Le Rêve d’Elektra fait partie de ces créations qui ne se racontent que par le geste artistique qu’elles expriment. La narration y est presque accessoire, le temps étiré, les certitudes brouillées et les esprits éthérés. Dans son nouveau spectacle, c’est un voyage particulièrement sensible que propose Clément Bondu. Sous l’écrasante chaleur d’une Athènes estivale, il fusionne théâtre, littérature et cinéma, là où l’atmosphère brûlante semble avoir mis à l’arrêt toute vie présente. Ne restent alors comme options que l’errance, les souvenirs et les espoirs, une poésie tendre et mélancolique qui balaie le seuil des songes.
Comme au cinéma

C’est pourtant bien d’une observation très concrète que s’alimente l’écriture de cette pièce. Partant de sa propre expérience de vie dans la capitale grecque, l’auteur-réalisateur-metteur en scène cherche à capter toute l’ambiguïté soulevée par l’arrivée de l’été dans les villes méditerranéennes. Les vacanciers venus l’esprit léger y côtoient les résidents dont la vie doit se poursuivre malgré les craintes, à la lisière du rationnel, d’un monde qui pourrait s’effondrer à tout moment. À travers une esthétique elle-même coincée entre deux réalités, la scénographie de Charles Chauvet, les lumières de Nicolas Galland et le son de Sandax travaillent avec finesse à des images qui tiennent autant du rêve que du cauchemar.
Au cœur de cette traversée, Clément Bondu fait entrer en dialogue ses différents langages, du plateau à l’écran en passant par l’invisible. Une séquence après l’autre, il construit sa dramaturgie comme on assemble un film. Dans son approche, la vidéo trouve en effet un nouveau sens, délaissant son désormais habituel rôle de support pour devenir ici un matériau à part entière. Dans la fluidité de ce montage, Le Rêve d’Elektra se déroule dans un état de flottement permanent, dernier lien fragile avec une réalité qui s’évapore.
Semer le trouble
À l’image de la scénographie et de la dramaturgie, le texte ne cesse de frôler le surréalisme sans jamais l’épouser véritablement. En cela, tout dans cette expérience est de l’ordre de l’insaisissable, une forme de vérité parallèle qui vient troubler les certitudes sans les anéantir. Au plateau, la relation qui se dessine délicatement entre Florian Bardet et Eriphyle Kitzoglou se développe, elle aussi, sur le registre du sensible. L’économie et la précision des mots sont alors au service d’une danse entre la présence de l’autre et son absence, douce allégorie du deuil qui convoque les spectres tels des confidents.
Comme l’été athénien transforme les êtres vivants en âmes errantes, Le Rêve d’Elektra déplace le théâtre entre l’ordinaire et l’inconnu. Dans un geste élégant qui se poursuit du début à la fin, Clément Bondu conçoit un objet rare qui semble fait de la même matière que les songes. Son sens de la formule y rencontre une esthétique nébuleuse, formant un espace ambigu où s’entrelacent les langues. Or c’est précisément parce que cette pièce est impalpable qu’elle se reçoit avec tant d’évidence.
Peter Avondo – Envoyé spécial à Toulouse
Le Rêve d’Elektra de Clément Bondu
ThéâtredelaCité
1 rue Pierre Baudis
31000 Toulouse
Du 14 au 16 mai 2025
Durée 1h30
Tournée
Du 8 au 11 octobre 2025 au Festival Transforme – Théâtre de la Cité internationale, Paris
Le 14 novembre 2025 à ScénOgraph, scène conventionnée Saint-Céré
Le 19 novembre 2025 au Théâtre Molière – Sète dans le cadre de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée
Les 27 et 28 novembre 2025 à L’Archipel, scène nationale de Perpignan
Texte et mise en scène : Clément Bondu
Avec : Isabel Aimé González Sola Florian Bardet Clément Bondu Eriphyle Kitzoglou et la chienne T’aime
Metteuse en scène animalière : Valérie Récher
Scénographie et costumes : Charles Chauvet
Création lumière : Nicolas Galland
Musique originale et création son : Sandax
Réalisation des décors dans les Ateliers du ThéâtredelaCité sous la direction de Michaël Labat
La toile peinte du décor est une œuvre de l’artiste Alizée Gazeau
Réalisation des costumes dans les Ateliers du ThéâtredelaCité sous la direction de Nathalie Trouvé
Tournage à Athènes
Prise de son : Inès Sassi
Prise de vues : Clément Bondu