Les pigeons © Cyril Bruneau

Les Pigeons mi-figue mi-raisin de Michel Leeb

Au théâtre des Nouveautés, s'amusant avec les codes du théâtre dans le théâtre, Michel Leeb signe une comédie bien singulière.

Les pigeons © Cyril Bruneau

Au théâtre des Nouveautés, entouré de Francis Huster et de la délicieuse Chloé Lambert,Michel Leeb interprète sa première comédie et joue avec les codes du théâtre. Une mise en abîme surprenante dans laquelle de drôles de pigeons se transforment en dindons de la farce.

Le rideau s’ouvre sur la salle d’attente austère d’une société de production. Michel Leeb et Francis Huster entrent, chacun leur tour, sous les applaudissements des spectateurs. Ils incarnent Bernard et Jacques, deux acteurs qui n’ont jamais atteint le statut de vedettes. Ils sont ce qu’on appelle des silhouettes. Celles que l’on voit passer sur les écrans, donnant au mieux une ou deux répliques. Si ces artisans du métier ont mis leurs rêves de gloire de côtés, ils n’ont jamais perdu la passion de leur métier. Échappant aux clichés de la ringardisation, l’auteur rend un hommage assez délicat à ces artistes de l’ombre. En revanche, il ne se gêne pas, pour s’amuser avec ces personnages qui se débattent avec l’âge et les aléas de la vie.

Jeu de dupes
Les pigeons © Cyril Bruneau

Leeb et Huster se sont glissés avec aise dans la peau de ces « vieux beaux » sur le retour. Volontairement, le premier abuse des grimaces et le second cabotine. Ces amis dans la vie se retrouvent donc mis en rivalité pour un rôle principal. Le premier de leur carrière ! Ils ne connaissent ni le sujet du film et ne savent pas plus qui le réalisera. À la différence de la pièce de Visniec, Petit boulot pour vieux clowns, ils ne vont pas s’étriper pour l’obtenir. Ce qui est un peu dommage. Et lorsqu’ils ont enfin en main le texte pour l’audition et qu’ils rencontrent la réalisatrice (Chloé Lambert), ils restent sans voix.

Coup de théâtre

Nous aussi, d’ailleurs. À ce moment-là du spectacle, je susurre à l’oreille de mon amie Hélène : « Ça va être long ! » Hélène me répond : « Ça l’est déjà ! ». Mais voilà qu’à cet instant précis tombe un étonnant coup de théâtre : les deux vieilles briscardes que nous sommes se sont fait avoir par ce rebondissement inespéré. Reconnaissons sans mentir que son effet est des plus réussis ! Rassurez-vous, je vous ne le raconterai pas. Mais la pièce change alors totalement de registre. Nous sortons enfin de cette banale et bancale comédie boulevardière pour se rapprocher de l’univers des Six personnages en quête d’auteur de Pirandello !

Changement de ton

La mise en scène, jusque-là totalement plan-plan de Jean-Louis Benoit, trouve sa rythmique et son esthétique. Et l’on comprend enfin ce que vient faire là ce grand metteur en scène qui a fondé, avec Didier Bezace et Jacques Nichet, le Théâtre de l’Aquarium et réalisé tant de beaux spectacles — Tchekhov à la folie au Poche Montparnasse, Huis clos de Jean-Paul Sartre à l’Atelier et surtout, à la Comédie-Française, Les Fourberies de Scapin de Molière avec Philippe Torreton, pour n’en citer que quelques-uns.

Les pigeons © Cyril Bruneau

Je ne vous dévoilerai donc pas le cœur de l’intrigue de cette deuxième partie et vous dire qui joue quoi et pourquoi. Sachez qu’il y a un jeu de miroirs assez amusant, où chacun ne craint pas de se moquer de lui-même. Ce qui est évident, c’est que Chloé Lambert, Francis Huster et Michel Leeb s’en donnent à cœur joie. Philippe Vieux, dont je ne peux dire la raison de sa présence, est absolument désopilant !

Et vive les comédiens…

Quant à la question de la longévité des personnages sur l’interprétation des comédiens, je dirais que le débat est ouvert. Alors oui, Cyrano, Perdican, Rodrigue et autres grands personnages passent les siècles. Toutefois, c’est la variété des interprétations et les visions des metteurs en scène qui leur font encore passer la rampe. Lire des classiques, c’est une chose, les entendre sur scène en est une autre. En tout cas, pour sa première pièce, Leeb n’est pas allée à la simplicité, et c’est à souligner. On aurait aimé qu’il soigne un peu plus le premier acte pour que le second explose vraiment. Il n’empêche qu’à ce jeu du théâtre dans le théâtre, il nous a surpris.

Marie-Céline Nivière

Les Pigeons de Michel Leeb
Théâtre des Nouveautés
24 boulevard Poissonnière
75009 Paris.
Du 29 septembre au 25 novembre 2023.
Du jeudi au samedi à 21h, matinées les samedis à 16h30, les dimanches à 15h.
Durée 1h30.

Mise en scène de Jean-LouisBenoit.
Avec Michel Leeb, Francis Huster, Chloé Lambert et PhilippeVieux.
Décor de Jean Haas.
Lumières de Jean-Pascal Pracht.
Costumes de Charlotte Terrasse.
Musique de Fanny Leeb, Keni Arifi.
Assistant à la mise en scène Éric Supply.

Crédit photos © Cyril Bruneau

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