Seuls - Wajdi Mouawad © Thibaut Baron
© Thibaut Baron

Seuls, le magnifique opus personnel de Mouawad

Le premier volet du cycle domestique de son auteur, créé en 2008, a beaucoup tourné. Il fait une de ses dernières escales à La Ferme du buisson. Il ne faut pas la manquer.

C’est Grand T de Nantes que nous avions découvert pour la première fois Seuls. Après ses pièces chorales, Wajdi Mouawad nous invitait dans ce seul-en-scène à suivre l’aventure très intimiste de son double nommé Harwan. Ce texte, dont on retrouve des résonances dans Racine carré du verbe être, appartient, avec Sœurs et Mère, au cycle domestique, cette remarquable exploration autobiographique du passé et de la famille de l’auteur.

Seuls - Wajdi Mouawad © Thibaut Baron
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Dans un récit de toute beauté, nous découvrons par énigmes un jeune homme fragile dont la vie est accrochée à la solitude. Harwan semble être un éternel étudiant dans le sujet d’études porte sur les soles de Robert Lepage, cette « figure théâtrale québécoise et internationale ». La jeune femme qu’il aimait n’est plus là. Partie ? Morte ? L’unique réponse est sa tristesse palpable tout au long du spectacle. Même face à sa famille, à son entourage, on ressent toujours cette solitude.

Harwan est seul face à son vieux père qui ne comprend pas la vie moderne. Le fil qui tient entre eux est celui d’une langue qu’il ne maîtrise plus. Le fils est seul devant sa sœur qui le bouscule. Seul devant son directeur de thèse qui l’encourage. Encore seul face à un Robert Lepage après lequel il faut toujours courir. Il est seul devant Le retour de l’homme prodige de Rembrandt. Et c’est pour cette raison que le titre est au pluriel. Que se passe-t-il chez ce jeune homme qui n’arrive pas à trouver un sens à sa vie ? Qui sommes-nous et qui croyons-nous être ?

Seuls - Wajdi Mouawad © Thibaut Baron
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Le récit ne suit pas une ligne droite. Il se fait sinueux, nous entraînant dans des tourbillons étranges. Comme pour peindre un tableau, l’auteur a composé son histoire de plusieurs couches. Et tout d’un coup, il dévoile l’ensemble. C’est saisissant. Nous sommes dans l’inconscient d’Harwan, plongé dans le coma. Il lutte entre la vie et la mort, cherchant pourquoi vivre ? Dans ce combat, il se souvient de son pays, le Liban, de la guerre et de ce qu’il a enfoui au fond de son être et qui lui est vital, la peinture.

Comme toujours chez ce grand auteur, les portes de l’interprétation restent ouvertes. C’est ce que l’on aime chez lui. S’appuyant sur une scénographie exceptionnelle, avec projection d’images vidéo (assez novateur à l’époque de la création), de peintures, dans un jeu d’une belle sobriété, Wajdi Mouawad nous entraîne au plus profond de l’être, son inconscient. Du grand art !


Seuls de et par Wajdi Mouawad.
La Ferme du Buisson
allée de la Ferme
77186 Noisiel.

Les 2 et 3 février 2024.
Durée 2h.

Dramaturgie, écriture de thèse de Charlotte Farcet.
Conseiller artistique François Ismert.
Assistante à la mise en scène création Irène Afker.
Scénographie d’Emmanuel Clolus
Lumières d’Éric Champoux.
Costumes d’Isabelle Larivière.
Réalisation sonore de Michel Maurer.
Musique originale Michael Jon Fink.
Réalisation vidéo de Dominique Daviet.
Avec les voix de Nayla Mouawad, Michel Maurer, Isabelle Larivière, Robert Lepage, Abdo Mouawad et Éric Champoux.

Seuls chemin, texte et peintures est paru aux éditions Leméac / Actes Sud-Papiers en novembre 2008.

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