Chemise blanche, pantalon noir, regard perdu, silhouette flottante, Nicolas Barry entre en scène. Ici pas de décor, si ce n’est la végétation luxuriante du Jardin du Carmel. Il hésite. Les mots n’arrivent pas tout de suite. Les gestes trahissent la tension, les tics se répètent, les silences s’étirent. Puis, lentement, il commence. Ce qu’il a à dire ne s’adresse à personne ici. C’est pour John Ah-Oui. Un homme aux allures de rêve, croisé par hasard dans un centre commercial, une apparition. Entre eux, un coup de foudre qui ne dit pas son nom, une rencontre improbable comme on n’en voit qu’au cinéma. Pourtant, dans la bouche de Louis Hee, l’impossible devient tangible. La magie opère.
Chaque mot cherche son chemin. Chaque souffle dit la peur d’avoir mal compris, d’avoir fantasmé. Louis avait écrit une déclaration sur papier, soigneusement préparée. Mais le texte a disparu, incapable de mettre la main dessus. Il faut tout dire sans filet. Tout donner. Et c’est là que le théâtre commence vraiment. Les mots s’emmêlent, trébuchent, se chevauchent, parfois se répètent. Le débit se dérègle. Et dans cette voix qui tremble, dans cette parole accidentée, c’est la vérité qui surgit. Le corps à corps du langage. Le poème d’un amour trop grand pour tenir dans une syntaxe lisse. Un chant d’amour sans ponctuation, ou presque. Une vague de désir qui dit la fusion, l’effacement de soi, le besoin vital de n’exister qu’à travers le regard de l’autre. L’envie de disparaître dès que l’autre détourne les yeux.
Nicolas Barry est là, totalement. Il irradie, tremble et brûle. Habité par le feu de ce qu’il dit, de ce qu’il ne peut pas dire autrement. Une intensité fragile, sur le fil, entre le rire et les larmes, le vertige et la tendresse. Et nous, face à lui, on croit à chaque mot. On voudrait être John, juste pour être aimé ainsi et se perdre dans le bleu lagon de ses yeux. On sent les frissons, le vent qui tourne, la lumière qui change, les feuilles qui s’agitent et les cigales qui chantent autour de cette scène à ciel ouvert. Plus rien ne compte. Il ne reste que ce chant, cette litanie, cette offrande, cette vérité nue. L’amour. Le vrai. Celui qui bouscule, celui qui déborde, celui qui exige tout, jusqu’au dernier souffle.
La déclaration de Louis Hee à John Ah-oui de Nicolas Barry
Jardin du Carmel – Théâtre du Train Bleu – Festival Off Avignon
du 6 au 24 juillet 2025 – les jours pairs
à 18h15
durée 45 min
Texte, mise en scène et interprétation – Nicolas Barry