Thomas Grendronneau © DR
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Thomas Gendronneau : « On recrée une famille à chaque projet »

De retour à la Factory à Avignon pour une deuxième année consécutive, l’artiste bellifontain reprend Arianne, un pas avant la chute, un spectacle qu’il a écrit, mis en scène… et composé. À la croisée du concert et du théâtre, cette fresque portée par une troupe soudée puise dans la mythologie comme dans la pop culture.
Comment le théâtre est-il entré dans votre vie ?

Thomas Gendronneau : J’ai commencé très jeune, à six ans, dans une association appelée la Maison de la Vallée. C’est là que j’ai rencontré mon premier professeur, Philippe Perriard, qui a su me transmettre le virus du théâtre, ainsi qu’à tant d’autres. À dix-sept ans, porté par ses conseils et avec d’autres membres de notre petite troupe, nous sommes allés à Avignon pour notre premier Festival d’Avignon dans le Off. Le théâtre était déjà là, en moi.

À l’époque, je m’orientais vers des études en sciences humaines ou en sciences politiques. Mais un ami m’a inscrit à un casting pour une série. J’y suis allé un peu par hasard, j’ai tourné une journée… et j’ai su. Mes parents, très ouverts et soutenants, m’ont dit : « Si tu veux essayer, vas-y. » J’ai intégré le Cours Florent et j’y ai rencontré des professeurs formidables, mais surtout des amis devenus compagnons de route.

Cest de là que vient votre esprit de troupe ?
© Charlotte Assad-Graziani
© Charlotte Assad-Graziani

Thomas Gendronneau : Clairement. À Florent, j’ai croisé Lucas Gonzales, qui est dans Arianne, et Anthony Falkowsky, que je connais depuis le collège. On a fait ensemble notre tout premier Avignon, à dix-sept ans, et on en est à notre quatrième ! En 2019, j’ai écrit pour lui Chroniques dun escargot, une pièce jeune public inspirée de l’histoire de mon grand-père. 

Je retrouve aussi Basile Alaïmalaïs, rencontré sur Les Damnés mis en scène par Ivo van Hove pour Avignon avec la troupe de la Comédie-Française, et Quentin Maudet, à la lumière et la scénographie, que j’avais à peine croisé qui est devenu essentiel. Au fil des projets, de vraies synergies s’installent. Certains sont des fidèles et d’autres sont de nouvelles têtes, avec toujours cette sensation de recréer une famille.

La notion de troupe” semble centrale dans votre travail.

Thomas Gendronneau : Je ne l’ai jamais théorisée, mais elle s’impose d’elle-même. Pour Arianne, on est une quinzaine à Avignon, tout le monde met la main à la pâte, même pour monter le plateau en dix minutes chrono. Il y a une solidarité qui dépasse les rôles sur scène. C’est un engagement collectif. On ne joue pas juste ensemble, on vit ensemble.

Quand est née votre envie de mise en scène ?

Thomas Gendronneau : Je mettais déjà en scène dans ma troupe amateur. Puis en 2014, j’ai reçu une commande jeune public du Cours Florent. En 2016, j’ai monté Le Puits d’après Iván Repila avec Lucas. L’écriture, la composition, le jeu, tout s’est toujours mêlé naturellement.

Mais le véritable déclencheur fut la découverte du spectacle Les Naufragés du Fol Espoir d’Ariane Mnouchkine. J’avais seize ans. Ce théâtre de troupeà grande échelle, m’a bouleversé. J’y ai vu un modèle. J’ai acheté le livret, scruté les calques de scénographie. J’ai eu envie de fédérer, de créer avec ma propre bande.

Quelles rencontres ont compté dans votre parcours ?
© Charlotte Assad-Graziani
© Charlotte Assad-Graziani

Thomas Gendronneau : En tant que comédien, Philippe Perriard bien sûr, mais aussi Grétel Delattre, professeure au Cours Florent, qui m’a accompagné dans le passage à l’âge adulte.

Du côté de la mise en scène, j’ai eu la chance d’assister Éric Ruf à la Comédie-Française grâce à Laurent Delvert, avec qui je travaille aujourd’hui sur un nouveau projet, qui m’a très tôt fait confiance. L’assistanat a été une école formidable. Et puis, il y a les artistes que j’ai rencontrés avec qui j’ai pu travailler, comme Tiago Rodrigues qui est une référence pour sa puissance narrative, et ceux qui m’inspirent, comme Julien Gosselin pour son usage de la vidéo et du son, la façon dont il aborde le récit. Ce goût de l’hybridation me parle profondément.

Et votre carrière de comédien-musicien ?

Thomas Gendronneau : Ma toute première expérience professionnelle, c’était Marie Tudor de Victor Hugo, dans une mise en scène de Philippe Calvario. J’y jouais… mais j’y faisais surtout de la musique, en live, à la guitare. C’était mon premier cachet, en tant que musicien !

Depuis, j’ai souvent mêlé les deux. Je joue dans un groupe, je compose pour le théâtre, et sur scène. Souvent, on ne sait plus si je suis comédien, musicien ou les deux ! Mais j’adore cette frontière floue entre théâtre et concert. Dans Arianne, l’un des enjeux était précisément à cet endroit précis : sur scène, est-ce un groupe réel ou un groupe totalement fabriqué pour l’occasion ? J’aime que le public doute.

Comment est né Arianne ?

Thomas Gendronneau : Je voulais que musique et théâtre soient pleinement liés, qu’il y ait une vraie nécessité dramaturgique. J’ai beaucoup été influencé par Jeff Buckley, Amy Winehouse, Britney Spears, des icônes à la trajectoire brisée.  J’ai croisé cela avec le mythe d’Ariane, figure bafouée, abandonnée, méconnue.

La pièce s’est d’abord construite sous forme de maquette pour le concours du Théâtre 13, puis s’est étoffée au fil des résidences – notamment à la Scène Nationale de Sénart et au Vaisseau. L’écriture s’est nourrie des répétitions, des échanges. Ce n’est pas ce que je qualifierai de création collective, mais une écriture vivante, modelée dans le temps.

Cest votre deuxième année avec Arianne à la Factory. Pourquoi revenir ?
© Charlotte Assad-Graziani
© Charlotte Assad-Graziani

Thomas Gendronneau : On ne pensait pas le refaire, car un mois à Avignon pour une troupe de cette ampleur, cela coûte plus de 100 000 euros de budget. Ce qui est colossal pour une petite compagnie comme la nôtre. Mais l’équipe a insisté, des coproducteurs également. Et puis l’an dernier, après un début compliqué à cause des législatives, le bouche-à-oreille a pris. On s’est retrouvés complets, avec un public entremêlant les générations, mais avec une majorité de jeunes entre 25 et 35 ans.

Cette année, on a retrouvé la même salle et quasi le même créneau. Avec la même équipe, les personnes que j’ai citées ainsi que l’incroyable Mathilde Edith Mennetrier dans le rôle titre, Sarah Horoks, Sébastien Gorski et Aude Rouanet qui complète le casting et remplace Morgane Real qui vient de rentrer en tant que pensionnaire au Français. On a juste repris la bande… comme une tournée familiale.

Quest-ce quon peut vous souhaiter pour cette édition ?

Thomas Gendronneau : Que ce soit une fête lucide. Faire du théâtre aujourd’hui, c’est précieux. Mais il faut rester en prise avec le monde. Si Arianne permet de créer un espace commun, de sortir un instant du quotidien tout en restant éveillé, alors ce sera réussi.


Arianne, un pas avant la chute de Thomas Gendronneau
La Factory – Théâtre de l’Oulle – Festival Off Avignon
Du 5 au 26 juillet 2025 à 2025, relâche mardi
Durée 1h15.

 Mise en scène de Thomas Gendronneau assisté d’Amandine Scotto
Avec Basile Alaïmalaïs, Lucas Gonzalez, Sébastien Gorski, Sarah Horoks, Mathilde-Edith Mennetrier, Morgane Real, Anthony Falkowsky 
Lumière de Quentin Maudet 
Son  de Baptiste Pilon-Dubois et Pierre Forissier

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