencontré lors d’un stage, pendant la formation au ThéâtredelaCité. Jean-François Sivadier a cette capacité de rendre paisible et serein, tout ce qui l’entoure. Il parle souvent de la peur du comédien. Et je peux dire que je n’ai jamais eu autant de frisson en jouant sur un plateau de théâtre, que pendant ce stage avec Jean-François. Nous avons travaillé sur l’improvisation, le vide, la respiration et j’en passe…J’ai du remplir un carnet entier de notes ! Ce stage s’est déroulé la semaine avant de commencer les répétitions de La Double Inconstance, mise en scène par Galin Stoev, au ThéâtredelaCité. Et ça m’a beaucoup apporté avant de commencer les répétitions pour le rôle d’Arlequin. 
Et Galin Stoev, bien sûr ! Qui a aussi été une très belle rencontre. Au-delà du travail de l’acteur, il m’a appris la simplicité. « Ce n’est que du théâtre ! » C’est un beau métier certes, mais ce n’est que du théâtre. C’est un métier, comme un autre. Pour ça Galin, je lui dois beaucoup. Et puis dans sa direction : Aller à l’essentiel, aux choses vraies comme dirait Marivaux. Enlever les belles phrases et autre convention, et aller à la situation. Que ce passe-t-il réellement, trouver l’endroit. Et ça Galin le sent tout de suite, et le transmet très bien.

En quoi votre métier est-il essentiel à votre équilibre ? 
Je ne sais pas si l’équilibre existe vraiment. Et de vouloir le chercher n’arrange pas les choses. Et puis ce qui m’excite dans ce métier, c’est de ne jamais savoir ce qui va arriver. On ne travaille pas pendant des mois (surtout en ce moment, ce qui est un peu différent…) Et puis le lendemain on croule sous les propositions. 
Mais pour parler du jeu, ce qui est intéressant, c’est l’ambivalence. Chaque personnage a son double. Dans la vie, aussi, nous avons nos doubles. Nous ne sommes jamais tout blanc, ou tout noir, nous avons toujours un peu des deux, est, c’est cela qui est curieux. 

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Les gens. Et les animaux aussi, ils sont fantastiques dans leurs présences aux choses qui les entourent. Mais depuis tout petit, je regarde les gens. Certaines personnes me marquent plus que d’autres. Je vais reproduire leurs états, leurs postures, ou leurs façons de parler. Mais je crois que nous sommes tous comme ça. Et cela se voit surtout chez les enfants. On apprend avec l’imitation. Et en tant qu’acteur, il faut muscler cette attention aux choses qui nous entourent. Je prends plaisir à imiter. Mais imiter n’est pas vraiment le mot, incarner un état plutôt.

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Physique, je pense. Sentir le public, et ses partenaires de jeu. Mais le rapport au public est quelque chose  qui n’est pas facile à expliquer, c’est étrange. Comédien est un métier étrange si l’on y regarde de près. On dit qu’il faut une certaine folie. Je ne sais pas…Il m’arrive des fois sur scène de me dire : Mais qu’est-ce que je fout  là. C’est dingue ! Je me retrouve devant une salle qui rit, qui pleure, et je suis heureux…. Le sentir à l’écoute, rire, pleurer, ou s’ennuyer, oui… Ça arrive aussi. Un exemple que j’aime souvent raconter : c’était à une représentation. Je devais sortir un couteau alors que mon personnage était vraiment gentil tout au long de la scène. Et quand j’ai sorti le couteau, j’ai entendu une femme dire à son mari en chuchotant fortement, comme prise de panique, « Hannnnn ! Il a un couteau ! » Et j’ai ressenti du plaisir à ce moment-là. Ça m’a marqué. Et je me suis dit : c’est pour ce genre de choses que j’aime faire ce métier, en partie.   

À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
  Le ventre, le bas ventre. C’est cette partie-là aussi, qui bouillonne de peur, ou de désir avant de monter sur scène. Le deuxième cerveau ? 

Des corps qui respirent de Laura Wade. Mise en scène de Chloé Dabert
Une Création de l’AtelierCité 
Le CUB – ThéâtredelaCité © François Passerini

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?  
Je le redis, mais Jean-François Sivadier, m’a beaucoup marqué. Et j’aimerais servir ses idées et ses projets. 
Chloé Dabert (directrice de La Comédie de Reims) Avec qui j’ai eu la chance de travailler lors de ma formation à l’AtelierCité. Elle a un rapport au texte pointilleux, et pour des acteurs comme moi qui peuvent facilement se laisser déborder, par trop de choses, j’étais cadré. Mais dans le bon sens du terme, un cadre pour s’amuser dedans.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
En ce moment, j’aimerais jouer Richard III. Un personnage que l’on dit manipulateur et terrifiant, mais l’ont dit aussi, que ce Roi était un homme bon et aimant. Et je voudrais creuser cette ambiguïté, qu’a ce personnage de Richard III.

Si votre vie était une œuvre, qu’elle serait-elle ?  
Houla…Titeuf ! Non, vraiment je ne sais pas. Question compliquée. Je n’ai pas assez de recul pour imaginer ma vie comme une œuvre. Là je ne vois pas, non.

Olivie Frégaville-Gratian d’Amore

La Double inconstance de Marivaux, mise en scène de Galin Stoev
ThéâtredelaCité – La salle

Des corps qui respirent de Laura Wade 
Une Création de l’AtelierCité 
Le CUB – ThéâtredelaCité

Crédit photos © DR, © Marie Liebig, © François Passerini

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