C’est une révolte et une révolution. D’un côté, celle d’une jeune femme insouciante contre son père soucieux. De l’autre, celle d’un plateau, scindé en deux, qui tournoie sur lui-même. Comme à son habitude, Tiago Rodrigues marie le fond et la forme dans une pièce d’une grande justesse.
Mondes hostiles
Auteur, metteur en scène et accessoirement directeur du Festival d’Avignon, Tiago Rodrigues arrache des vérités à la science fiction. La Distance est le récit croisé d’un père et de sa fille, partie vivre sur mars. Docteur dans un hôpital en crise dans un futur apocalyptique, il échange des notes vocales avec son enfant unique. Une interaction différée, exclusivement sonore, et donc terriblement insatisfaisante.
Tous deux se disputent des souvenirs qui trahissent deux visions du monde radicalement opposées. Elle, aventureuse et pétrie par l’idéal d’un nouveau système qui fait table rase de l’ancien. Lui, accroché à un présent chaotique, chahuté par des « effondrements » consécutifs.
Une scénographie ingénieuse
Sur un plateau circulaire, pensé par Fernando Ribeiro, ce sont deux déserts qui s’offrent en miroir avec pour axe de symétrie, un arbre couché et une roche rougeâtre. Sur Mars, planète hostile, le futur semble halluciné. Sur Terre, il tient de l’impossible. Dans ce cercle aride qui tourne sur lui-même, les souvenirs se liquéfient. L’océan est un hors-champ, un horizon inaccessible, un traumatisme originel.
Selon la vitesse de la rotation, c’est toute une palette d’effets qui se déploie. Ce plateau qui tourne comme une horloge rappelle aussi la rotation des planètes ou encore celle de cette platine vinyle qui crache un même air de fado qui cristallise progressivement toutes les émotions du spectacle. Avec le vertige de cette révolution permanente, c’est tout l’effroi de ce père qui s’exprime au-delà des mots.
Une langue habile
Dans Catarina et la beauté de tuer des fascistes, on voyait toute la clairvoyance de Tiago Rodrigues pour restituer au sein d’une même famille un véritable débat politique. Cette fois, il saisit par sa justesse. Les personnages sont denses, complexes et tous deux parfaitement compréhensibles, quoiqu’on en pense.
Placé à la hauteur de ses protagonistes, l’auteur témoigne d’une humanité rare, justement pour interroger un monde qui en explore les limites. Porté par des interprètes de talent, du charismatique Adama Diop à l’excellente Alison Dechamps, La Distance présente des fragments bouleversants d’une rare universalité, où il est finalement moins question du cosmos que de la filiation, du deuil et du souvenir.
La distance, texte et mise en scène Tiago Rodrigues
L’autre scène du Grand Avignon (Vedène) – Festival d’Avignon
Du 7 au 26 juillet 2025
Durée 1h25.
Tournée
10 et 11 septembre 2025 au Divadlo International Theatre Festival (Pilsen, Tchéquie)
17 et 18 septembre 2025 au Plovdiv Drama Theatre (Bulgarie).
1er au 3 octobre 2025 à Malakoff Scène nationale – Théâtre 71
10 et 11 octobre 2025 De Singel (Anvers, Belgique).
15 au 17 octobre 2025 au Maillon – Théâtre de Strasbourg Scène européenne
22 au 24 octobre 2025 au Teatro Stabile di Napoli (Italie).
5 au 7 novembre 2025 à La Comédie de Clermont-Ferrand Scène nationale
13 au 23 novembre 2025 au Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse).
26 et 27 novembre 2025 à la MC2 Grenoble
1er décembre 2025 à Équinoxe Scène nationale de Châteauroux.
15 au 18 janvier 2026 au Centro Dramático Nacional (Madrid, Espagne)
21 au 25 janvier 2026 au Teatre Lliure (Barcelone, Espagne).
29 et 30 janvier 2026 au Bateau Feu Scène nationale de Dunkerque
3 et 4 février 2026 au Volcan Scène nationale du Havre.
7 au 10 mai 2026 à Onassis Stegi (Athènes, Grèce)
15 et 16 mai 2026 au Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa (Milan, Italie).
21 et 22 mai 2026 au Théâtre de Grasse – Scène conventionnée d’intérêt national Art & Création
27 et 28 mai 2026 à Scènes et Cinés – Scène conventionnée d’intérêt national Art en territoire (Istres).
2 et 3 juin 2026 au Théâtre du Bois de l’Aune (Aix-en-Provence)
Avec Alison Dechamps et Adama Diop
Traduction Thomas Resendes (français), Daniel Hahn (anglais)
Scénographie Fernando Ribeiro
Costumes José António Tenente
Lumière Rui Monteiro
Musique et son Pedro Costa
Collaboration artistique Sophie Bricaire
Assistanat à la mise en scène André Pato
Stagiaire à la mise en scène Thomas Medioni
