Chemise blanche, jean décontracté, Nuno Nolasco attend devant son ordinateur. Il trie des fichiers, jette un regard au public qui s’installe, esquisse un sourire. Déjà, quelque chose se joue. Son regard noir accroche, son sourire désarme. L’homme charme sans forcer, dans une décontraction toute naturelle. Puis, seul, il s’avance au bord du plateau. D’une voix calme avec son bel accent portugais, il annonce que le spectacle n’aura pas lieu. Salvatore Calcagno, le metteur en scène, n’est pas venu. Un simple mot, glissé sur la scène du théâtre, a mis fin à leur histoire d’amour, et à leur projet commun.
Plutôt que de renoncer, le comédien venu exprès de Lisbonne pour son premier Avignon décide d’ouvrir la boîte à souvenirs. De remonter les fils, les détails, les petits riens qui tissent une relation. Ce qu’il propose, c’est une traversée à deux, à cent, avec ceux qui l’écoutent.
Une mémoire en partage
Sur un tableau noir, quelques mots griffonnés comme des balises : “Première fois”, “minets sauvages”, “dents sales”, “parfum”, “voyage en Italie”… Autant de portes entrouvertes. C’est au public de choisir par où entrer. Très vite, le jeu s’installe. On hésite, on rit, on y va franchement ou à pas feutrés. Chacun y projette un peu de ses histoires personnelles.
Face à nous, Nuno Nolasco se dévoile avec une aisance désarmante. Il joue, il revit, il se livre. Parfois il se met à nu, parfois pudiquement. Le récit prend mille formes – tendre, cru, sensuel, absurde, violent, joyeux. On traverse des paysages d’émotion, sans carte ni boussole. On se laisse emporter, puis essorer. Et ce qui reste, quand tout s’arrête, c’est le silence d’après, le vide, la mémoire qui persiste comme une fragrance de ce qui aurait pu être et n’adviendra plus.
Un amour de théâtre
Écrit à quatre mains par Salvatore Calcagno et Dany Boudreault, Ancora tu saisit quelque chose de l’intime avec une justesse rare. Rien de figé ici. Le quatrième mur s’efface dès l’entrée, les codes explosent, le théâtre flirte avec le cinéma. Mais tout cela ne serait rien sans la présence de Nuno Nolasco. Ce qu’il offre est une forme de vérité. Un abandon. Une générosité folle.
On ressort de là un peu sonné, troublé, touché. Avec ce sentiment étrange que les mots peuvent tout faire, faire revivre une histoire, la trahir, la réinventer puis l’offrir aux autres. Et qu’au creux de la perte, quelque chose, encore, palpite.
Ancora tu de Salvatore Calcagno et Dany Boudreault
Théâtre du Train bleu – Festival Off Avignon
du 5 au 24 juillet 2025 – relâches les 11 et 18 juillet 2025
à 17h25
mise en scène de Salvatore Calcagno
avec Nuno Nolasco
Direction technique et création lumières – Angela Massoni
Régie général – Olivier Vincent
Conception costume – Bastien Poncelet
Réalisation costume – Catherine Piqueray
