Avant d’être acteur, Nuno Nolasco se passionnait pour les images. Très jeune, il se laisse fasciner par les formes, les matières, les textures. Ce sont les arts plastiques qui le captivent en premier lieu. Il cite Mondrian, Klimt, Duchamp, attiré par leur radicalité, leur manière de conceptualiser l’art et d’être en rupture avec les conventions. Yves Klein l’obsède pour ce qu’il appelle « le pouvoir d’une seule couleur ». Le théâtre surgit plus tard, presque par accident ou par héritage. Sa mère faisait du théâtre amateur, et il se souvient avec tendresse de « son enthousiasme, de son rapport joyeux au jeu ».
C’est une professeure de dessin, responsable du club théâtre de son école, qui l’incite à monter sur scène. Elle lui confie qu’elle perçoit chez lui une forme d’énergie. Il accepte presque sans réfléchir. « Et quelque chose s’est ouvert », dit-il, en évoquant ce premier pas décisif.
Le détour par l’architecture
Après le lycée, il entame des études d’architecture. En parallèle, il pratique la natation à haut niveau. Il affirme avoir « toujours eu ce besoin de discipline physique », comme une manière de tenir l’équilibre. Mais malgré la rigueur de ce parcours, un malaise grandit. « Je sentais une lassitude profonde, comme si ce que je faisais ne m’appartenait pas vraiment », confie-t-il aujourd’hui.
Un tournage change la donne. Presque par hasard, on lui propose un petit rôle dans The Italian Writer d’André Badalo, dans lequeil il joue le petit-fils d’une diva vieillissante, et découvre sur le plateau une joie inattendue. C’est là qu’il comprend alors que le jeu peut devenir un espace de liberté totale, et sans doute aussi un lieu de vérité. Il décide de passer le concours du Conservatoire national de Lisbonne avec un monologue de Pasolini, extrait de Porcherie. Il est admis. « C’était le début d’un autre chemin ».
Du Teatro da Garagem à l’Europe des plateaux
Il débute à la télévision dans Morangos com Açúcar, une série très populaire au Portugal. Mais rapidement, il ressent le besoin de se former autrement. Il étudie le théâtre, puis intègre une compagnie pendant sept ans. Il parle d’un « temps de maturation, de recherche ».
C’est au Teatro da Garagem, à Lisbonne, qu’il trouve une véritable école de théâtre. Il y découvre un langage poétique, organique, radical. Plusieurs metteurs en scène influencent sa trajectoire, comme Angélica Liddell pour « la puissance de ses textes et l’abandon physique », ou Romeo Castellucci pour « l’exigence formelle ». Il évoque aussi Silvia Costa, Maria Duarte, John Romão, Alexis Henon. Aujourd’hui, il travaille avec Salvatore Calcagno, dont il partage « une approche très sensible du théâtre, un rapport à la musique, à une esthétique franche, à différentes températures dans la partition performative ».
Avec le collectif Palazzo Subúrbio qu’il cofonde, il crée deux spectacles : We Are Not Penelope (2018) et Luna Park (2022). Il voit dans ce collectif une plateforme internationale, un espace de recherche et de création.
Jouer, c’est sculpter un espace
Chaque médium, selon lui, possède sa propre respiration. Il dit du théâtre qu’il incarne « le risque du direct, la présence brute ». Ce qu’il aime, c’est « cette nécessité de se réinventer chaque soir, d’ouvrir un espace unique avec le public ». Le cinéma, à l’inverse, lui permet de travailler sur les silences, sur l’émotion dans le détail. C’est plus pour lui un « travail de sculpture intérieure, de finesse presque invisible ». Quant à la télévision, il y reconnaît une forme d’immédiateté du lien, à condition que le projet ait du sens.
Carlos Amaral lui confie son premier rôle principal. puisil reste profondément marqué par Becoming Male in the Middle Age (2022) d’Isadora Neves Marques. Il joue aussi dans Bem Bom (2021) de Patrícia Cerqueira, un projet pour lequel il est nommé trois fois en tant que meilleur comédien à des prix prestigieux. Avec Gabriel Abrantes, il vit « une aventure de création passionnante », entre cinéma et arts visuels.
Un acteur guidé par les images
Formé à l’architecture, Nuno Nolasco voit la scène comme un territoire.Pour le comédien, c’est un « lieu où l’on peut créer des lignes de fuite, des profondeurs, des couches de présence ». Ce qu’il le porte et le motive, c’est penser la scène comme « une architecture habitée, un paysage mental et émotionnel dans lequel le corps de l’acteur évolue, se heurte, se perd, se retrouve ». Il décrit cette expérience comme une manière de « respirer, parler, tomber amoureux dans l’espace scénique ».
Le comédien revendique une approche visuelle du jeu et dit se nourrir « d’images, de textures, d’univers plastiques qui [le] mettent dans une humeur, une vibration ». Ses références vont de Nan Goldin à Francesca Woodman, de Helena Almeida à Matisse ou Pollock, sans oublier les peintres de la Renaissance. Côté cinéma, il évoque Bergman, Linklater, Mike Leigh, Pasolini, Visconti, Gaspar Noé, Ulrich Seidl, Ruben Östlund ou João Pedro Rodrigues. La musique, enfin, occupe une place essentielle. Il mentionne Arvo Pärt, Rüfüs Du Sol, Vivaldi, Bach, The Blaze, Paradis, Moderat. « La musique vient ensuite, comme une respiration », confie-t-il.
Il se définit comme un acteur qui se nourrit d’images. « Ce sont elles qui me guident », affirme-t-il, « elles m’amènent dans une vibration particulière ». Et cette vibration, il la rend palpable sur scène, sans jamais dissocier la matière du jeu, la lumière de la parole, le souffle du geste.
Ancora tu de Salvatore Calcagno et Danny Boudreault
Théâtre du Train Bleu – Festival Off Avignon
du 5 au 26 juillet 2025 – Relâches le 11 et le 18 juillet 2025
à 17h25
55 min
mise en scène de Salvatore Calcagno
avec Nuno Nolasco