Entre Sarah et Richard, il n’y a ni trahison ni mensonge. L’amour est bien là, solide, assumé. Pour fuir la routine, l’ennui, le silence du temps qui passe, ils ont passé un pacte. Vivre libres, ensemble, sans rien se cacher. L’accord semble honnête, transparent. Chacun peut aller voir ailleurs, mais l’amour, le vrai, reste leur domaine réservé.
Sauf que dans ce ballet de faux-semblants, les doutes finissent par s’inviter. Insidieusement. Richard commence à s’interroger. Sarah, elle, s’attache. Le contrat vacille. Lui s’échappe dans les bras tarifés d’une prostituée régulière. Elle ne jure plus que par son amant, trop présent, peut-être trop pressant. Et si, derrière ces masques qui tombent et ces rôles qui s’échangent, se cachait une autre quête ? Un amour à réinventer, déformé, amplifié par le désir et de torrides fantasmes afin ne pas sombrer dans la fadeur ? Et si tout cela n’était qu’un jeu… de rôle ?
Le trouble comme moteur
La mécanique s’emballe. Ce qui les unissait se retourne contre eux. Chaque mot glisse, pique, entaille. Les corps hésitent, s’apprivoisent, puis s’échappent. Le jeu devient piège. Qui teste l’autre ? Qui mène la danse ? Et jusqu’où peut-on aller pour raviver la flamme sans tout réduire en cendres ?
Thierry Harcourt dirige ce pas de deux avec justesse et efficacité. Il laisse la tension monter, doucement, jusqu’à l’inconfort. Pierre Rochefort brouille les pistes avec une retenue presque inquiétante. Sarah Biasini dose avec précision la malice et la cruauté, le charme et la morsure. Une alchimie troublante les unit, portée par une complicité qui vacille juste assez pour créer le trouble.
Dans ce salon devenu alcôve, ring ou théâtre d’ombres, L’Amant révèle ses aspérités. Une fois encore, Pinter dissèque le couple, ses non-dits et ses petits mensonges. Désuet autant que moderne, il y esquisse le couple dont beaucoup rêvent et en dévoile les failles criantes. C’est sec, tendu, parfois drôle, toujours profondément dérangeant. Une façon de se brûler pour mieux s’aimer. Ou pas.
L’Amant d’Harold Pinter
Théâtre du Chêne noir – Festival Off Avignon
du 5 au 26 juillet 2025 – relâches les mardis 8, 15 et 22 juillet 2025
Durée : 1h10
Mise en scène de Thierry Harcourt assisté de Clara Huet
Traduction d’Éric Kahane
avec Pierre Rochefort, Sarah Biasini et la participation fantasmatique de Simon Larvaron
Costumes de Chouchane Abello Tcherpachian
Lumières de Didier Brun
Musique de Tazio Caputo
Scénographie de Jean Michel Adam