Le dépouillement libératoire de Constance Debré

Dans cette autofiction, Constance Debré redéfinit le verbe aimer.

Le verbe est sec, anguleux, acéré. Il ressemble en tout point à son autrice. Femme, mère, lesbienne, Constance Debré ne fait qu’un avec son livre. Sans fioriture, elle se libère de toute attache, de l’amour même. Un cri vibrant d’humanité ! 

Silhouette musculeuse, dégaine de garçon manqué, Constance Debré vire sa cuti et change de vie à 47 ans passés. Avocate au barreau de Paris, mère d’un petit garçon de neuf ans, épouse, elle largue tout pour enfin être elle-même, ne plus se mentir. Elle se libère de tout ce qui l’entrave, de ce poids qui lui pèse, l’empêche d’avancer. Elle vit. Elle couche avec des filles. Elle assume son désir de vivre comme un homme. 

De son ancienne vie bourgeoise, elle ne garde rien. Faute d’argent, elle squatte à droite, à gauche. Une amante, dans chaque arrondissement de Paris, elle navigue d’un corps à l’autre. Elle les embrasse, les possède, les déguste avec avidité, férocité. Elle se sépare des livres qui ont construit son identité. Sur le trottoir, les œuvres de Guibert, de Duvert, de Bataille. Un jean, deux tee-shirts et un blouson suffissent à son bonheur. 

Seule ombre aux tableaux son fils, Paul. Elle l’aime. Il n’y a pas de doute. Mais tout n’est pas si simple. Son mari, blessé dans son orgueil de mâle, n’est absolument pas prêt à lui faciliter la vie bien au contraire. Il va tout faire pour noircir le tableau, l’amputer de cette partie d’elle-même. Le combat est inégal. Elle le sait. Alors pourquoi lutter ? Parce qu’une mère ne peut qu’aimer son fils et inversement ? qui a dicté cette loi, cette règle ? est-ce écrit dans le marbre ? 

De sa plume acérée, vive, Constance Debré cherche une réponse. Elle livre ses réflexions sans fard. L’écriture la libère. Elle jette les mots sur le papier, enchaîne les juxtapositions, les histoires. Le matin c’est plan cul, le soir c’est retrouvailles avec Paul. Le lendemain, c’est visite chez son père, cet homme reclus en Touraine, « qui n’en finit pas de ne pas mourir. » Le temps file, les liens avec le terrestre se disloquent. Plus rien ne la retient. Elle n’appartient à Personne. 

Avec simplicité, l’autrice dit tout. Le style est radical, âpre, mâtiné de tendresse. Il ne s’embarrasse de rien. Rageuse, furieuse, Constance Debré se met à nu. Et c’est beau, terriblement beau ! 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


Love Me Tender de Constance Debré
Editions Flammarion
192 pages
Prix conseillé 18 euros

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