Le programme avignonnais porté par le Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France est officiellement lancé. Comme chaque année, depuis 2011, la danse a rendez-vous, neuf jours durant, sur un plateau unique à ciel ouvert accueillant les artistes associés de tout temps. Véritable fenêtre ouverte sur la création, La Belle Scène Saint-Denis présente trois programmes. Le premier d’entre eux réunissait des extraits de pièce d’Olga Dukhonvna, de la compagnie La Grive et Youness Aboulakoul.
Crawl, du folklore au break
L’écriture d’Olga Dukhovna se poursuit dans une recherche autour de l’héritage chorégraphique. Après s’être intéressée à l’histoire du Hopak dans sa précédente création, l’artiste ukrainienne se concentre sur les traces encore visibles de cette danse traditionnelle. Pour cela, elle conçoit une forme en deux temps qu’elle confie à Serhii Prokopenko alias Uzee Rock, danseur de break de renommée internationale. Sur le plateau à proximité immédiate du public, le b-boy se met dans une posture de démonstration et d’expérimentation. Il s’assure pour cela régulièrement du lien qui s’établit entre sa pratique et le regard qui lui est porté.
Dans une forme de contrat tacite, interprète et spectateurs suivent ainsi une histoire possible de la danse folklorique venue d’Ukraine. Composé d’images qui se mettent en miroir, Crawl va chercher dans les pas d’hier une expression plus contemporaine. De la sorte, Olga Dukhovna donne lieu à une composition geste par geste qui se métamorphose à vue. Celle-ci se transforme progressivement en une partition de breakdance tandis que dans les enceintes se mêlent les musiques solennelles d’hier et les beats d’aujourd’hui.
Mortal Soma, un dernier souffle
Dans leurs costumes en teintes de gris, les cheveux plaqués avec cérémonie, Clémentine Maubon, Bastien Lefèvre et Mathilde Bonicel se présentent avec déférence. Et pour cause, dans Mortal Soma, ils s’emparent d’une thématique sensible à souhait autour de notre rapport au deuil. Pour cette création, c’est plus précisément la question des pratiques funéraires qui les intéresse. Dans leur écriture, les deux chorégraphes et leur interprète vont chercher, à travers la production d’images, toute une déclinaison chorégraphique de ce que la mort entraîne de rituels.
Au cœur de leur trio qui se balade entre solennité et second degré, les figures s’enchaînent comme des numéros de cirque. Dans un rythme qui prend le temps de regarder chaque posture, la démonstration tient presque de l’exposé. À travers la forme aussi, il est donc question d’un rapport entre les morts et leur célébration. Quelque chose se joue de toute évidence dans la représentation et la notion de spectacle qui accompagne le dernier souffle des disparus.
Ayta, faire tenir le corps
Plus habitué des plateaux comme interprète (récemment chez Christian Rizzo ou Filipe Lourenço), Youness Aboulakoul endosse pour cette pièce le rôle de chorégraphe. Dans Ayta, il dirige cinq femmes à travers une création qui s’écrit au gré de l’endurance de ses interprètes. En prenant pour titre le nom d’un chant populaire marocain associé à la résistance, il conçoit ainsi un espace dans lequel le corps doit s’opposer à des forces contraires.
Produisant des mouvements qui ne sont ni parfaitement synchronisés ni précisément décalés, les cinq danseuses semblent perpétuellement en lutte. Celle-ci est avant tout individuelle, face à une adversité qui peut, dans l’interprétation, prendre un certain nombre de formes. Mais dans une lecture d’ensemble, ces singularités dessinent toute une diversité de combats. Ainsi naît un mouvement hypnotique qui se nourrit de ses disparités et que rien ne semble en mesure d’interrompre.
Programme 1
Du 9 au 13 juillet 2025
La Belle Scène Saint-Denis – Festival Off Avignon.
La Parenthèse
Durée 1h30 environ