Nous assistons à une soirée routinière chez deux petits vieux isolés. Ils papotent, ressassant éternellement les mêmes sujets, les mêmes faux souvenirs, dont celui d’un Paris englouti ! Ce soir, cet homme ordinaire a décidé de délivrer son message à l’humanité. Il a invité un orateur pour parler à sa place et tout un tas de gens. Ils sont tous venus, même l’Empereur, il leur faut rajouter des chaises !
Sur le plateau, il n’y a rien, à part deux marchepieds, qui leur permettent de regarder l’horizon et deux chaises pour s’asseoir. Cet espace vide retranscrit bien celui de leur existence. Leurs costumes usés marquent la fragilité de leur économie. Pour lui, il est même devenu trop petit, ce qui donne l’impression que ses bras et ses mains n’en finissent pas. Pour elle, sous la simplicité de sa robe noire, ce cache un jupon rouge, symbole d’un temps passé. Visuellement, c’est fort bien pensé. Tel l’Auguste et le clown blanc, ces deux éternels amoureux se répondent, se chicanent et remplissent le vide de leur existence.
Chez Ionesco, les deux personnages sont à l’approche du centenaire. Thierry Harcourt a délibérément évité de grimer ses artistes en vieillards. Tout comme il ne rajoutera aucune chaise aux deux déjà présentes sur scène. Puisque les invités sont invisibles, elles le seront aussi. Car c’est un jeu entre le Vieux et la Vieille. Dans une interprétation au cordeau, qui s’appuie sur une belle complicité, l’exceptionnelle Frédérique Tirmont et l’épatant Bernard Crombey (Motobécane) donnent chair à ce naufrage de la solitude et de la vieillesse. Ils nous font rire et nous émeuvent tout autant. La tension entre le comique absurde et le tragique voulu par l’auteur se fait magistralement entendre. De la belle ouvrage !
Marie-Céline Nivière
Les Chaises de Ionesco
Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris.
Jusqu’au 10 mars.
Durée 1h05.
Le Mois Molière à Versailles les 2 et 3 juin 2025
Festival Off Avignon – Théâtre de l’Essaïon du 4 au 26 juillet
Mise en scène de Thierry Harcourt,
assisté de Clara Huet.
Avec Frédérique Tirmont et Bernard Crombey.
Musique de Tasio Caputo.
Lumière de Thierry Harcourt et Pascal Araque.
Costumes de Laurent Mercier.
