Se déroulant en France, c’est une pièce très particulière dans l’œuvre de Shakespeare. Si comme souvent les lieux, les intrigues, les personnages et les rebondissements se bousculent, sa particularité provient sans doute de sa dimension psychologique surprenante. C’est également une comédie où une histoire d’amour qui démarre mal s’achève par un happy end inespéré.
Aimer à la folie

À la suite du décès de son père, illustre médecin-sorcier, Hélène est élevée par la Comtesse de Roussillon, qui la considère comme sa fille adoptive.
« Tu ne m’as pas coûté les gémissements d’une mère. Et pourtant j’ai pour toi la tendresse d’une mère. » Or, la jeune femme est follement éprise de Bertrand, le fils de cette dernière. N’étant pas noble, elle n’est pour lui qu’une moins que rien. Après bien des aventures et des intrigues, une guérison miraculeuse, des trahisons, et des allers-retours entre la cour de François Ier et celle d’Alexandre de Médicis en Italie, en passant par les champs de bataille, la jeune femme obstinée parviendra à se faire aimer de l’ingrat.
Un spectacle à la saveur d’un Monty Python
Membre de la troupe du NTP (Le ciel, la terre et la fête, Notre comédie humaine), Frédéric Jessua est un artiste doué, plein d’esprit et de fantaisie. Avec Vincent Thépaut, il signe une traduction très moderne et vive de cette histoire rocambolesque inspirée à Shakespeare par une nouvelle du Décaméron de Boccage, La femme courageuse. Avec son prisme sur la condition féminine, la pièce devient résolument moderne. Rendant hommage au théâtre de tréteaux, le metteur en scène a mis en place une machinerie formidable. Le plateau est une espace vide. Il se sert d’une petite tournette, des éléments de décor symbolique qui se déplacent sur roulette pour transcrire les lieux. Cela donne du mouvement et l’imagination peut galoper. Les costumes sont soit d’époque soit complètement décalés et gaguesques.
Une interprétation délirante

La direction d’acteurs file du côté de la farce et du burlesque. La troupe dans une parfaite unité régale par sa diversité de jeu et d’esprit. Pour George Bernard Shaw, la Comtesse est « le rôle de femme âgée le plus beau qui ait jamais été écrit ». Bien qu’étant plus jeune, maîtrisant les ruptures, Félicité Chaton s’y révèle remarquable. Céline Laugier est parfaite dans le personnage d’Hélène, cette femme qui sait obtenir ce qu’elle veut. En galant malotru jouant au prince charmant, Enzo Houzet est impayable. Tout comme Rony Wolf dans l’ineffable Paroles, le valet mythomane et pleutre. Enchaînant plusieurs personnages, Raouf Raïs, Charles Van De Vyver (Abysse), Vincent Thépaut et Lena Tournier-Bernard séduisent dans chacune de leur interprétation. Tout est bien qui finit bien, Shakespeare n’est pas trahi.
Marie-Céline Nivière
Tout est bien qui finit bien de William Shakespeare
Théâtre 13 / Bibliothèque
30 rue du Chevaleret
75013 Paris.
Du 13 au 23 mai 2025
durée 1h50.
Mise en scène de Frédéric Jessua
Traduction et adaptation de Frédéric Jessua et Vincent Thépaut
Avec Félicité Chaton, Céline Laugier, Raouf Raïs, Vincent Thépaut, Enzo Houzet, Léna Tournier-Bernard, Charles Van de Vyver, Rony Wolf
Scénographie Charles Chauvet et Frédéric Jessua
Lumière Diane Guérin
Costumes & accessoires Julie Camus
Maquillages et perruques Pauline Bry
Images Vincent Thépaut
Musique Originale Richard Le Gall
Chorégraphies Georgia Ives
Assistanat Clémence Ribéreau
Décor construit et peint aux ateliers Crèvecoeur (27) par Emilie Gottmann, Zoé Logié de Marsan, Charles Chauvet, Enzo Houzet, Frédéric Jessua et Vincent Thépaut
Construction tournette Eric Szczuczynski.