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The Scarlet Letter, la grand-messe radicale d’Angélica Liddell

A la Colline, Angélica Liddell s'approprie the Scarlet Letter de Narthanael Hawthorne et signe une pièce brûlot contre le nouveau féminisme.

S’inspirant très librement du chef d’œuvre de Nathanael Hawthorne, Angélica Liddell signe une charge crue, brûlante, rageuse et salvatrice contre le féminisme post-Weinstein et le néopuritanisme qui en découle. Follement iconoclaste, provocatrice jusqu’à l’overdose, elle dévoile chair et sexe dans une scénographie caravagesque. Si quelques hors-pistes perturbent la lecture, l’inclassable espagnole, hurle au monde son amour des hommes, de la transgression.

A comme Adultère. Esther (Angélica Liddell) a fauté. Elle a eu un enfant hors mariage. Véritable crime dans la société puritaine et hypocrite du Boston des années 1640, elle doit porter, à jamais, un immense A rouge sur sa poitrine, la désignant à jamais comme une débauchée aux yeux du monde. Rien ne pourra absoudre son péché. Face à elle, le pasteur du village, son amant, rongé par la culpabilité, fait triste mine, se cache et chaque jour un peu plus livre son âme tourmentée au démon faute de pouvoir révéler sa tromperie à ses ouailles.

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S’emparant avec sa fougue, sa rage, sa folie habituelle, du célèbre roman de Nathaniel Hawthorne, Angélica Liddell déclare une guerre impitoyable, sans merci, à ces femmes qui n’aiment plus les hommes, qui les détestent, qui leur vouent une haine tenace, qui s’enferment dans le féminisme sec, sévère, pudibond, généré par le mouvement « #metoo ». Vêtue d’une robe noire de douairière, tout droit sortie d’un tableau de Velasquez, elle erre sur scène, dévoile un dos zébré de coups de fouet, et crie à la face du monde le plaisir de la transgression, du politiquement incorrect, du trash, du vulgaire. Dévoilant fièrement, sur sa poitrine comprimée par un corset, le fameux A, celui qui désigne sa faute, certes, mais aussi son amant, Arthur, tout autant qu’Artaud ou Angélica et bien d’autres, elle harangue la foule d’une diatribe bien sentie contre une forme perverse de bien-pensance où sous couvert d’égalité, de mettre fin au sexisme, un mouvement castrateur et terriblement rigide, qui enferme l’art, le désir, le plaisir dans un carcan stérile et peu propice à la création.

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Voyant dans l’humiliation subie pour outrage aux bonnes mœurs d’une société sclérosée par ses névroses, ses faux-semblants et ses tabous, une libération salvatrice qui lui donne la force de se lever poing serré, sexe à l’air, bouche offerte pour accueillir lors d’un rituel singulier les membres pendants des hommes nus qui forment son harem. Elle ne s’interdit aucune faute de goût, aucune transgression. Au nom de l’art qu’elle estime victime et bridé par ce néopuritanisme, elle exhibe la chair sans aucune pudeur sur l’air pompeux de la Marche pour la cérémonie des Turcs de Lully ou sur celui plus kitsch sur de Dragostea din tei du groupe moldave O-Zone. Hurlant son amour immodéré à Sade, Boccace, Dante et autre Foucault, invitant Adam et Eve encore innocents à pleurer sur la tombe d’Hawthorne, Angélica Liddell, plus ravagée, plus libre que jamais, s’adonne dans un sabbat de tous les diables, que souligne la scénographie caravagesque, fait de clair-obscur et de pourpre cardinal, à tous les vices qui à ses yeux sont les vertus les plus pures, les plus nobles.

The scarlet letter_Liddell - 05-12-18 - ©Simon Gosselin-109_@loeldoliv

N’épargnant aucune pudeur, brocardant les préjugés, partant en tous sens, quitte à se perdre elle-même dans un fatras textuel et confus, elle signe un spectacle foutraque, barré, qui malgré les faiblesses dramaturgiques, les provocations souvent superflues, redondantes et inutiles, fait mouche et réveille nos consciences endormies. Loin d’être parfait, ce chant passionnel et charnel à l’art, aux hommes, aux dépravations et à la débauche séduit sur le fil par la force et la personnalité singulière de la performeuse espagnole, par l’engagement d’une troupe tout poil et talent dehors.

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


The Scarlet Letter d’après le roman de Nathaniel Hawthorne
La Colline – théâtre national
Grand théâtre
15 rue Malte-Brun
75020 Paris
du 10 au 26 janvier 2019
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 & le dimanche à 15h30
spectacle en espagnol surtitré en français
Durée 1h40

En tournée du 1er et 2 février 2019 au Teatro Nacional D. Maria II à Lisbonne et du 14 au 16 février 2019 au Teatros del Canal de Madrid

texte, mise en scène, scénographie, costumes et jeu : Angélica Liddell
avec Joele Anastasi, Tiago Costa, Julian Tsenia, Angélica Liddell, Borja Lopez, Tiago Mansilha, Daniel Matos, Eduardo Molina, Nuno Nolasco, Antonio Pauletta, Antonio L. Pedraza, Sindo Puche
assistanat à la mise en scène Borja Lopez

Crédit photos © Simon Gosselin

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